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Le premier juge condamné pour complicité avec la Dictature [Actu]

Publié le 13 juin 2015 par Jyj9icx6

Le premier juge condamné pour complicité avec la Dictature [Actu]

En gros titre au-dessus de la photo de Manlio Rodríguez pendant son procès
"Il y a toujours une première fois"

Hier, un juge qui a exercé sous la Dictature militaire de 1976-1983, Manlio Rodríguez, a été condamné à seize ans de prison ferme pour avoir couvert judiciairement l'assassinat de cinq personnes, avoir participé à une séquestration et pour association illicite et abus de pouvoir, entre autres chefs d'inculpation. C'est la première fois qu'un juge est condamné pour avoir aidé la Dictature dans le cadre de ses fonctions.
Au niveau national, Página/12 est le seul quotidien a rapporté ce fait. Au niveau local, La Gaceta de Tucumán a rendu compte du procès tout au long de son déroulement. L'article de ce matin commente la sentence prononcée hier.
Pendant ce temps, depuis hier, Clarín, aujourd'hui rejoint par La Nación et La Prensa, tâche de discréditer Raúl Eugenio Zaffaroni, qui est candidat à la Cour Inter-américaine et dont il s'efforce de saboter les chances de nomination. Ils ressortent un vieil ouvrage publié en 1980, une étude universitaire, comme tous les chercheurs sont obligés d'en produire régulièrement pour exister dans la carrière, sur le vieux code militaire, aujourd'hui caduc, un code militaire qui pouvait justifier l'intervention de l'Armée dans la vie politique constitutionnelle du pays, en cas de grave menace sur l'intégrité de celui-ci, qui interdisait les relations homosexuelles au sein des forces armées et permettait la condamnation à mort par les tribunaux militaires. Bref, tout ce contre quoi lutte aujourd'hui l'ancien membre de la Cour suprême argentine. Hier, Clarín a publié le fac-similé de quelques paragraphes. Ce quotidien dit y voir une thèse légitimant le coup d'Etat de 1976 (le même journal a aussi accusé Horacio Verbitsky, un  militant anti-dictature garanti, d'en avoir été le complice). Pour ma part, il me semble clair qu'il s'agit d'un commentaire du texte et de son esprit, sans prise de position ni pour ni contre. Bref, un véritable travail universitaire dont la date (1980) est certes pour le moins malheureuse mais il fallait bien vivre et exercer son métier. Le juge Zaffaroni a en effet commencé sa carrière de juge pénal sous la Dictature. Et comme il le dit en substance aujourd'hui, lorsqu'on l'interroge sur cet ouvrage : notre génération a eu des choses bien difficiles à vivre et il a bien fallu les vivre dans l'époque qui était la nôtre. Depuis, 35 ans ont passé et le pays a bien changé, y compris pour ce qui est de l'homosexualité dans les rangs des militaires. Ce n'est pas la première fois que la droite cherche à créer du scandale autour de ce livre. En 2003, au moment où le défunt président Néstor Kirchner l'avait nommé à la Cour suprême le journaliste puis sénateur Rodolfo Terragno (1), avait déjà taché de ressortir cette affaire. En vain. C'est donc un scandale cyclique et qui, pour le moment, n'a jamais été de sortie que pour porter atteinte à un militant de la démocratie à chacune des étapes-clés de sa carrière qui a eu le malheur d'être jeune à une mauvaise époque.
Pour aller plus loin : sur la condamnation de Manlio Rodríguez à Tucumán lire l'article de Página/12 lire l'article de La Gaceta de Tucumán de ce matin lire l'article de La Gaceta de Tucumán d'hier soir
Sur le début de polémique sur le passé de Zaffaroni lire l'article de Clarín de ce matin (celui que j'ai lu hier mais qui a été nettoyé des extraits en fac-similé. C'est étrange d'enlever d'un article les éléments de preuve qui accréditeraient sa thèse) lire l'article de La Nación et cet autre où La Nación cite les réponses de l'intéressé à cette attaque (c'est déjà beaucoup plus fair-play que Clarín) lire l'article de La Prensa, qui reprend dans un autre article les déclarations du juge sur les péripéties de la campagne électorale (au sujet du candidat à la présidence Sergio Massa) lire la dépêche de Télam sur les réactions de Raúl Zaffaroni face à cette nouvelle attaque (il est habitué d'ailleurs).
(1) Terragno appartient à la Unión Cívica Radical (qui est censé se situer à gauche) mais il est plutôt catalogué à droite. En tout cas, comme tous les radicaux il est profondément anti-péroniste. L'homme a aussi fait beaucoup parlé de lui lorsqu'il a découvert en 1980 une archive militaire en Ecosse, le Plan Maitland, qui décrivait une stratégie montée par cet officier supérieur pour permettre au Royaume-Uni de s'emparer du sud de l'Amérique espagnole, après Trafalgar. Il a déduit de cette découverte que José de San Martín n'avait fait que suivre ce plan qui lui avait été donné, comme une sorte de consigne, lors de son séjour de 1811 à Londres lorsqu'il attendait son embarquement pour Buenos Aires. L'exposé qu'a fait Terragno accréditait des thèses fantaisistes qui circulaient et ont circulé encore plus vivement ensuite pour faire du grand soldat de l'indépendance un espion anglais. Terragno a ensuite écrit une biographie romancée, qui révèle le peu de sérieux de sa démarche historique : un pseudo-journal intime de San Martín. Terragno est l'un de ces historiographes argentins qui passent leur temps à abaisser ce que l'histoire de leur pays et de  leur continent a de beau, de grand, de généreux et d'exaltant au profit de héros médiocres et d'événements peu glorieux (comme la Conquête du Désert par exemple, qui est l'invasion de la Patagonie par les Blancs au prix du massacre des habitants mapuches). Assez déplaisant à dire le vrai.

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