Ida parle à son lecteur à la première personne. Nous la suivons donc dans ses pérégrinations à travers la vi(ll)e, chez son psy, chez ses ami(e)s. C'est bien écrit, c'est un peu fou, c'est complètement décalé. Ida/Dora n'est pas une jeune fille comme les autres, alors elle se cherche une place, sa place, dans un monde blanc et contrit. Pourtant elle finit toujours par détonner... quand elle se rase la tête, elle détonne ; quand elle sort avec ses ami(e)s, elle détonne. Mais Ida a une passion, ou plutôt une ambition : faire un film. Alors elle traîne partout avec elle de quoi enregistrer le monde qui l'entoure, et plus particulièrement Siggy, le psychiatre. Elle ira même jusqu'à le poursuivre à travers la ville pour se venger de toutes ces consultations grotesques, de tous ces commentaires déplacés.
Peu de romans nous frappent aussi violemment. Les propos sont tantôt crus, tantôt durs, tantôt naïfs. Ida est l'incarnation d'une génération, piégée entre deux âges. C'est ce sentiment que Lidia Yuknavitch fait transparaître à travers son roman ; un sentiment d'urgence et de temps qui roule, roule, de feu de forêt qui consume la vie en un claquement de doigt. On se demande alors si Dora la dingue n'est pas un ovni dans le paysage littéraire français. Après tout, ce roman, c'est un peu comme du voyeurisme. Le lecteur assiste, impuissant, aux délires d'Ida. Pourtant on aime ça. Regarder les gens tomber en remerciant la vie d'être toujours debout...
En bref, un roman drôle, quasi burlesque, mais qui cache de profondes réflexions sur le sens de la vie, la place que l'on y occupe et les abus d'une société hyper-aseptisée, hyper-conventionnée, hyper-glacée.