SeedStars World a repris son tour du monde de l'entrepreneuriat et a posé sa loupe sur l'écosystème startup arménien. Décryptage.
Impact Hub ArmeniaOn peut difficilement parler de l’Arménie sans évoquer la puissance et l’influence de sa diaspora. Si la population de l’Arménie s’élève à plus de 3 millions, ce sont plus de 8 millions d’Arméniens qui vivent ailleurs. Disséminés dans 85 pays, la diaspora dispose d’un réseau tentaculaire. Ce qui promet, pour l’Arménie, de potentiels investissements étrangers, des connaissances étendues et des opportunités de contacts. Mais pourquoi la diaspora investirait-elle dans l’Arménie ?
Éducation
Tout d’abord, pour la qualité de sa formation académique.
En effet, outre l’héritage soviétique, de nombreuses universités arméniennes telles que la State Engineering University of Armenia, jouissent d’une belle réputation.
Et les Arméniens ont bel et bien décidé de miser davantage sur l’enseignement, en mettant en place des initiatives favorisant l’éducation des futurs entrepreneurs. À citer, le centre de technologies créatives Tumo accueille les étudiants, âgés de 12 à 18 ans, après les cours et propose des ateliers gratuits, à cet effet.
La Ayb School se distingue aussi par son concept vraiment révolutionnaire, qui offre un programme complet et spécialisé de l’école élémentaire au lycée. Leur slogan? « Ima yen ara » qui signifie « Sais et crée » en arménien classique. On peut difficilement trouver plus éloquent.
Quelques chiffres-clés : 280 étudiants, 92 professeurs et 60 matières enseignées. Ils ont même créé leur propre groupe de rock mais aussi un toboggan géant pour descendre le bâtiment constitué de plusieurs étages, en un rien de temps.
Troisième modèle : celui de la United World College Dilijan. En 2006, Ruben Vardanyan, un financier russo-arménien passé à la philanthropie et sa femme Veronika Zonabend ont investi dans cette école privée internationale, située à la frontière arméno-géorgienne. La politique d’admission tend à accueillir toute personne, sans distinction socio-économique. Les Arméniens témoignent par là qu'en cette ère de changement permanent, il est primordial d’interpeller la jeunesse, en leur donnant accès aux méthodes d’éducation les plus innovantes. Les pays occidentaux gagneraient à s’inspirer de ces hubs créatifs.
L’écosystème start-up
L’écosystème start-up arménien prend de l’ampleur. Un nombre impressionnant d’évènements, de conférences, de « hackathons » et compétitions en faveur des entrepreneurs arméniens ont émergé de toutes parts, cette année! Le centre d’innovation arménien de Microsoft, mené par Artashes Vardanyan, travaille à soutenir la communauté locale afin de stimuler le développement de nouvelles startups promises à se développer à l’international.
Il n’existe, en revanche, aujourd’hui qu’un seul fonds de capital-risque, Granatus Ventures. Ce fond soutient ces startups à l’expansion internationale qui serviront de levier pour faire de l’Arménie un hub technologique notable.
La diaspora s’investit aussi, financièrement. Un réseau de mentors et de business angels, The Hive a été créé pour accompagner les entrepreneurs arméniens à atteindre le niveau supérieur. Il n’est donc pas étonnant que les startups arméniennes visent les États-Unis comme leur premier marché.
Mais les choses bougent aussi en Arménie. Cet automne, l’Impact Hub s’installera en Arménie. « J’aime voir les choses bouger et je souhaitais construire une communauté qui reflèterait la réalité », explique Sara Anjargolian, PDG et co-fondatrice du lieu. Sara ajoute que grâce à la puissance de la diaspora, la population commence à vouloir s’engager concrètement auprès du pays. L’idée est de passer d’une dynamique de « bienfaisance » post-génocide à une d’investissement pro-entrepreneurial. Sans pour autant amoindrir la dimension tragique du génocide, les Arméniens aspirent à un avenir meilleur. Et cela passe, selon eux, par les startups.
Lancer une start-up en Arménie est simple. La constitution d’une société est gratuite et ne prend qu’un à deux jours. Le gouvernement appuie l’élan, en ayant voté une loi exemptant de taxes toute start-up de moins de trois ans – l’impôt sur le revenu est, lui, réduit à 10 %. Il dispense également des subventions à hauteur de 20-50 000 dollars, en financement initial. La start-up doit toutefois être en mesure de justifier d’un capital initial correspondant à la moitié de la subvention versée.
Le rêve américain
Diaspora américaine oblige, l’entrepreneur arménien poursuit toujours le même objet : dès la création de sa start-up, il vise le marché américain et utilise l’Arménie comme terre de test. Dès que la start-up prend son envol, elle s’installe à la Mecque des start-up : la Silicon Valley. À la fois pour atteindre d’importants VC mais aussi grossir sa clientèle, l’Arménie n’ayant qu’une population de 3 millions. D’aucuns considèrent tout ça comme une menace pour l’écosystème local mais la réalité est que la plupart des startups gardent un pied à domicile, notamment pour la qualité des ingénieurs. Des sociétés s’installent même pour y établir leur équipe de R&D. C’est d’ailleurs le cas de WiCastr, un service de diffusion de contenus digitaux, et ce, sans nécessité d’un accès internet. Armine Saidi, PDG de WiCastr a quitté Montréal pour implanter sa startup au Royaume-Uni et son équipe de développement à Yerevan, en Arménie. La marque « Made in Armenia » pourrait bien devenir un phénomène !
Si je regarde dans ma boule de cristal, je vois bel et bien un futur plus que prometteur pour l’Arménie. Mais elle a besoin de hausser le niveau de son jeu pour espérer atteindre les hautes sphères de l’entrepreneuriat. Et sa diaspora pourrait bien être sa main de Midas pour créer le « Armenian dream »…