Durant la guerre de 14-18, des moyens sans précédent sont accordés à la météorologie. Des progrès majeurs en découlent sur les techniques d'observation et surtout de prévision. Les comptes-rendus de l'Académie des Sciences des années 1917 à 1922 sont particulièrement instructifs pour suivre ces progrès, avec parfois des débats houleux entre spécialistes.
Les besoins en météorologie explosent pendant le conflit de 14-18Très vite, les autorités militaires comprennent l'importance de la météorologie : elle est un besoin vital pour cette nouvelle arme qu'est l'aviation ; elle est indispensable pour tirer parti des avancées techniques en matière de précision des tirs de l'artillerie ; l'utilisation d'armes chimiques ne peut être envisagée sans une maîtrise de la connaissance du vent sur le terrain.
Dès février 1915, l'artillerie, l'aviation, la marine et le génie (avec les compagnies Z chargées de l'émission de vagues de gaz asphyxiants) réclament un service météorologique dédié. Un bureau météorologique militaire, rattaché au Service géographique de l'armée, est créé en octobre 1915, afin de rationaliser la réponse aux besoins météorologiques des armées. Il a pour missions principales d'organiser le service aux armées en mettant en place un réseau d'observation météorologique tout au long du front, de définir et fournir des instruments adaptés en particulier à l'observation en altitude, de former des météorologistes - on en dénombrera plus de 2000 à la signature de l'armistice -, d'améliorer les techniques de prévision.
Conflit entre les besoins civils et militairesAu 1 er septembre 1914, le Bureau central météorologique (BCM) civil compte 35 fonctionnaires, dont près d'un quart sera mobilisé. Plutôt que de le renforcer, les Armées choisissent de disposer de leur propre service et de lui affecter des moyens importants : personnels scientifiques choisis parmi les mobilisés, nouvelles stations, matériel de pointe ! Les transmissions des renseignements météorologiques sont réorganisées afin de servir en priorité les Armées. Cette cohabitation avec le BCM civil ne se fait pas sans heurts, d'autant que, pour des raisons de sécurité nationale, les informations météorologiques sont classées " défense ". Seul reste édité, pendant toute la durée du conflit, le Bulletin international du Bureau central météorologique de France (BQI) créé en 1857, à l' Observatoire de Paris. Sa parution est toutefois retardée de vingt-quatre heures à une semaine pour éviter qu'il ne soit utilisé par l'ennemi.
Le BCM continuera aussi à faire fonctionner le réseau d'observations climatologiques, même pour les départements situés sur la ligne de front, comme en témoigne le Bulletin annuel de la Commission météorologique des différents départements de ces quatre années dont une partie a été numérisée. Le BCM recevra ainsi, chaque semaine, les Aquarelles d'observations météorologiques d'André Des Gachons, observateur bénévole à La Chaussée sur Marne, à quelques kilomètres du front. Elles font l'objet d'une exposition labellisée centenaire au Musée des Beaux-arts de Châlons en Champagne.
La création d'un réseau de stations d'observationsL'aviation, qui montera en puissance tout au long du conflit, et l'artillerie, qui doit pouvoir tirer précisément, ont besoin de données météorologiques (vent, pression, température) au sol mais surtout en altitude. Très vite, les prévisionnistes, qu'ils soient civils ou militaires, comprennent l'importance des données d'altitude et se les approprient afin d'améliorer leurs prévisions, en traitant l'atmosphère comme un tout et non plus comme une succession de strates indépendantes. Les techniques de sondages s'améliorent et le réseau de stations de sondages se densifie (une quarantaine de stations en août 1918). Les militaires sont focalisés sur l'utilisation immédiate des données qui sont transmises par télégraphe.
L'évolution des techniques de prévisionL'évolution des éditions du Traité élémentaire de météorologie d'Alfred Angot ( 1899, 1911, 1916, 1928, 1931) s'est révélée particulièrement instructive pour comprendre les avancées dans ce domaine. Avant la guerre, " faire de la prévision " consistait principalement à étudier les observations météorologiques afin d'essayer de retrouver, dans les situations passées, un " type de temps " similaire et à extrapoler le déplacement des phénomènes repérés sur les cartes d'observation. Il faut du temps et une bonne connaissance du terrain pour devenir un bon prévisionniste. Ce " temps ", un pays en guerre n'en dispose pas. Il faut donc innover, tester...
Le service météorologique aux armées recrute parmi les meilleurs scientifiques. Tous vont passer leurs journées à analyser les cartes d'observation au sol comme en altitude pour essayer de déterminer des règles pour la prévision météorologique.
Comme l'indique George Reboul, chef de la station météorologique de Malzéville (près de Nancy), l'urgence est là : " de la justesse de nos prévisions dépendait donc souvent [...] l'existence des camarades au milieu desquels nous continuions à vivre quotidiennement ". Un de ses registres de travail Ville Armée, exposé à Chalons en Champagne, a également été numérisé.
En savoir plus :
La météo au temps de la Grande guerre, sur le site " Météo-France et vous "
L' exposition labellisée centenaire " André des Gachons : le ciel entre guerre et paix " au Musée des beaux-arts de Chalons en Champagne du 7 mars au 15 juin 2015, puis à l'Espace TREIZE à Paris du 19 juin au 13 juillet 2015
Marie-Hélène PEPIN, chef du département Documentation, Météo-France