Notre histoire nous a permis l’ouverture sur d’autres civilisations et d’autres cultures ! Elle nous a donné l’occasion de pouvoir nous exprimer dans d’autres langues, notamment le français et ce fut parfois un réel plaisir tant pour ceux qui écrivaient que pour leurs lecteurs!
Sans remonter jusqu’à Ahmed SEFROUI (1915-2004) ou à DRiss CHRAIBI (1926-2007), sans nous arrêter à l’oeuvre prolifique à la limite du stakhanovisme d’un Tahar BENJELLOUN ou celle d’un pseudo-intellectuel sulfureux tel que Abdellah TAÏA, sans oublier des auteurs comme l’expatrié Fouasd LAROUI ou l’enfant du pays Mohamed NIDALI, la littérature marocaine francophone foisonne de noms respectables et respectés et d’œuvres de très belle facture.
Tous ces auteurs, que l’on peut aimer ou pas, ont en commun la parfaite maîtrise de la langue qu’ils utilisent ainsi que l’art de raconter!
Il existe cependant une certaine production “littéraire” marocaine de langue française qui, à la longue, va noyer ces crus nobles et généreux, dans une diarrhée de pages parfois sans intérêt et souvent porteuse du germe de la négligence pour ne pas dire de l’incapacité d’écrire tout simplement.
J’en ai cité quelques exemples récemment ici et là : et je viens aujourd’hui en dénoncer un nouvel exemple!
J’ai découvert récemment Ahmed TAZI, économiste et inspecteur des finances de son état, qui a déjà publié chez plusieurs éditeurs sept romans entre 2002 et 2010.
Contrairement à beaucoup d’autres écrivains, Ahmed BENIS ne semble pas bénéficier d’un accueil spécial de la part de la critique marocaine : je n’ai pu trouver qu’un passage du DICTIONNAIRE DES ÉCRIVAINS MAROCAINS où Salim JAY évoque cet auteur en des termes assez mitigés.
Dans quelques lignes réservées à Ahmed Tazi, il parle d’un “vrai charme sans nulle prétention” à propos de son premier roman “La Rue du Cuivre” mais il devient beaucoup plus sévère s’agissant du second opus LE CONVOI DU CHIEN auquel il reproche entre autres “une sophistication hasardeuse et peu maîtrisée”, tout en reconnaissant à l’auteur “un vrai tempérament de conteur”.
Cela m’a encouragé à m’intéressé donc à son dernier opus DU PETROLE ET DES OUTARDES paru en 2011 chez les éditions LA CROISE DES CHEMINS et chez ATLANTICA-SEGUIER.
Une fois encore, un auteur marocain puise le sujet de son roman dans un contexte qui a enflammé le quotidien des marocains et en principe, cela doit être applaudi !
Rappelons-nous l’affaire du pétrole de Talsint qui a défrayé la chronique au début du règne de Mohamed VI : emballement politique et médiatique, annonces tonitruantes et malencontreuses avant un retour à la réalité sordide d’une sombre affaire d’arnaque financière comme en connaissent beaucoup de pays en quête du précieux or noir, le pétrole!
Ahmed BENIS a trouvé un excellent filon en liant la recherche du pétrole dans une région reculée du pays avec l’intérêt inconsidéré qu’un prince de Golfe arabique porte à l’outarde Houbara, espèce en voie de disparition et que ce prince veut sauvegarder, non pas par souci d’écologie mais pour son plaisir personnel et égoïste de la chasser à l’aide de ses faucons carnassiers!
Pour notre culture générale, l’auteur aurait pu nous décrire ce volatile : nous devons nous contenter de Google-Images pour en avoir une idée :
La trame du roman tente de nous présenter deux mondes parallèles mais que finissent par se croiser : l‘outarde en cours de régénération artificielle pourra-t-elle survivre au désordre écologique dû à la recherche pétrolière!
Vaste sujet, très intéressant, porteur de messages vertueux et édifiants, mais la manière n’y pas !
Salim JAY évoquait un “vrai tempérament de conteur” chez notre auteur ! Il a dû s’épuiser : le roman n’est qu’une suite de situations et de personnages, que l’on a de la peine à lier les uns aux autres pour en faire une histoire!
Il évoque la région de Taslint comme s’il s’agissait d’un Far-west marocain, sans foi ni loi, ou d’une zone envahie de hordes de “chercheurs d’or” tels qu’en a connus le XIXème siècle.
Le lecteur a du mal a suivre la cohorte de personnages secondaires tout comme il peine à croire en la personnalité ambiguë ou plutôt mal présentée de celui qui devrait être le héros du roman.
On ne sait trop s’il est ambitieux ou simplement arriviste, s’il est vraiment impliqué dans so projet écologique ou s’il ne s’agit que d’une revanche sur sa vie ratée, s’il aspire à une familiale stable ou s’il ne pense qu’à lui-même!
Autour ce personnage principale, gravite une kytrielle de figurants plus ou moins bien brossé : d’un coté, Hallas Belouarda, petit gargotier sans enveregure, Josh, le mécanicien marron, Haddioui dit Sandokka, le chauffeur tous-risques, d’un autre coté, Eric Baumdeur, l’aventurier texan, Raopuf Samir, consul honoraire et intermédiaire patenté, Rodovan Boïco, le spécialiste bosniaque des forages, sans oublier Haouar Selmounae, l’incontournable gendarme véreux et pourri.
N’oublions pas quelques présences féminines qui sont supposées agrémenter le récit : Hafida Messala, la tapineuse d’Ouja, Nezha Belouad, professeur de sciences dans un lycée de Rabat.
L’éditeur présente ce roman comme étant mené à la façon d’un thriller : soit qu’il ne sait pas la définition exacte d’un thriller soit il n’a pas de respect pour les lecteurs!
L’affaire Talsint, après tous les articles plus ou moins renseignés, plus ou moins malintentionnés, plus ou moins tendancieux, méritait certes qu’un roman lui soit consacré : cela aurait permis d’en comprendre les tenants et les aboutissants, les cotés sombres et de découvrir le monde interlope dans lequel baigne ce genre d’histoire.
Pour cela, il aurait fallu un auteur talentueux et rigoureux! Pas un fonctionnaire qui s’ennuie et qui nous ennuie finalement! Ce roman manque de souffle, de tonus, de vitalité alors que le sujet chosi est original, passionnant et épique!
Encore une fois, se pose la sempiternelle question : comment peut-on éditer des livres sans intérêt, alors que la matière première est abondante et inexplorée.
La faute revient bien sûr aux auteurs en mal de publication : voir leur nom sur la couverture d’un roman semble être leur souci premier et ultime!
Les éditeurs ne sont pas totalement exempts de responsabilité à cet égard : ils doivent être plus rigoureux dans le choix de leurs auteurs, en s’entourant de comités de lecture neutres et surtout compétents.
La critique est également à pointer du doigt : elle est souvent complaisante, par manque de compétence essentiellement Parler d’un livre exige une formation que peu de journalistes se donnent la peine de suivre.
Même des professionnels aguerris, tel Abdellah TOURABI le responsable de l’hebdomadaire TEL QUEL, se contentent de petites piques sans douleurs, ne visant personne en particulier de crainte de froisser tel auteur ou tel éditeur.
La preuve, ces tweets mis en ligne très récemment par ce journaliste :
A part 1 ou 2 romans par an, la littérature francophone marocaine est un océan de médiocrité. faute à qui ? L'auteur ? L'éditeur ?
— A Tourabi (@Atourabi) 25 Juillet 2015
Une critique méthodique, plus compétente et partant plus objective, aiderait surement la littérature marocaine francophone à sortir de l’ornière où elle s’enlise irrémédiablement!