Entre les ruines du souvenir et les lignes d’un recueil de nouvelles de science fiction, ce mot : Présente. C’est le titre de l’exposition (Carte blanche à Eva Nielsen et Joël Riff) qui était à voir au Centre d’Art Contemporain La Traverse d’Alfortville début juin 2015. J’y suis allé dans les tout derniers jours, comme si, d’une certaine manière, la question de l’urgence se posait à ce moment-là : ne pas arriver trop tard. Il y avait un bureau, dès l’entrée, imbriqué dans un mur délabré ou en voie de délabrement. Dans le mobilier, la vidéo d’une oeuvre de Charlotte Moth qui ne peut plus être vue que sur un écran. Immédiatement, on se demande ce qui reste des créations humaines, dressées dans des paysages immenses ou posées au milieu d’une salle vide. Dans ce Centre d’Art Contemporain, les pièces se suivent, ouvrant des points de vue, orientant le regard, captant la lumière. Les angles des structures d’Anne-Charlotte Yver recomposent les espaces, engagent la relation entre les oeuvres. Eva Nielsen, regroupant ici des peintures, des collages, des matières différentes, de dix artistes, nous invite à entrer de plain pied dans la question du temps. Et pose ce livre, Chroniques martiennes de Ray Bradbury, emprunté il y a longtemps sans doute dans la bibliothèque d’un Collège. Présence du futur est le nom de la collection où est paru ce texte en 1954. Elle nous invite à regarder aujourd’hui depuis demain, les charpentes posées sur le sol, les portraits sous la peau, les toiles arrachées, comme si le vent s’était engouffré dans les matériaux abandonnés. Les portes sont ouvertes et laissent apercevoir une partie d’une grande toile, le jour qui inonde l’entrée, les jeux de la lumière sur le papier ou sur le cuivre ou sur le bois. Qu’est-ce qui était là ? Qu’en sera-t-il de nous ?
Shanta Rao