L’entrevue de saint Cloud est un court roman où la plume d’Harold Cobert fait merveille, j’apprécie cet auteur car à chaque livre il se renouvelle tout en gardant une plume profondément sensible et humaniste.
L’intrigue est historique sur une rencontre entre Marie Antoinette et Mirabeau en 1790 à Saint Cloud à l’époque ténébreuse de la Révolution. On alterne les récits des 2 protagonistes et le récit des différents épisodes de la Révolution de la prise de la bastille à la fin de la monarchie. Cette entrevue a bien eu lieu mais les historiens ne savent pas ce qui s’est déroulée. L’auteur imagine donc cette conversation intense qui dévoile le caractère et le comportement de ces 2 figures de l’histoire.
Mirabeau célèbre orateur, connu pour sa laideur et son goût pour les femmes essaye de convaincre la reine de lui faire confiance pour sauver la monarchie. Il souhaite une monarchie constitutionnelle et ne pas laisser l’initiative au peuple et à son nouvel ennemi Robespierre ou à ses adversaires du Triumvirat. On suit les méandres de sa pensée, sa facilité pour écrire, son éloquence, son parcours personnel blessé. On a une psychologie fine du personnage qui m’a beaucoup plu, notamment sur sa vie que je ne connaissais pas du tout. Ses excès et ses éclairs de génie, de visionnaire sur l’avenir de la monarchie en font donc un bon personnage de fiction. Les dialogues sur la liberté, le pouvoir du peuple sont vraiment savoureux et nous rappellent les origines parfois oubliées de notre démocratie.
La reine est seule, abandonnée aux prise avec la vindicte populaire, ses amis et sa famille sont loin, elle ne supporte plus ce peuple parisien, sa violence et veut comprendre les intentions réelles de Mirabeau. Elle se rappelle au cours de l’entretien les humiliations, les douleurs qu’elle a subies durant son règne à la cour. Elle parait beaucoup plus fragile et finalement très humaine.
Ce dialogue et cet affrontement verbal entre les 2 personnages historiques est très intéressant, on retrouve le style et la fureur de l’époque. Le récit des épisodes importants de la révolution, de la violence, des bouleversements rapides de l’époque, des débats et du rôle de l’Assemblée sont bien retranscrits. J’ai aimé cette alternance entre petite (la vie personnelle des personnages) et grande histoire (les faits historiques). De connaître les pensées, la psychologie des personnages qui les rendent tous les 2 profondément attachants avec leurs failles. Ce rendez vous manqué avec l’histoire qui est si subtilement mis en scène même si on en connait déjà l’issue, c’est la réussite de l’auteur d’introduire ce suspense et cette empathie.
J’ai apprécié la précision des détails, l’importance des sentiments et des motivations psychologiques des personnages, retrouvez ce 18e siècle incertain, les hésitations entre monarchie constitutionnelle et république. On a l’impression d’être au plus près de l’histoire, dans cette tragédie moderne avec cette impression de fin de règne. Le roman découpé en 3 grands moments se déroule comme une pièce de théâtre en 3 actes dont l’intensité et le tragique montent crescendo.
J’ai aimé découvrir la vie de Mirabeau, son parcours personnel qui le rend si humain loin de l’image d’Epinal que l’on en a. De même Marie Antoinette est loin de la reine frivole et sans cervelle ce qui est intéressant. A travers Mirabeau on suit les évolutions du siècle, les travers et les abus de l’absolutisme et mon côté historienne a aimé cette plongée dans l’histoire.
Une fois de plus conquise par le charme du récit conté par l’auteur, une belle mise en lumière de cette période révolutionnaire troublée à travers le destin de ces personnages hors normes. Alors n’hésitez pas à découvrir le tribun Mirabeau et sa lutte pour sauver la monarchie, vous passerez un agréable moment et vous ne verrez plus l’histoire comme une série de date mais les acteurs profondément humain d’un rendez vous manqué.