Certes, l’article 1er du projet dispose : « La création artistique est libre. » On ne pouvait trouver formulation plus synthétique mais aussi (volontairement ?) plus floue. En ne précisant pas que cette liberté devait s’entendre « sans condition » du fait de l’exception culturelle née du combat pour l’autonomisation de l’art mené depuis le XIXe siècle, en ne modifiant pas, notamment, certains articles du Code pénal, cette simple affirmation de principe a minima laisse en effet la porte ouverte à toutes les tentatives de censure ou de répression.
Deux phénomènes, probablement concomitants, peuvent expliquer cet « oubli » : d’une part, l’influence d’une « gauche morale » rétrograde toujours prompte à voir dans l’art érotique une atteinte à la dignité humaine ou à l’image de la femme (l’annulation, à Amiens, en mai 2010, d’une exposition par le Président du Conseil général PS en offre un exemple) ; d’autre part un évident manque de courage des pouvoirs publics face aux protestations des groupuscules communautaristes et très conservateurs. Déjà, en 2010, la Mairie de Paris avait capitulé en rase campagne sur la simple menace d’un procès en interdisant aux mineurs l’exposition de Larry Clark. Plus préoccupant encore, l’actuelle ministre de la Culture, appelée à défendre son projet de loi devant le Parlement, a récemment demandé à la Commission de classification des films, qui avait assorti le long métrage de Gaspar Noé Love présenté au Festival de Cannes d’une interdiction aux moins de 16 ans, de revoir sa copie pour porter celle-ci à 18 ans - requête du pouvoir exécutif rarissime au XXIe siècle car ses effets négatifs sur une œuvre sont considérables ! - cédant ainsi devant les menaces de l’association d’extrême droite « Promouvoir » qui mène une guérilla judiciaire contre les artistes depuis sa création. La Commission, présidée par un Conseiller d’Etat et composée, notamment, de représentants de l’Administration (donc peu susceptible, là non plus, de laxisme), a fort heureusement confirmé sa décision première.