Michel Gondry hante notre imaginaire depuis des années maintenant. Sans même le savoir, la plupart d’entre nous aurons grandi en regardant les clips qu’il a réalisé pour des artistes aussi divers qu’IAM, Björk, Les Wampas, The Chemical Brothers, Noir Désir, The White Stripes ou Étienne Daho. Puis il a introduit une touche bien à lui de poésie dans le cinéma français, teintée d’influence américaine, avec Eternal Sunshine Of The Spotless Mind et de folie douce amère avec Soyez sympas, rembobinez. Conservant l’amour intact pour le cinéma que l’on ressent dans chacun de ses plans et un regard tendre sur les meilleurs côtés de l’être humain, Gondry revient avec un road-movie hors des chemins maintes fois rebattus : Microbe et Gasoil.
Daniel (Ange Dargent) est surnommé Microbe par ses camarades de classes à cause de sa petite taille. Rêveur et réservé, il est un peu en retrait et secrètement amoureux de son amie Laura (Diane Besnier). L’arrivé d’un nouvel élève, Théo (Théophile Baquet), vite surnommé Gasoil car il aime bricoler, va permettre à Daniel de retrouver confiance en lui. Une amitié va naître, qu’ils vont mettre à l’épreuve en partant à l’aventure dans une voiture de leur confection.
Gasoil (Théophile Baquet) et Microbe (Ange Dargent)
Microbe et Gasoil, à l’image de ses deux protagonistes principaux et à celle de son réalisateur, regorge d’idée. C’est à travers le quotidien que Gondry fait surgir à la fois inattendue, la créativité et la beauté des choses simples. Si nos deux héros regardent avec condescendance les autres élèves de la classe, ils n’en restent pas moins des enfants. Et c’est avec un regard de gosses, un peu biaisé par le monde des adultes mais pas encore tout à fait rompu aux « exigences de la réalité », que les deux gamins vont s’offrir et nous donner en cadeau, une alternative crédible à la morosité ambiante. Ces vadrouilleurs sont des résistants. Mais pas des révoltés de pacotilles, des punk à chiens, des indignés par effets de mode. S’ils quittent, pour l’un, l’atmosphère feutrée et bourgeoise d’une famille au bord de la dérive sectaire et l’autre celle d’une misère sociale, grande sœur d’une certaine misère intellectuelle, ce n’est pas pour combattre des moulins à vent. Leur désir d’émancipation n’est pas feint, il n’est pas le reflet de cette adolescence ingrate où certain se complaisent, passant des dreadlocks aux vestes en cuir sans saisir le sens même de leur démarche. Ils veulent, le temps d’un été, vivre d’amitié et d’eau fraîche, ressentir une liberté qu’ils sont conscient de bientôt perdre, diluée dans la vie d’adulte. Bravant l’autorité à leur niveau, parentale ou étatique, avec un tant soi peu de brio, ils s’offensent du sort d’un campement rom brûler par des criminels, faisant la part de leur malchance relative.
Gasoil (Théophile Baquet) et Microbe (Ange Dargent)
Microbe et Gasoil brasse donc un tas d’idée. La première partie du film est avant tout la description d’une amitié naissante. La marginalité des deux gamins n’est pas montrée comme un handicap, le parti pris étant clairement de ne pas de s’appesantir sur leurs misères. C’est essentiel à l’esprit jouissif de l’instant qui est le cœur du film. Leur différence, c’est avant tout une force, ce qui fait écho à la discussion sur les roms. Débrouillard comme pas deux, Gasoil va penser et construire, avec l’aide de son ami, une voiture non homologable, certes, mais au charme fou, avec des matériaux de récupération. On a tous construit des cabanes plus ou moins réussies qui, le temps d’une période estivale, ont fait notre fierté, mais ces deux-là nous replongent dans nos rêves de garnements les plus ambitieux. Il y a dans la mécanique et la construction, une invitation au voyage, que nous avions également trouvé fort bien mis en valeur dans le dernier chef d’œuvre de Miyazaki : Le vent se lève. Une dernière chose qui rend Microbe et Gasoil très agréable est certainement la capacité de Gondry de filmer ses personnages avec une empathie sincère. Également scénariste, Gondry pèse chaque mot pour donner aux deux petiots des airs de grands philosophes malgré eux et malgré tout bien concerné par des réalités bien ancrée dans la vie adolescente. En premier lieu, les émois amoureux, dont le traitement est absolument poétique. Gondry laisse passer l’instant pour mieux l’inscrire à l’encre bleue dans les souvenirs de Microbe. N’a-t-on pas tous eu, un amour platonique, au goût d’inachevé, qui restant idéalisé, laisse un sentiment de nostalgie tout à fait mélancolique ? En second lieu, les initiations, souvent chaotiques, à la sexualité, illustrées avec beaucoup d’humour lors une scène surréaliste dans un salon de massage coréen.
Gasoil (Théophile Baquet) et Microbe (Ange Dargent)
Microbe et Gasoil rappelle un temps que les plus de vingt ans regrettent cent fois d’avoir quitté. Les chemins de traverse ont finit par s’aligner dans une langueur monotone. Le dernier film de Gondry nous invite à les emprunter à nouveau, à quitter les routes balisées pour s’égarer hors des sentiers battus.
Boeringer Rémy
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