Jean-Michel Maulpoix, L'Amérique n'existe pas, e-book disponible sur amazon (kindle), sur iTunes (Books), etc. 5 €
En 1994, à 42 ans, Jean-Michel Maulpoix est invité aux Etats-Unis par une université californienne. Il prend note de son dépaysement et le raconte. Le paysage quotidien américain, la vie quotidienne aux Etats-Unis lui sont une occasion de se connaître comme Européen. Ces notes de voyage sont publiées exclusivement en livre numérique, avec photos prises par l'auteur. Nouvelle écriture autobiographique.
Il y a loin de la Franche-Comté à la Californie, de Montbeliard, où est né Jean-Michel Maulpoix, à Los Angeles. Le voyageur ressent d'emblée "une différence culturelle qui stimule en la déconcertant la cervelle d'un français formé à la vielle école des humanités". Poésie et vérité, le récit de voyage est une tradition littéraire : Montaigne, Goethe, Stendhal... Professeur de littérature à l'université, Jean-Michel Maulpoix est connu pour son œuvre de critique littéraire mais surtout pour sa merveilleuse "prose poètique". Lisez Une histoire de bleu (cf. infra), par exemple, vous verrez.
Découverte de l'Amérique ou découverte de la Califormie ? Aurait-on le même livre, la même expérience si l'auteur, invité par Middlebury College (Vermont), avait atterri à Boston ?
On pourrait penser que c'est un livre à lire en écoutant les Beach Boys et Brian Wilson. Oui et non. Certes, l'auteur ne semble avoir été séduit à première vue par les californiennes, leur accent, leur bronzage : " I wish they all could be California girls", lui, non ? Sa Chevrolet, il est vrai, n'était qu'une Nova, pas une "409".
Son séjour californien fut, selon sa formule astucieuse, "Le songe d'une vie d'été" : l'auteur semble avoir habité un tableau de Hockney. Il a été touché par tant de bleus, de lumière, de pastels : les bords du Pacifique... Ce que traduisent ses photos. Rien sur le surf, peu de "good vibrations". Pas de " Fun, fun, fun" ?
"Jai cru comprendre l'Amérique... Je me trompe sûrement", confesse Jean-Michel Maulpoix. Sûrement ! Si les observations brutes sont convaincantes, les premières interprétations ont des airs de clichés (l'auteur le sait : "on est à chaque instant tenté par des formules expéditives, telles que : ici la vie humaine a commencé à se débarasser des livres"). Trop de prévention et de précipitation, peut-être, ou pas assez ? La Californie, et encore moins l'Amérique, ne tiennent pas en quelques propositions. La simplicité de l'Amérique est une apparence provisoire à laquelle se laissent prendre les touristes européens, fussent-ils universitaires. Aux Etats-Unis, plus on y reste, plus le complexe, le compliqué nous étreignent. Et l'on finit par comprendre que, comme l'auteur le concède à la fin du voyage, l'on n'a peut-être pas compris grand chose. En fait, "l'Amérique n'existe pas" mais Jean-Michel Maulpoix convient qu'il l'a finalement rencontrée, lors d'un "coup de blues", de retour à Montparnasse (c'est le dernier chapitre : se dépayser du dépaysement). Car l'Amérique est plus qu'un pays, c'est un état d'esprit, une disposition. "Ce n'est pas un pays mais un espace, un mode de coexistence pacifique, un processus consommatoire : elle se jette sur ce qui pourrait être".
L'auteur note que les modes de vie américains envahissent l'Europe. Mais n'est-ce pas plutôt l'Europe qui s'intoxique de bon cœur et se fuit ? L'Amérique n'existe pas est une expérience et un livre de 1994. Apple perçait sous IBM, Google sous Microsoft. On était encore loin de la Silicon Valley et de la californication. La californication, est-ce notre destin, celui de l'Europe, le point de départ d'une re-création ?" Destruction leads to a very rough road
But it also breeds creation [...]
And tidal waves could'nt save the world
From Californication"
Red Hot Chili Peppers chantait " Dream of Californication" (2000), empruntant à l'économie numérique une image de la destruction créatrice.
Ce que Joan Didion, californienne, dit de la Californie, vaut peut-être pour l'Amérique en général : " California is a place in which a boom mentality and a sense of Chekhovian loss meet in uneasy suspension; in which the mind is troubled by some buried but ineradicable suspicion that things better work here, because here, beneath the immense bleached sky, is where we run out of continent". " Notes from a Native Daughter," in Slouching Towards Bethlehem.
Jean-Michel Maulpoix a perçu le côté tchékovien de la Californie, et le traduit à sa manière : "Je ne me suis à vrai dire jamais guéri de l'Amérique. Car il n'est pas de pays où l'on se trouve plus contingent et plus mortel qu'en celui-là." Californie, terre du numérique, là où l'Européen apprend qu'il n'a pas de racines, referme ses bouquins sur le nom de Heidegger et, se guérissant de ses collines, se laisse aller à la technique, à l'intelligence artificielle...