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Déclaration environnementale des produits : le Conseil d'Etat donne un délai supplémentaire pour les produits de construction et de décoration par application du principe de sécurité juridique

Publié le 22 juin 2015 par Arnaudgossement

Par arrêt n°375853 du 17 mai 2015, le Conseil d'Etat a partiellement annulé un décret et un arrêté du 23 décembre 2013, en tant qu'était fixé un délai trop court, aux entreprises concernées, pour satisfaire à leur obligation de déclaration environnementale pour les produits de construction et de décoration destinés à un usage dans les ouvrages de bâtiment Un délai trop bref eu égard aux exigences du principe de sécurité juridique.

Pour mémoire, la loi "Grenelle II du 12 juillet 2010 (article L. 214-1 du code de la consommation) dispose :

" Il sera statué par des décrets en Conseil d'Etat sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution des chapitres II à VI du présent titre, notamment en ce qui concerne : / (...) 10° Les exigences de précision, de vérification et de prise en compte des éléments significatifs du cycle de vie des produits dans l'élaboration des allégations à caractère environnemental ou utilisant les termes de développement durable ou ses synonymes, lorsque ces allégations sont présentées sur les produits destinés à la vente aux consommateurs ou accompagnent leur commercialisation sous forme de mentions sur les emballages, les publications, la publicité, la télémercatique ou d'insertions sur supports numériques ou électroniques"

Ces dispositions avaient pour but d'améliorer l'information du consommateur exposé à des allégations environnementales sur des produits mis en vente.

Plusieurs normes réglementaires ont été publiées pour assurer l'application de ces dispositions législatives.

Le syndicat national des industries des peintures, enduits et vernis (SIPEV) et l'association française des industries, colles, adhésifs et mastics (AFICAM) demandaient au Conseil d'Etat d'annuler :

- le décret n° 2013-1264 du 23 décembre 2013 relatif à la déclaration environnementale de certains produits de construction destinés à un usage dans les ouvrages de bâtiment ;

- l'arrêté du 23 décembre 2013 relatif à la déclaration environnementale des produits de construction et de décoration destinés à un usage dans les ouvrages de bâtiment ;

- l'arrêté du 11 juillet 2014 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la déclaration environnementale des produits de construction et de décoration destinés à un usage dans les ouvrages de bâtiment dénommé " déclaration environnementale ".

Le Conseil d'Etat annule le décret et l'arrêté du 23 décembre 2013 en tant qu'ils fixent un délai trop court aux entreprises pour s'adapter à cette nouvelle réglementation.

Précision sur l'intérêt donnant qualité à agir

L'arrêt apporte une précision, non pas nouvelle mais intéressante sur la portée de son contrôle de la qualité donnant intérêt à agir d'un requérant qui sollicite l'annulation d'une décision administrative. Ainsi, un requérant peut avoir intérêt donnant qualité à agir à l'encontre d'une partie seulement d'une décision administrative dont il demande l'annulation :

"2. Considérant que les dispositions du décret attaqué s'appliquent à la mise sur le marché des produits de construction et de décoration ainsi que des équipements électriques, électroniques et de génie climatique destinés à la vente aux consommateurs ; que les requérants regroupent seulement des fabricants de produits de construction et de décoration ; qu'ils n'ont, dès lors, pas d'intérêt leur donnant qualité pour agir contre le décret en tant qu'il s'applique aux équipements électriques, électroniques et de génie climatique ; que leurs conclusions doivent être regardées comme dirigées contre le décret en tant seulement qu'il s'applique aux produits de construction et de décoration ;"

Ainsi, le Juge administratif est en droit d'écarter la demande d'annulation du requérant en tant qu'elle est dirigée contre une partie d'un acte administratif qui est sans rapport avec son intérêt à agir. Au cas présent, le recours en tant qu'il comporte une demande d'annulation relative aux dispositions afférentes aux équipements électriques et électroniques et de génie climatique, est jugé irrecevable.

Le principe de sécurité juridique

L'arrêt n'apporte pas non plus d'enseignement réellement nouveau quant au sens et à la portée du principe de sécurité juridique, lequel impose que le pouvoir réglementaire organise une période transitoire lorsqu'il édicte une réglementation nouvelle. L'arrêt comporte ainsi un rappel des exigences du principe de sécurité juridique :

"Sur le moyen relatif à la sécurité juridique :
16. Considérant que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit, sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause "

Ainsi, lorsqu'une application immédiate d'une nouvelle norme réglementaire est susceptible de porter "une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause", le pouvoir réglementaire doit organiser une période transitoire".

Ce qu'il avait au cas présent mais de manière insuffisante.

Au cas présent, les textes publiés le 29 décembre 2013 avaient fixé au lendemain, soit le 1er janvier 2014, la date à partir de laquelle, les metteurs sur le marché de produits comportant une allégation environnementale devaient produire une déclaration environnementale simplifiée. Une déclaration environnementale complète étant exigée à compter du 1er juillet 2014. Un délai jugé trop bref par le Conseil d'Etat :


"18. Considérant que les ministres ne contestent pas que l'établissement de la déclaration environnementale, même simplifiée, nécessite la réalisation d'études techniques préalables, ni que les " fiches de déclarations environnementales et sanitaires " présentant un bilan environnemental et réalisées à titre volontaire par les entreprises concernées avant l'entrée en vigueur du décret attaqué, qui seules peuvent dispenser de telles études, n'existaient pas pour tous les produits de construction et de décoration ; qu'il incombait au pouvoir réglementaire, pour des motifs de sécurité juridique, de permettre aux entreprises qui commercialisaient les produits en cause avant l'entrée en vigueur du décret attaqué de disposer d'un délai raisonnable pour réaliser les études nécessaires ou, à défaut de supprimer les allégations figurant sur les produits, pour procéder à la certification de ceux-ci ; que si l'arrêté attaqué prévoit, ainsi qu'il a été dit, à titre dérogatoire, une liste réduite des indicateurs qui doivent figurer dans une déclaration simplifiée à compter du 1er janvier 2014 et une liste exhaustive d'informations exigées seulement à compter du 1er juillet 2014, les dispositions attaquées ne peuvent être regardées comme garantissant suffisamment la sécurité juridique des opérateurs économiques concernés ; qu'il appartient dès lors au juge de l'excès de pouvoir, statuant après l'entrée en vigueur de ces dispositions, de les annuler en tant qu'elles n'ont pas prévu un délai suffisant pour leur entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, les requérants sont fondés à demander l'annulation du décret et de l'arrêté du 23 décembre 2013, en tant qu'ils n'ont pas différé de six mois l'obligation d'établir une déclaration environnementale simplifiée et d'un an celle d'établir une déclaration environnementale exhaustive ;"

Le Conseil d'Etat annule le décret et l'arrêté attaqué mais uniquement en ce que le pouvoir réglementaire n'a pas différé l'obligation d'établir une déclaration environnementale simplifiée (de 6 mois) puis complète (d'un an).

Il appartient donc désormais au pouvoir réglementaire de procéder à une réécriture des dispositions annulées en tenant compte de ces nouveaux délais de nature à organiser une période transitoire conformé aux exigences du principe de sécurité juridique.

Arnaud Gossement


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