Un lecteur du blog me demande :
"Que faut-il faire si des colères surviennent?
Merci."
Revenir à la vue de la vacuité, revenir à l'espace. Voilà la seule chose à faire. En contemplant la vacuité, l'énergie de la colère s'épuisera petit à petit. Pourquoi? Car prendre conscience de la vacuité, c'est voir que personne n'est en colère. Il y a colère, mais celle-ci n'est plus entretenue par un ego et des pensées du genre : "Il m'a dit ça, c'est intolérable; je vais lui montrer moi, ce que cela coûte de me parler ainsi; il n'aurait jamais dû...etc...)"
Non, la colère s'autolibère dans l'espace . Inutile de chercher les causes de la colère. Être présent à la vacuité suffit, ici et maintenant. Evidemment cela n'aura pas toujours un effet immédiat. Mais petit à petit la pratique de la vacuité (la vision sans tête) nous rendra émotionnellement beaucoup plus stable.
Voilà comment un maitre tibétain dzogchen, Gangteng Rinpoche parle de la colère dans un livre que nous avons publié aux éditions Almora. Rigpa ici est l'essence de notre esprit, présence autolumineuse parfaitement accomplie, vide et primordialement pure.
La prière de Samantabhadra:
" QUESTION : Que signifie dans l’état naturel ?
Gangteng RIMPOCHÉ : Cela veut dire demeurer tel quel au sein même de rigpa, demeurer dans l’autorepos.
QUESTION : Si la colère apparaît, on doit demeurer tel quel ?
RIMPOCHÉ : Oui. Il s'agit de complètement s'abstenir de rejeter ou d'adopter, d'agiter rigpa. "N’agitez pas, ne bougez pas, demeurez tel quel au sein même de rigpa, demeurez dans l’autorepos", telle est la consigne. Samantabhadra s'adresse à tous les êtres en déclarant : Lorsque naît en vous une violente colère; Sans rejeter ni adhérer, détendez-vous dans l’état naturel;, mais il n'empêche que, hormis ceux qui comprennent, tous les êtres ne sont pas capables de se détendre dans leur état naturel ! Seuls les humains peuvent le faire, et encore, parmi eux combien en sont capables ? (...)
QUESTION : Ce n’est pas facile, lorsque l’on est en colère, d’appliquer cette instruction Sans rejeter ni adhérer, détendez-vous dans l’état naturel; !
RIMPOCHÉ : C'est un fait. Ce n'est pas facile, mais c'est là quelque chose de capital. Qu’il s’agisse de la colère, du désir-attachement, ou de tout autre facteur de tourment, leur puissance, leur force doit s’épuiser. Si l'on se contente de les enrayer lorsqu’ils s’élèvent, on ne parviendra jamais à s'en débarrasser. Comme ils ne sont alors que réprimés, ils peuvent de nouveau s’élever à tout moment.
QUESTION : En attendant, on se met en colère !
RIMPOCHÉ : Oui, la colère s’élève. Il est dit que la puissance, la force de la colère doit d'abord s’épuiser.
QUESTION : Pendant ce temps-là, on peut devenir fou de rage !
RIMPOCHÉ : Oui. La puissance de la colère peut être amenée à épuisement de deux façons. La première façon consiste à susciter en soi la colère, et à faire s'épuiser toute sa force. Après quelque temps, elle s’apaise d'elle-même, automatiquement. Elle meurt. La seconde façon consiste à reconnaître l’essence de rigpa, au moment où s’élève la colère. Dire détendez-vous dans l’état naturel de rigpa signifie que, si l’on se maintient dans le rigpa qui a été reconnu, tout s’apaisera en lui. (...)
QUESTION : Il s'agit donc de la contemplation de rigpa ?
RIMPOCHÉ : Oui, oui. Il est question d'immédiatement contempler rigpa, dès que surgit la colère, et de se maintenir dans son essence."
Trad. Bruno Le Guével