Requiem impérial et Vox étincelantes

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Les Funérailles pour une reine et une impératrice, ont été jouées dimanche soir à l'Abbaye. Les Vox Luminis, dirigées par Lionel Meunier, ont présenté pendant une heure et demie les œuvres religieuses en latin et anglais, créées pour les funérailles de la Reine Mary, épouse du roi d'Angleterre Guillaume III, puis un Requiem Impérial en latin de nombreuses fois utilisés lors des enterrements royaux dans la première moitié du XVIIIe siècle. La Reine Mary avait beaucoup d'importance, à l'image de ses funérailles, car elle dirigeait fréquemment l'Angleterre lorsque son mari partait à la guerre...

La jeune femme avait à son service le compositeur Henry Purcell qui a écrit à son intention plusieurs odes pour ses anniversaires. Elle est décédée à 32 ans, et ses obsèques à l'Abbaye de Westminster ont impressionné les contemporains. Le cercueil a traversé la ville, accompagné par de nombreux militaires, mais aussi civils, au son de marches funèbres écrites par Purcell. Le compositeur écrira ensuite aussi une très émouvante élégie sur la mort de la jeune reine, mais dans la cathédrale, c'est une œuvre de Thomas Morley qui est entonnée*. Cependant, n'allez pas imaginer une heure et demie macabre et ennuyeuse ! Retour sur ce concert fantastique et surprenant... comme à l'habitude des Vox Luminis.

Tout commence par une mélodie lente qui emplit l'Abbaye : 2 trombones et 2 hautbois jouent alors que les artistes s'avancent lentement entre les rangs. Après quelques minutes d'introduction, les choristes enfin placés sur scène entonnent lentement le début d'un chant. Et c'est le commencement un instant magique. Peu à peu les voix s'élèvent, résonnent et emplissent l'Abbaye. Les mélodies s'enchaînent, se suivent, se retrouvent... Les chanteurs belges, au nombre de huit dans cette première partie, deux femmes et six hommes, et accompagnés d'un orgue, ont offert une performance étonnante.

C'est en effet les œuvres jouées lors de la marche funèbre puis des funérailles de la reine Mary qui sont présentées ici, des compositeurs Purcell et Morley. Les voies sont claires, mélodieuses et puissantes, et bientôt le caractère funéraire et cérémonieux s'évanouit pour laisser place à un enchantement de son. Seulement accompagnés par un orgue, on croirait entendre un véritable orchestre instrumental tant les voix s'entendent, s'unissent et s'accordent pour former un océan de tons magnifiquement mêlés et créant un instant extraordinaire.

Au bout d'une demi-heure, l'ensemble quitte la scène pour laisser seulement les deux choristes, l'orgue et une contrebasse. Les chanteuses interprètent alors la fameuse magnifique " O dive custos ", d'Henry Purcell, élégie sur la mort de la jeune reine Mary. Cette partie se démarque donc par un caractère plus larmoyant. Les mélodies sont aiguës, très aiguës, bien qu'il y ait parfois entre les deux femmes la différence d'une portée. Le quart d'heure suivant est ponctué des contrastes entre la grave contrebasse et le ton haut des deux voix qui s'envolent, se suivent, se retrouvent avec une différence de mélodies ou de paroles.

Je peux entendre lors de la pause plusieurs commentaires très élogieux, à l'image de mon ressenti : " Ils mettent une émotion dans leur musique, c'est extraordinaire " commente une dame âgée qui semble ravie et impressionnée par la prestation. " C'est vraiment très équilibré " lui répond un autre spectateur.

Bientôt le silence se fait et la troisième partie peut commencer. Sera joué Kaiser Requiem, autrement dit le Requiem Impérial, de Fux. Cette fois-ci d'autres instruments sont venus compléter les premiers et quelques artistes rejoignent les choristes du début. La scène compte donc dix choristes, quatre femmes et six hommes. L'orgue est toujours présent, mais aussi deux " cornets muets ", m'apprend mon voisin, il s'agit de grandes flûtes de bois. Jouent aussi pour ce Requiem trois violons, une contrebasse, deux trombones et un basson. Toujours de nombreuses variations sur ce morceau, de hauteur entre le grave et l'aigu, de puissance, parfois " piano ", d'autres fois " forte ", et enfin de tempo, passant de lent à rapide.

Je remarque bientôt une forme spécifique qui revient souvent dans le morceau. Les violons commencent, les voix aiguës les rejoignent pour lancer le thème puis viennent peu à peu s'ajouter les voix graves des hommes reprenant le thème. Les cordes sont donc très présentes ici. Une œuvre qui compte des moments doux et légers, enchaînant sur des instants plus imposants et puissants, qui donnent un caractère lourd et funéraire... mais tout autant aimé du public. À la sortie du concert, les sourires sont sur les visages et je demande son avis à une vieille dame : " J'aime beaucoup. C'est l'époque du baroque anglais, qui compte énormément de productions. Le baroque anglais est différent du baroque français, ou allemand, car il est plus sobre. Cet ensemble est très bon. Les voix dans cette abbaye créent un effet formidable... ".

Les musiciens commencent toujours parfaitement ensemble, et semblent surtout très complices sur scène. Un véritable jeu de regards se développe, les violons guettent le départ des chanteurs, les choristes s'écoutent, créant ainsi une atmosphère musicale apaisante et parfaite, accordée à la seconde près. Tous les artistes sont extrêmement talentueux et chacun apporte sa virtuosité à l'ensemble pour créer une prestation parfaite.

Un concert dans sa grande majorité apprécié, les applaudissements me le prouvent. Les rires qui fusent lors de la prise de parole du chef de chœur montrent la bonne ambiance dans laquelle les spectateurs sont plongés après cette prestation extraordinaire. Un nouveau grand succès pour cet ensemble des Vox Luminis, qui a interprété avec talent les magnifiques œuvres présentées.

Margot Douteau

*Cf : le Programme du Festival de Saintes, pp 68-70

EXTRAIT DU CONCERT : ICI

http://blog.abbayeauxdames.org/wp-content/uploads/2015/07/ZOOM0016-OUI.wav

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