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Journal 1966-1974 - Jean-Patrick Manchette

Publié le 04 août 2015 par Fromtheavenue
Journal 1966-1974 - Jean-Patrick Manchette - Folio Gallimard - 936 pages. 2015
En 1966, à l'âge de vingt-quatre ans, Jean-Patrick Manchette, commence à écrire son journal. Il le tiendra régulièrement jusqu'à sa disparition en 1995. (...) Ce volume regroupe les quatre cahiers couvrant la période déterminante du 28 décembre 1966 au 27 mars 1974, où Manchette décide de vivre de sa plume et y parvient au prix d'efforts sans cesse renouvelés et d'une quantité phénoménale de travaux sur le texte, tour à tour insignifiants, pénibles ou brillants. S'y dessine le parcours d'un homme qui trouve sa véritable voie, apprend son métier et devient écrivain.

La manière dont Manchette rédige ce journal, naturelle et non délibérée, est, en définitive, la même que dans ses romans : l'utilisation du style comportentaliste, ou behaviorist, cher à Dashiell Hammett, son auteur de référence dans le domaine du roman noir. Seuls les comportements, les actes et les faits sont décrits et recensés, presque jamais les sentiments ou les états d'âme. Des fragements visibles du puzzle, il appartient alors au lecteur sd e tirer la vision d'ensemble et d'entendre, par-delà les mots, ce qui n'a pas été dit.
Doug Headline, novembre 2007.

Voici un extrait de la préface de ce journal signé de la main de son fils. Journal paru en grand format en 2008 et sorti en poche en avril dernier.

J'ai découvert l'oeuvre de Manchette durant l'été 2008 et ce fut une grosse bombe littéraire pour moi de part le style. La lecture de ce journal est passionnante. On y lit son quotidien d'écrivain de scénari pour le cinéma et la télévision et de ses projets littéraires. Il colle sur son cahier de nombreux articles de presse sur l'actualité politique et sociale. C'est aussi des réfléxions sur les livres qu'il dévore (c'est un boulimique et lecture, c'est vraiment impressionnant !), critique les films qu'il voit à la télévision ou au cinéma. 


Alors, certes, je ne comprends pas tout ce qu'il écrit (notamment sur les livres de philosophie qu'il remet en perspective, ou bien sur la politique qui reste parfois assez nébuleuse pour moi). Mais je prends un pied à suivre ses cheminements intellectuels sur son travail d'écrivain et son éthique ou sur la place qu'il souhaiterait avoir dans la société. 
Voici quelques extraits (j'en suis pour l'instant à la fin de l'année 1969) :
A propos de son journal :

Evidemment qu'on écrit pour être lu, autant que pour se relire soi. On prend plaisir ou amertume à ce retour (Voir LA DERNIERE BANDE). Mais surtout, on pose sur le papier, pour les autres, ce à quoi, successivement, au fil du temps, on a adhéré le temps de la pensée, parfois du paradoxe ou du calembour.

Depui que je rédige ce journal, je note soigneusement un bon bombre de ce à quoi j'adhère.
Défaut, on sait que ça sera lu. On veut adhérer d'un façon séduisante pour le lecteur.
Le journal s'oppose absolument à l'analyse d'une par, aux mémoires d'autre part. (08 mars 1969)
A propos de cinéma :
Aujourd'hui nous sommes allés voir 2001 : l'odyssée de l'espace de Kubrick, au cinéma du casino au Tréport. Public calme, prix modérés, une heurese ambiance. Le film lui-même est un très beau spectacle. Laudativement et péjorativement parlant. On ne s'ennuie pas une seconde pendant les près de trois heures de projection. Cependant, parès la projection, il ne reste pas grand-chose du film dans l'esprit du spectateur, à part des beautés formelles, et une énigme que Kubrick et Arthur C. Clarke - co-scénariste - ont mise là-dedans en tant que telle. Il y aurait beaucoup à dire sur ce film, mais la premières chose à en dire est que c'est une série B roublarde avec un très gros budget, filmé par un bonhomme assez intelligent pour avoir envie d'aller trop loin, mais aussi pour savoir jusqu'où on peut n'aller pas assez loin, et qui se console parfois de l'ensemble en filmant des formes et des couleurs pures, sans contenu. Le plus kubrickien de la chose est sûrement le prologue des pithécanthropes. Ensuite, spectacle de la technique, puis paradoixes débiles, mais grands fastes formels. Un vrai gâteau à la crème, en tout cas. (05 août 1969)

Sur l'actualité :

A propos d'historiographie, on voit que, dans la nouvelle période où nous sommes entrés, la censure de fait des moyens d'information se porte à présent sur des choses de plus en plus notables.

En Italie, par exemple, où le "Mai rampant" continue, sans doute y a-t-il des émeutes, des occupations, etc. Cepnendant nous n'avons jmaais droit quà quelques phrases, de loin en loin, indiquant qu'un autobus a été incendié par des grévistes.
On est davantage informé sur la grève des éboueurs de Londres, parce qu'elle est plus pitoreque. (10 octobre 1969)

Je ne sais pas me défaire du sérieux quand je parle de moi. Si j'essayais de m'en défaire, ce serait pour tomber dans la roublardise. (10 octobre 1969)


Sur son travail :
Je suis épuisé et mes nerfs craquent. Ce putain de merde de roman pornographique est le seau de purin qui fait refouler les gogues. Comme je voudrais être un honnête écrivain, bricolant chaque année un roman, quatre policiers et trois dramatiques. Ou un scénariste comme Sautet. Ou un cinéaste comme Mocky. Ce ne serait guère bandant, mais ce serait mieux. Il y en a qu'on nourrit à la sonde ; moi, je crève à la sonde. Travailleur intellectuel. Prolétaire intellectuel. Le degré grabataire de l'écriture. Je chie sur cette putasserie mal payée. Bon. Sois calme. (13 novembre 1969)
Journal 1966-1974 - Jean-Patrick Manchette - Folio Gallimard - 936 pages. 2015

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