Imagine : Les fanatiques

Il y a des fans de Nutella, qui à leurs yeux vaut de l'or. Comme il y a des fans de John Lennon, probablement les mêmes... Partout des fans, y compris des fleurs qui se fanent.
Un grand nombre de supporters qui s'autoproclament des fans, se baptisent eux-mêmes "fanatiques" pour décrire cette passion qui les dévore comme l'aigle dévorait le foie de Pygmalion pour signifier son exaltation ou son amour sans bornes.
Le fanatisme cogne désormais à toutes les portes ouvertes comme pour piéger nos libertés, les impliquer, les compliquer ou les engager, souvent dans des voies sans issue.
À l'origine le mot "fanatisme" renvoyait avec sa racine latine au "fanum", le fameux temple servi ou desservi par des croyants frénétiques qui se prennent pour les bergers de l'être ou pour les sentinelles du néant.
Mais on n'en est plus là, à un pas de l'abîme on vient de faire un pas en avant pour s'abîmer mutuellement.
Le fanatique ne tend plus vers le vrai, il prétend détenir la vérité qui l'anime, l'agite et le propulse sur le devant de la scène, où tout ce qui ne s'apparente pas à sa version de la vérité, lui paraît obscène. Il ne chemine pas vers Dieu, il indique le chemin qui y mène. Il n'est pas seulement religieux mais mystique : il jouit et se réjouit sans délais et sans relais d'une certitude inébranlable qui le pousse à transformer le réel à son image quitte à détruire tout ce qui s'oppose à son passage.
Il est animé par je ne sais quel feu sacré, celui de la religion, fort bien décrit par quelqu'un qui a fréquenté le Che, Régis Debray qui dit, je le cite de mémoire : "le feu sacré sera foyer ou volcan, domestique ou sauvage, vivifiant ou mortifère... qu'on le maudisse ou l'adore, il est bien là au cœur de la cité des hommes avec ses intermittences et ses ambivalences."
C'est bien résumé, les fanatiques sont bien animés d'un feu sacré... qu'on aura, avec le retour du religieux, de plus en plus de mal à éteindre.
Mais j'ai l'impression qu'un autre feu s'est déclaré, non moins fanatique et autrement plus catastrophique : le feu profane, qui ne brûle pas, mais éteint toutes les flammes pour faire de nous des infâmes.
Souvenez-vous du mot de Voltaire "l'infâme" pour désigner le dogmatisme religieux ou le destituer pour constituer le socle de notre fameuse et fumeuse laïcité. Qu'est-elle devenue depuis ? C'est ce que j'appelle justement un feu profane, qui désacralise pour se sacraliser, qui sape les fondements du religieux pour se draper avec ses propres divinités.
Le veau d'or n'est pas mort, il est ressuscité avec ses marchands et son marché. Une nouvelle religion est née, plus financière et plus austère que jamais, en un mot : la laïcité qui va faire de la vieille religion, le lieu de toutes ses transactions.