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[critique] Kundo : Il était une fois dans l'Est

Par Vance @Great_Wenceslas
[critique] Kundo : Il était une fois dans l'Est

Depuis le 2 juillet, Kundo est disponible dans tous les circuits de vente de vidéo. Ce film coréen qui n'a pas reçu la possibilité d'être distribué dans les salles mérite pourtant le coup d'oeil, surtout si l'on connaît le dynamisme des productions du Pays du Matin calme, que l'on aime les épopées ou les films de genre à fort caractère. Un bon petit film en somme, et même un peu plus que cela.

D'emblée, Kundo affiche ses origines, ses racines : la horde galopant au crépuscule sur une musique bardée de cuivres rappelle les grandes heures du western spaghetti alors même que vient de disparaître Sergio Sollima, mais les thèmes proposés, les valeurs défendues se rapprochent du cinéma de Kurosawa tandis que la structure en chapitres et la voix off pompeuse (mais à l'agréable diction en VF) suggèrent de grandes fresques guerrières du cinéma chinois. C'est donc à une forme de cinéma total qu'on aura droit, un peu moins explosif et jubilatoire que le Bon, la Brute & le Cinglé- car sans doute un peu plus ambitieux dans son propos, malgré un budget relativement modeste : nous sommes en 1862, et face à la disette galopante, les gouverneurs des provinces coréennes mettent en place un système féodal strict saignant le peuple qui n'a d'autre choix que de se rebeller en prenant le maquis (et rejoindre des clans de brigands) ou de plier l'échine en attendant d'hypothétiques jours meilleurs, tandis que les nobles s'enrichissent honteusement sur leur dos. L'injustice et les exactions commises par les tribunaux que les aristocrates paient grassement sont largement soulignées, tant par la narratrice pendant les intertitres de chaque chapitre, que par des séquences choc et sans aucune concession.

[critique] Kundo : Il était une fois dans l'Est

C'est là qu'interviennent les brigands. Réunis en clans, s'abritant dans un vallon secret, recrutant leurs membres parmi les plus courageux, doués et désespérés des villageois opprimés, ils organisent des raids visant à prendre aux riches pour distribuer aux pauvres, afin de rétablir un équilibre fragile dans une société corrompue. Vous l'aurez compris, Kundo c'est Zorro ou encore Robin des bois ; le script reprend des segments entiers de ce dernier, comme autant de passages obligés : la cruauté des aristocrates, l'intervention des brigands providentiels, les mesures de rétorsion qui échouent une première fois, un stratagème démontrant le manque total de compassion des puissants, la capture ou l'élimination des rebelles et l'intervention d'un homme providentiel. Pourtant, quand bien même une figure finisse par se détacher des autres (un chapitre entier, le moins enlevé, nous fait suivre le parcours de Dalmuchi, ce boucher un peu simplet auquel on demande d'exécuter une femme enceinte et qui perdra toute sa famille en refusant), le film réussit à ne pas trop "héroïser" les protagonistes, renforçant davantage la cohésion du groupe face à l'individu. Il n'y aura pas de sauveur providentiel surdoué et imbattable : au contraire, c'est le terrible Jo Yoon qui fait figure de combattant invincible. Là encore, son traitement prend un peu le contrepied des histoires classiques de vengeance contre le système : fils illégitime d'un puissant de la région, il n'aura de cesse d'essayer par tous les moyens de s'attirer les faveurs de son père (et ainsi de devenir son unique héritier) qui lui préfèrera systématiquement son demi-frère - et le fils de celui-ci. Dong-won Kang incarne à merveille cet aristocrate élégant et implacable, apte à tenir tête à l'armée entière de brigands. Seule l'incroyable ténacité (ou chance ? ou résistance aux coups ?) de Dalmuchi lui évitera plusieurs fois de mourir de la main de cet exécuteur au sang froid qui trucide ses nombreux ennemis avec une classe exceptionnelle (le charisme de ce jeune acteur promet beaucoup), mais cette opiniâtreté ne lui permettra pas de vaincre seul.

[critique] Kundo : Il était une fois dans l'Est

A l'heure où la Grèce dit non à ses créanciers, on regardera Kundo comme la chronique d'un peuple qui refuse de ployer indéfiniment quand une poignée d'individus nantis vit dans une opulence bâtie sur leur sueur et leurs larmes. On suivra l'irrésistible progression du sentiment de révolte chez ces paysans qu'on spolie de leurs terres, qu'on exploite ad nauseam et qu'on maintient dans la terreur et la honte en exécutant les proches. Le réalisateur ne fait pas dans la demi-mesure et les raids sur les villages n'épargnent pas les plans sur les enfants et les femmes battus à mort ou décapités, quand ils ne sont pas emmenés en escalavage ou brûlés sur place. Une surenchère dans la monstration qui laisse un sentiment de malaise permettant de nourrir chez le spectateur ce besoin de justice sociale. Cependant, contrairement aux productions occidentales, le peuple ici ne cherche pas le héros qui le sortira de sa condition, mais uniquement l'étincelle qui le poussera à s'unir contre le joug qui les terrasse. Il ne faudra pas chercher les symboles fumeux ou les métaphores éthérées, la narratrice comme les personnages répèteront indéfiniment ce leitmotiv existentiel :

Désunis, nous sommes des brigands ; unis, nous sommes le peuple.
[critique] Kundo : Il était une fois dans l'Est

Malgré un rythme décousu lié à une exposition assez lente, Kundo n'est jamais banal et laisse entrevoir, entre duels au sabre et guet-apens dans la brume, une réelle tendresse pour tous les personnages, même archétypiques. Il faut aussi s'habituer à ce mélange singulier de noirceur et de légèreté dans le traitement, avec quelques répliques souvent drôles même dans les moments les plus tragiques. Les dialogues ont un peu plus de profondeur et un peu moins de cette artificialité typique des productions asiatiques et colle davantage à un jeu d'acteurs plus nuancé.

[critique] Kundo : Il était une fois dans l'Est

Beaucoup d'élégance dans cette oeuvre sincère, percutante aux éclairages soignés et à la mise en scène stimulante. A placer dans les meilleurs films d'action du moment.

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