Quatrième de couverture :
La vie du pianiste canadien, musicien « total » et star planétaire de la musique classique. Cette biographie en bande dessinée cherche à comprendre la personnalité derrière le personnage. Car il y a un mystère Glenn Gould : pourquoi a-t-il arrêté si brusquement sa carrière de concertiste ? Pourquoi est-il devenu une des premières figures de l’ère médiatique à vouloir disparaître, à l’instar d’un J.D. Salinger ?
Sandrine Revel met tout son talent au service de cette peinture magnifique d’un génie absolu et adulé.
Qui ne connaît pas Glenn Gould, au moins de nom ? De ce pianiste prodige, né en 1932 et mort en 1982, je ne me suis rendu compte que je ne connaissais que des bribes de vie, des anecdotes sur ses manies, ses lubies, ses relations difficiles avec les chefs d’orchestre. Sa façon de chantonner pendant qu’il jouait, qui faisait le désespoir des techniciens du son lors des enregistrements, sa chaise de piano très basse… Et bien les mythiques versions des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach.
A lire la biographie dessinée par Sandrine Revel, j’ai découvert d’autres aspects du personnage : sa capacité à enregistrer encore et toujours, produisant à chaque fois des versions complètement différentes et toutes aussi bonnes les unes que les autres, qui ne le satisfaisaient pourtant jamais complètement et fatiguaient sans doute furieusement les techniciens et les musiciens avec qui il jouait ou enregistrait en concert. Ses habitudes alimentaires monomaniaques. Sa peur de prendre froid, son hypocondrie et son goût immodéré pour les pilules. Ses hallucinations. On pense aujourd’hui, à observer ses comportements, qu’il souffrait du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme savant, qui l’isolait des autres enfants de son âge et lui faisait préférer la compagnie des animaux.
Un homme, un artiste qui emportait soit l’adhésion soit la colère et dont les concerts ne laissaient personne indifférent. Quand il osa aller jouer en Union soviétique, le premier soir à Moscou, le public était très clairsemé ; à l’entracte, les quelques personnes présentes sont parties téléphoner à leurs proches et à la fin du récital la salle était comble et ce fut un véritable triomphe. Difficile alors de comprendre pourquoi le pianiste décide brutalement de quitter la scène en 1964 et de se consacrer à des reportages, des émissions radiophoniques et aux enregistrements : il explique – si j’ai bien compris – que sa liberté est plus grande dans ce mode de jeu et que la relation à l’auditeur qui écoute son disque dans sa solitude contribue à multiplier ces expériences sensibles et créatives.
Toutes ces facettes, et bien d’autres, sont présentées par Sandrine Revel dans une narration éclatée entre passé et présent. Le présent, c’est celui de la semaine entre le 27 septembre et le 4 octobre 1982, où l’état de santé de Glenn Gould se dégrade rapidement suite à un AVC, jusqu’à sa mort, à l’âge de cinquante ans. Un présent dont les cases rectangulaires sont entourées d’un double trait noir. Le passé, ce sont les multiples retours en arrière dans l’enfance, la jeunesse, les concerts, les studios d’enregistrement, les souvenirs liés à la cousine Jessie, à une femme qui a tenté de partager la vie de Gould. Des retours éclatés eux aussi, non linéaires et racontés dans des cases aux bords arrondis. Le tout entrecoupé des images mentales supposées de Glenn Gould dans ses rêves, pendant ses périodes de dépression et durant sa dernière semaine passée dans le coma. Un choix de narration qui rend compte de sa personnalité complexe, insaisissable, et se décline dans des couleurs assez neutres, des tons d’automne, des gris que Gould affectionnait particulièrement, je crois, traversés parfois de rouges profonds. Les cadrages sont serrés, le découpage est précis, des planches entières se concentrent sur les mains ou le visage du pianiste, un autre procédé qui rend bien compte de ses obsessions.
En complément à cette lecture, j’ai lu le tout petit ouvrage paru chez Allia : Glenn Gould par Glenn Gould sur Glenn Gould.
Il s’agit d’une auto-interview fictive (dans le sens où le pianiste fait lui-même les questions et les réponses) parue pour la première fois en février 1974 dans la revue High Fidelity, où, bien évidemment, le pianiste esquive les questions purement musicales du « journaliste ». Une mise en scène sur le mode de l’auto-dérision à laquelle, je l’avoue, je n’ai pas tout compris, perdue que j’étais dans le feu d’artifice philosophique qui anime le cerveau de monsieur Gould.
Une chose m’a cependant fait réagir et réfléchir : il oppose le jugement esthétique au jugement moral sur une oeuvre, préférant ce dernier. La musique (encore une fois, je ne suis pas sûre d’avoir bien compris exactement ses propos, je m’excuse auprès des connaisseurs) amènerait le public auditeur à modifier son comportement. Je suis d’accord que le jugement purement esthétique n’est sans doute pas fiable, car « les goûts et les couleurs ne se discutent pas » dit la sagesse populaire. Il me semble qu’il faut d’abord écouter ses émotions, ensuite essayer de comprendre (à l’aide de critères précis) par quels moyens le compositeur et l’interprète ont provoqué ces émotions et quels effets ces moyens musicaux provoquent chez nous, au-delà de l’émotion. Cela relèvera-t-il du bien et du mal, je n’en suis pas sûre… Plutôt que de vouloir tout comprendre et expliquer, je botte en touche et je vous propose d’écouter Glenn Gould dans un extrait des Variations Goldberg (la Variation 9), enregistrement de 1964.
Sandrine REVEL, Glenn Gould Une vie à contretemps, Dargaud, 2015
Glenn Gould par Glenn Gould sur Glenn Gould, traduit de l’anglais par Elise Patton, Editions Allia, 2012
Projet Non-Fiction avec Marilyne
Un peu d’infos sur Glenn Gould, sans doute partielles.
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