George Duroy est un jeune homme sans qualification, sans diplôme et donc sans argent. Il erre dans la capitale, dépité de ne pas pouvoir s’offrir une soirée au théâtre ou une nuit avec une fille de joie. La chance lui sourit pourtant lorsqu’il croise dans la rue Forestier, un ancien camarade devenu journaliste à la Vie Française. Ce dernier lui propose un petit coup de pouce et l’invite à un dîner où il pourra rencontrer le rédacteur en chef. Nerveux, il y rencontre également l’étonnante et mystérieuse Madeleine Forestier, la femme de son ami, ainsi que Clotilde de Marelle, une jolie jeune femme que son charme ne laisse pas indifférent. C’est alors qu’il prend conscience de son plus grand atout: il plaît aux femmes. Aux femmes de la bonne société. Et voilà que le jeune homme sans le sou et sans talent entrevoit le moyen de grimper au sommet.
J’ai déjà critiqué en février 2009 ce monument de la littérature française. Et à la relecture, ce qui m’a surtout frappé, c’est la simplicité de son langage. La langue de Maupassant est presque plate tant elle est accessible. D’ailleurs, tout est fait pour qu’on ne s’attache pas à Duroy, jusqu’au langage extrêmement détaché. Au début, pourtant, il m’a presque paru sympathique, cet espèce de loser, qui se dépêche de dépenser ses quelques sous avec une prostituée et qui n’a même pas de quoi se payer un habit convenable pour aller dîner. Le sujet reste d’ailleurs longtemps sensible pour lui, au point qu’il s’offusque gravement lorsque sa riche maîtresse lui glisse à son insu de l’argent dont il a pourtant désespérément besoin. Arnaquer, oui, faire l’aumône, non. On le voit donc, petit à petit, se débarrasser de tous ses scrupules pour ne penser plus qu’à son intérêt. S’il s’attache sincèrement à Clotilde au début, il n’hésite plus ensuite à se débarrasser des femmes qui le gênent, quitte à les battre, et qui l’ont porté aux nues pour obtenir ce qu’il souhaite. De garçon gauche, il devient un véritable monstre d’ambition sous nos yeux.
Les femmes d’ailleurs sont de fascinants personnages et Maupassant en dessine toutes les nuances. J’ai eu beaucoup de sympathie pour la légère Clotilde, qui l’adore comme un joli jouet, crie à la fin du monde dès qu’il la trompe, mais qui revient toujours près de lui. J’ai eu beaucoup de peine pour Virginie, l’ingénue dame d’un autre âge qui revit une seconde jeunesse avec ce jeune premier qui l’utilise éhontément. J’ai eu beaucoup d’admiration pour Madeleine, la futée, qui réussit par l’intermédiaire de son mari, s’imposant dans un monde d’homme dans l’ombre, la seule de ces journalistes qui aura peut-être du talent là où les hommes n’ont que de l’esbroufe et de l’à-propos.
La critique du journalisme est en effet sévère. C’est sans aucun art, ni même rien à raconter que Duroy entre à la Vie Française. C’est sa femme qui lui écrit ses articles. Dans la salle de rédaction, l’on fait des concours de bilboquet quand on ne recopie pas les articles de l’année dernière en changeant les noms. C’est par relation et intimidation que l’on obtient la Légion d’Honneur, preuve que la presse est un véritable quatrième pouvoir. Maupassant connaît bien ce milieu et on l’imagine grinçant, crachant sur tout le monde, dépeignant un personnage détestable qui écrase tout le monde, privant son monde de tout optimisme.
La note de Mélu:
Redoutable!
Un mot sur l’auteur: Guy de Maupassant (1850-1893) est un auteur français naturaliste, à la vie dissolue, célèbre pour ses contes et nouvelles. D’autres de ses livres sur Ma Bouquinerie: