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TOUT CONTRE LÉO, Christophe Honoré (1996) (Littérature je...

Par Quinquin @sionmettaitles1

TOUT CONTRE LÉO, Christophe Honoré (1996)

(Littérature jeunesse)

tout contre Leo

Dans le cadre de la journée internationale de la méchanceté gratuite, infondée et non argumentée, posons immédiatement les bases de cette nouvelle chronique : « Moi, la littérature pour mioches, ça me rappelle juste de ne jamais en faire (des enfants) ». Et puis, comme se rincer la bouche à grandes eaux fielleuses s’apparente souvent à un doux ronronnement, enchaînons vertement : « Moi, le cinéma de Christophe Honoré je connais mal,  j’ai jamais vu parce que je suis pétrie d’a priori, et qu’a priori j’aime pas parce que ça a l’air aussi ennuyeux qu’un pendu au bout d’une corde ». Fin de citation qui, outre le fait de révéler une syntaxe plus qu’approximative, manifeste surtout une inquiétante tendance « cornichonienne » et sectaire.

Cependant que tout me séparait donc de ce livre jeunesse et du réalisateur Christophe Honoré, voilà que s’invite au cours d’une soirée un débat entre amis : peut-on réellement offrir Tout contre Léo à un enfant ? N’est-ce pas au vu du sujet, trop rude, trop tôt, trop adulte, trop choquant, bref « trop tout » ? Confortablement vautrée dans une position intellectuelle limitée façon huître à la recherche désespérée d’un QI honorable, je crachai soudain un laconique et non moins grognon : « File-le-moi, je vais le lire et te dirai c’que j’en pense »…

… 1h30 plus tard, la gorge nouée, l’œil embué et la position bas-du-front ratatinée, le couperet tombe : ce court roman, sublime de douceur, d’âpreté et d’humanité se lit d’une traite et laisse à la fois agréablement et douloureusement songeur.

Tout contre Léo ou l’histoire de p’tit Marcel, cadet d’une fratrie de quatre enfants, qui apprend par hasard que son grand frère Léo est atteint du Sida et  tristement condamné. P’tit Marcel qui, tout juste âgé de dix ans, reçoit cette annonce comme un boulet de canon en plein cœur et qui, du haut de ses jeunes années, devra malgré tout se construire, s’épanouir et vivre avec une terrible réalité tout en gardant en lui cet éprouvant secret, quitte à se confronter à des spéculations et autres préjugés fort désagréables. Du jour au lendemain l’univers de p’tit Marcel vacille et le voilà projeté dans un monde d’adultes fait de silences, de non-dits, de cachotteries et de gêne, tranche de vie d’un petit bonhomme découvrant de nouvelles émotions entre crises de colère, incompréhension, tristesse, joies fugaces et sentiment de trahison. Bienvenue dans les vicissitudes de la vie où p’tit Marcel, blotti au cœur de la maladie de Léo, s’acharnera à combattre une fatalité bien difficile à manœuvrer, car (malheureusement) aspirée par la dure loi de l’existence…

Alors oui il est possible (et recommandé) d’offrir ce roman à un-e enfant (à partir de 10 ans) même s’il paraît peut-être préférable de prendre le temps d’accompagner sa lecture et de répondre à certaines questions qu’il-elle serait susceptible de poser. Plus que du Sida l’on y traite surtout de la mort et de la manière dont un loupiot « innocent » peut, au travers de la découverte de nouvelles attitudes et réactions belliqueuses, se protéger de cette dernière, l’exorciser et se préparer doucement à une pénible mais nécessaire sortie de l’enfance. L’écriture de Christophe Honoré – qui adapta ce livre pour la télévision en 2002 – se fait à la fois douce et rugueuse, accessible et travaillée, le cinéaste parvenant parfaitement à se glisser dans la peau d’un gamin attachant, intelligent et perspicace traversant une épreuve bien lourde à porter pour de fragiles et jeunes épaules. Le cinéaste réussit admirablement à tisser une toile faite d’humour, de tristesse, de mélancolie, de tolérance et de rébellion et offre un moment de lecture à la fois éprouvant et lumineux.

Une bien jolie œuvre donc, à tester sur un adulte au préalable selon les sensibilités.

Ceci étant dit, comme l’a cyniquement mais ô combien drôlement affirmé mon ami du débat : « C’est très bien, ça leur apprend la vie à ces p’tits cons ! ». Flamboyante conclusion pour laquelle je me décharge bien évidemment de toute responsabilité.



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