Il y a quelques semaines on était au Solidays. Comme vous n’êtes pas forcément des connectés de la vie et que vous n’avez peut-être pas tout suivi sur Twitter ou Instagram (@jbmtleblog) on va faire un petit récapitulatif sur notre journée-périple, pour que vous ayez l’impression d’y être vous aussi. Et surtout, on va vous faire part de nos impressions et sentiments sur notre première fois au festival de l’hippodrome de Longchamp. 1, 2, 3, 4 Let’s go.
Solidays – Keep on dreaming, 2015 © Yannis Letournel
L’arrivée
C’est un peu comme arriver au cirque quand on a cinq ans. On entre dans l’arène du fauve, et en même temps, on est super excité. On a cet immense terrain vague, à moitié desséché (oui, parce qu’on a eu de la chance, il faisait super beau, sinon, ça peut être de la boue) duquel on se rapproche dangereusement à chaque pas, suivant la colonne de festivaliers, épuisés de la veille, ou arrivant tout juste, frais comme des gardons.
Il faut dire que c’est plutôt bien organisé. Des bénévoles au grand sourire vous accueillent dans un immense parking gardé on peut laisser toutes ses affaires. De tous ceux qui n’ont pas voulu payer le camping, s’étalent les tentes de fortune, matelas dans les voitures et autres chaises longues pour survivre aux nuits. Les douches à la bouteille d’eau sont en vigueur, mais tout ça se fait dans le calme et la discrétion – surtout le matin en fait.
Quatre énormes entrées distinctes nous font pénétrer la gueule du loup. On réajuste ses baskets, on sort sa bouteille d’eau, on met ses lunettes de soleil et on s’apprête à ne plus ressortir avant la nuit – même si cela est possible.
Solidays – Keep on dreaming, 2015 © Yannis Letournel
Survivre à la chaleur, la faim, la pollakiurie
Déjà, parce que je sais que vous ne le savez pas (moi non plus) la pollakiurie, c’est l’envie pressante d’évacuer ses mictions. En gros, de faire pipi. Là encore, une organisation assez rodée. De toute façon, sur l’immense esplanade, à part les quelques gradins en hauteur, impossible de reconnaître le moindre champ de course. Les chapiteaux ont poussé comme des champignons, les stands se succèdent, même le backstage est fléché à chaque croisement d’allées. Impossible de se perdre dans ce dédale donc.
Pour éviter votre dessèchement complet – il faisait 30 degrés à l’ombre – on vous arrose. Au sens propre et au sens figuré. Aux toilettes, une queue spéciale est réservée au remplissage de bouteilles d’eau. Pour les concerts et les aires de repos ou stands de nourriture, on se fait agresser au jet d’arrosage par un bénévole qui semble avoir tout compris en criant « Rangez vos portables et éteignez vos bédos ! » avant de nous envoyer une salve de l’eau bénite. Et ça fait un bien fou. Promis, on s’occupe bien de vous.
En ce qui concerne votre estomac, Solidays vous a préparé deux types de stands : nourriture du monde et des régions. Ayant l’expectative d’un repas du niveau des Restaurants du Monde du Musée du Louvre (une horreur, disons-le), j’ai été agréablement surprise. Amatrice d’exotisme, mon choix s’est tourné vers un mafé sénégalais aux boulettes de beauf, et je n’ai pas été déçue. Les nationalités sont variées et originales, et la nourriture est d’assez bonne qualité ce qui peut paraître surprenant pour un festival de cette ampleur. Si vous restez les trois jours, de quoi faire des découvertes culinaires réellement intéressantes.
Les lives
Solidays, qu’on se le dise bien, on y va pour l’affiche. (Encore heureux me direz-vous pour un festival de musique.) Le tarif élevé de l’entrée s’explique en partie par les choix musicaux. Pour cette année, on ne citera parmi d’autres que Chinese Man, Die Antwoord, Brigitte ou The Do… En tout cas, ce sont les gros noms qui attirent. Les lives tentent de se suivre sur les quatre scènes principales, mais ce n’est pas toujours possible étant donné la quantité de groupes présents. Clairement, vous ne pourrez pas tout faire ; il convient alors de faire des choix. Et en ce qui me concerne, je ne recommanderais pas forcément les grosses têtes d’affiches.
En effet, ce sont celles qui ont le plus de succès, et ça se ressent immédiatement par l’afflux absolument délirant de festivaliers s’attroupant tel un raz de marée vers la scène principale. Vous vous trouvez donc engloutis par l’intégralité des habitants du festival, dans une ambiance Stade de France. A moins de venir une heure en avance et rater, par conséquent, d’autres lives qui en valent la peine, vous vous retrouvez loin, vous voyez à peine le grand écran, et vous n’entendez grosso modo que les basses. En tout cas, c’est comme ça que j’ai vécu mon expérience Chinese Man. Malgré mon amour pour leur musique, il m’a paru presque inutile de rester pour profiter en réalité si peu du concert.
Autre grosse tête d’affiche ce dimanche : Moriarty. Pour moi, un choix pas forcément judicieux, à cause le type de live que génère un groupe comme Moriarty. Loin de moi l’idée de critiquer leur musique, que par ailleurs j’apprécie beaucoup, mais Moriarty est un groupe qui me semble plus bâti pour des scènes plus petites, plus chaleureuses, que de jouer aux bêtes de scène sur une esplanade en plein air en plein festival surbondé. Le groupe se fond mal dans le décor, et délivre un concert aux accents plutôt mous, une impression qui pour moi est tout autant due à une réalité qu’à une inadéquation entre genre et scène.
Outre : Damian Marley qui délivre un show tout à fait correct, Flavia Coelho qui se démène avec une énergie débordante sur une scène si grande pour une silhouette si chétive – ça force l’admiration – ou encore Yelle, qui fait une performance efficace, la palme du dimanche revient – de ce que l’on a pu voir – à deux lauréats : Fakear et Nneka.
Solidays – Keep on dreaming, 2015 © Yannis Letournel
Nneka avait la malchance de jouer en même temps que la plus grosse tête d’affiche de la journée et sur une petite scène. Mais elle a le mérite d’avoir donné un concert vraiment proche des festivaliers créant une ambiance intimiste – pas si facile dans un tel lieu. Autre chose appréciable, de ce que j’ai pu voir, Nneka a été la seule à évoquer dans un discours fédérateur et touchant, la réelle teneur de ce festival quand même particulier par son lien avec Sidaction. Elle fut d’ailleurs très applaudie et il m’a paru plus que louable qu’une artiste fasse un discours sur la raison même de leur présence ici ce jour. Quelque chose qu’on aurait aimé retrouver ailleurs, un discours qu’on aurait aimé entendre s’élever d’autres voix.
Fakear, quant à lui, a fait une performance élégante, sensible et pourtant énergique. Pour un artiste ne chantant pas, ne jouant d’aucun instrument à proprement parler et pratiquement seul en scène, faire scander tout un public relève d’un tour de force, magnifiquement relevé par le jeune Dj. On a été transporté par les tubes de l’artiste ou des chansons moins connues, avec un show vraiment entrainant, qui nous a fait vibrer de l’intérieur par sa langoureuse harmonie. Scène esthétisante, enchaînements rodés, salves du public, c’était parfait.
Solidays – Keep on dreaming, 2015 © Yannis Letournel
Et Sidaction dans tout ça ?
Dans une discussion mondaine autour d’un steak-frites, on m’a récemment dit que « le Sida, ce n’est plus du tout le fléau qu’on a connu dans les années 90″. Sur le moment, ça m’a un peu choquée. Après, j’ai réfléchi. En effet, les progrès de la science ont été conséquent, et aujourd’hui, on peut vivre avec le Sida. Mais beaucoup de progrès restent à faire, y compris dans les avancées scientifiques, pour rendre les traitements moins lourds, enfin comprendre intégralement comment se déclare la maladie, parvenir à un vaccin… Et surtout, si la trithérapie est une réalité en France et des les pays développés, comment abandonner à leur propre (et triste) sort, toutes les populations qui n’y ont pas accès ? Le sida n’est plus un scandale, une épidémie qui ravage des milliers de personnes sans qu’on la comprenne, une maladie taboue et tue – et non qui tue -, décimant sans aucune alternative.
Mais le Sida est toujours une réalité, le Sida tue toujours, le Sida n’est toujours pas pris en compte par une énorme partie de la population, qui le nie, ni ne lui apporte pas l’importance qu’il devrait. Bien sûr maintenant, tout le monde connait le virus du VIH, mais si une personne sur trois ne sait pas qu’elle est séropositive, n’est-ce donc pas la preuve de sa négation encore bien réelle ? Des actions comme celles du Solidays sont là pour nous rappeler cette réalité qui n’est pas encore entrée dans toutes les moeurs. Et on nous en parle de façon proche, de façon décomplexée, sans dramatisation, mais sans mascarade : Solidays, pour cela, est encore une action nécessaire. Et font un travail que presque personne d’autre ne fait, se battent quotidiennement pour éradiquer ce fléau, pour nous tous.
Les festivaliers
Solidays – Keep on dreaming, 2015 © Yannis Letournel
En deux mots : jeunes, sympas. Ambiance bon enfant, très chaleureuse, pas de barrière, pas de tabous, et pas de discrimination au festival. Ca fait un peu Woodstock comme réflexion, mais on le ressent assez bien. Toutes les originalités s’expriment sans jugement, festivaliers, animateurs, public, tout le monde est ouvert et disposé à passer une bonne journée, sans conflit, sans agacement, sans énervement, sans être pressé. Ce qui rend l’atmosphère considérablement plus agréable et fait du festival qu’il garde son essence. Les festivaliers sont assez calmes et disciplinés. Bien sûr, la ferveur des lives les anime, mais pas d’incident, pas de violence (c’est les vacances). Tout le monde est là pour prendre du bon temps et c’est tant mieux.
Ce que je n’ai pas fait (mais que vous pouvez expérimenter vous-mêmes)
Déjà, le camping. Je reconnais que l’idée de dormir dans des tentes, sans eau courante ni douche, pendant trois jours, dans la chaleur, avec une faune particulièrement éméchée ne m’attire pas particulièrement. Mais vous pouvez vous y risquer. On peut circuler librement du camping au terrain du festival.
Solidays – Keep on dreaming, 2015 © Yannis Letournel
Ensuite, l’ambiance de nuit. Qu’on ne se mente pas non plus, les festivaliers sont aussi là pour faire la fête, ce qui est synonyme, dans nos contrées terriennes, de boire. Et boire beaucoup. Forcément, les ambiances de nuit sont j’imagine différentes. La fatigue se ressent, et l’alcool fort trouve toujours des moyens de passer les barrières. Tout comme la drogue d’ailleurs. Le nier serait se voiler la face. Mais le nombre conséquents de volontaires aidant au bon déroulé du festival me semble suffisant pour contenir tout débordement superflu.
Conclusions
Sidaction fait un boulot phénoménal dans ce festival. Prévention, donation, écoute, information, accessibilité du discours, dé-tabouisation… Peu sont les artistes à le mentionner dans leur lives, peu sont les festivaliers a en avoir quelque chose à faire en apparence. Pourtant je pense que les jeunes ne s’en fichent pas autant qu’ils en ont l’air. Même s’ils sont là pour écouter de la musique ou fumer des joints dans la communion, je crois que la sensibilisation fait son chemin. D’autant que le public est particulièrement jeune, lycéen pour une grosse majorité, donc ça ne tombe pas dans l’oreille de sourds, à un âge où cette information est cruciale.
Solidays – Keep on dreaming, 2015 © Yannis Letournel
Enfin, parlons chiffres. Avec 180 000 visiteurs encore cette année, Solidays bat des recors de fréquentation. Comparé à d’autres festivals (tout aussi sympathiques) qui n’ont pour but que la musique, Solidays présente tout de même un plus notable dans son combat. Rendez-vous annuel des parisiens, le festival souffle une bougie de plus, et ça marche toujours. On s’en réjouit.
Merci à Yannis Letournel pour les photos.
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