Semaine spéciale cinéastes américains sur Baz'art car après une longue chronique mardi dernier consacrée aux frères Coen, voici maintenant que j'aimerais vous parler d'un autre cinéaste majeur de la même génération, mais à l'univers complètement différent, je veux parler de Spike Lee, à l'occasion de la parution du livre de Karim Medani qui lui est consacrée, "Spike Lee, American Urban Story", sorti le 7 mai dernier aux éditions Don quichotte.
Je dois vous avouer que, contrairement au cinéma des Coen que j'ai appris à apprécier progressivement au gré de ma cinéphilie, les films de Lee ont d'emblée ont été un choc énorme pour moi lorsque je les ai vus au début des années 90, que ce soit "Mo Better's Blues", "Jungle Fever" ou bien évidemment "Do The Right Thing", exceptionnel brûlot sur les tensions raciales et de frustration urbaine à Brooklyn qui m'avait laissé totalement sur le cul carreau la première fois que je l'ai vu, tant ce film qui commence comme une pochade solaire et caniculaire finit de façon tragique et brutale, avec une mise en scène de Lee assez ahurissante.
J'imagine qu'étant à l'époque dans un lycée de banlieue plutot à fond dans la culture urbaine, ce cinéma là m'a parlé aussitot- et bien que j'écoutais plus Phil Barney que le rap US comme dit la semaine dernière- et les thématiques embrassées par le cinéma de Lee ne pouvait que me parler.
Du cinéma filmé à l’américaine certes, mais très attaché à la question sociale, à la question identitaire également, souvent focalisé sur la communauté noire à laquelle appartient Spike Lee. Et malheureusement, au vu de l'actualité américaine plus que récente, on se dit que 30 ans après ce film, rien n'a changé et que Spike Lee était sacrément visionnaire.
Si Do The Right Thing consacra définitivement Spike Lee comme une nouvelle voix, originale et essentielle d'une vague du cinéma américain, dans la veine des frères Singleton ou Hugues qui arrivaient à ce moment là, mais avec un sens de la mise en scène bien plus ambitieuse et novatrice.
Journaliste pour de nombreuses revues spécialisées dans les cultures urbaines et la musique afro-américaine, Karim Madani propose, à travers cet essai biographique paru début mai aux éditions Don Quichotte, une radiographie de l'Amérique des ghettos des années 1970's à aujourd'hui, à travers la vie et l'œuvre de Spike Lee.
En inventant la street culture, creuset d’une nouvelle mythologie urbaine au fil des décennies, l’auteur de Do The Right Thing est assurément un cinéaste fondamental et qui compte forcément pour tous les amateurs de cinéma, et même au milieu puis à la fin des années 90, « Malcolm X », « Summer of Sam » ou encore son chef d'oeuvre méconnu « la 25ème heure", n'a eu de cesse de la confirmer, malgré des prises de bec évidentes avec les grands studios amérciains.
Particulièrement bien troussé, le livre de Madani, qui n'est pas une simple biographie classique, mais véritablement une ballade pas chronologique à travers l'Amérique urbaine, nous relate la genèse et le contexte dans lesquels les films de Spike Lee ont été écrit et réalisé, lui qui, enfant de Brooklynn, a été confronté, en première ligne, aux vies qu’il décrit à travers son cinéma.
On apprend une quantité d'anecdotes particulièrement inédites et intéressantes, donnant l'impression que l'auteur était carrément dans la pièce au moment de transactions ou de discussions confidentielles entre Lee et d'autres personnes du milieu noires américaines très connues ( Michael Jordan, Samuel L Jakson, oPrah Winfrey...).
On voit à quel point, pendant toute la lecture Spike Lee, est une personnalité entière jamais pret à céder sur la moindre concession, quitte à disparaitre un peu dans les années 2000-2010 du cinéma malgré Inside Man et un Old Boy bien moins raté que ce qu'on a dit .
Bref, un livre passonnant et très documenté, incontestablement un des meilleures bouquins sur les cinéastes lus ces derniers temps.