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Toute la mémoire du monde

Publié le 03 juillet 2015 par Pantalaskas @chapeau_noir

Parmi les quatre expositions visibles actuellement au Musée régional d'art contemporain de Sérignan, deux d'entre-elles renvoient, chacune avec son projet personnel, à la question  de la représentation du monde, interrogation qui mêle propositions artistiques et spéculations historiques et philosophiques.

Nuremberg Map of Tenochtitlan  Marianna Castillo Debal

Nuremberg Map of Tenochtitlan Marianna Castillo Debal

Nuremberg Map of Tenochtitlan

Mariana Castillo Deball présente "Nuremberg Map of Tenochtitlan (2013) ",  une œuvre monumentale couvrant l'intégralité du sol de l'une des salles d'exposition. Constitué d'un assemblage de planches de bois gravées, de façon à former un seul dessin tentaculaire, ce sol reproduit la première carte de Tenochtitlán envoyée aux Européens en 1521 par le conquistador Hernán Cortés, et demeure l'une des rares cartes qui nous soit parvenue de cet empire Aztèque pré-colonial.
Au-delà de sa fonction immédiate, cette cartographie scelle une histoire, les Espagnols s’attachant à éradiquer la culture Aztèque. Prêtres, nobles, scribes sont exécutés. Les bibliothèques, les archives des palais Aztèques sont pillées et les manuscrits brûlés. Les temples sont détruits, les statues et les idoles jetées à bas et disloquées. En peu d'années, tous les témoignages de la culture Aztèque seront ainsi anéanties. Cette réalisation imposante qui occupe entièrement le sol de la plus grande salle du M.R.A.C  appelle ce devoir de mémoire.

Atlas 2014 Mariana Castillo Deball

Atlas 2014 Mariana Castillo Deball

La somme des plaques gravées au sol a donné naissance à un grand livre (Atlas 2014) qui prolonge cet impressionnant travail de recognition.
Le travail de l'artiste mexicaine s'inscrit ainsi dans une démarche qui établit des passerelles entre patrimoine et modernité, entre art contemporain et histoire, revisitant la mémoire douloureuse et controversée de son pays d'origine.
Mais si cette mémoire s'enracine ici dans le passé d'une civilisation, c'est à une mémoire inventée que renvoie  l'exposition de Francisco Tropa.

Trésors submergés de l'Ancienne Egypte

Avec ce titre qui promet la redécouverte d'une mémoire enfouie au terme d'une exploration inédite, le visiteur va devoir tenter de rassembler les éléments de ce qui se révèle, en réalité, comme une expédition archéologique fictive. Et ce cheminement du visiteur suppose, me semble-t-il, un véritable travail d'enquête dans une installation où chaque élément ne se livre pas spontanément et demande un examen attentif. Au centre de cet espace, "Le songe de Scipion" se présente sous la forme  d'un cube et deux sphères qui gravitent les unes en interaction avec les autres. "Scripta"  désigne un tapis de jeu au sol où se déploie un paysage composé d'élément naturels et de leur exacte réplique en bronze.

Francisco Tropa M.R.A.C. Sérignan 21015

Francisco Tropa M.R.A.C. Sérignan 21015

Chacune des propositions se rapporte à une référence culturelle. Pour "Le songe de Scipion"  le titre évoque "une allégorie présente dans l'ouvrage De Republica de Cicéron dans lequel l'organisation cosmique du monde est révélée par le rêve".   "Scripta" est à l'origine du mot écrire mais également désigne le dé et donc des jeux de hasard. La seule découverte visuelle de l'exposition peut-elle suffire à entrer dans l'univers fictionnel du jeune artiste portugais qui a représente son pays à la biennale de Venise en 2011 ?  Il me semble que ses installations à Sérignan ouvrent une interrogation dont les réponses ne sont pas immédiatement à notre disposition. Si l'on veut bien considérer qu'en philosophie la question compte davantage que la réponse, la démarche de Francisco Tropa s'inscrit alors dans cette préoccupation d'un art sous-tendu par une trame philosophique permanente. Dans cette archéologie imaginaire, la mémoire n'est plus celle d'une civilisation disparue. Elle pourrait bien être une réminiscence issue de la pensée même de l'artiste, mémoire résurgente dont la nature entre fiction et réalité se développe au fil des oeuvres et des expositions..
Entre la mémoire historique elle même sujette à controverses et cette mémoire rêvée, les deux expositions de Mariana Castillo Deball  et de Francisco Tropa participent à cet inventaire dans lequel se révélerait  toute  la mémoire du monde.

Photos de l'auteur

Expositions
Nuremberg Map of Tenochtitlan Mariana Castillo Deball
Trésors submergés de l'Ancienne Egypte Francisco Tropa
28 juin - 30 aout 2015
Musée régional d'art contemporain Languedoc-Roussillon
146 avenue de la plage
Sérignan

Voyage à l'invitation du M.R.A.C. Languedos-Roussillon


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