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L'exercice de l'etat - 7,5/10

Par Aelezig

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Un film de Pierre Schoeller (2011 - France, Belgique) avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Laurent Stocker, Stephan Wojtowicz, Arly Jover

Captivant et un peu effrayant...

L'histoire : Quelques jours dans la vie de Bertrand Saint-Jean, ministre des transports. Hostile à la privatisation des gares, fortement impopulaire, Saint-Jean va s'affronter avec les collaborateurs de son propre camp... à commencer par le Président.

Mon avis : Petite incursion intime au Ministère des Transports. Dit comme ça, ça peut faire "déjà vu", plusieurs films ayant déjà tenté d'entrer en politique par la petite porte, et on craint le truc quasi-docu, bien barbant.

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Mais le film est de haute teneur, parfaitement réalisé, magnifiquement interprété (une des plus belles prestations de Gourmet) et il mélange très habilement des petites séquences purement politiques (stratégie, communication à tout prix, relations et rivalités) et d'autres plus personnelles (biture de Saint-Jean chez son chauffeur, tendre complicité avec l'épouse, portrait humain), des petites choses qui dégoûtent, des petites choses qui font rire, des petites choses qui étonnent... parce que - même si on se croit pointu sur la question - il y a encore des mécanismes et des traditions qu'on ignore !

Très intéressant donc pour ceux qui aiment la politique, dans le sens noble du terme, mais avec la réserve qu'il se doit vis-à-vis des hommes qui nous dirigent et qui oublient le plus souvent grâce à qui ils sont là...

Par contre, toute la séquence d'entrée ne m'a pas plu. Ca commence par des types masquées qui apportent des meubles dans un bureau genre élyséen... on se demande si ce sont des francs-maçons, ou bien une équipe de libertins genre Eyes wide shut ! Le trouble se confirme avec une femme en nu frontal, qui s'assied les jambes écartées face à un crododile... So what ? C'est un film porno ou quoi ? Puis la dame entre dans le gosier du crocodile. Bon OK, cette fois on a pigé : c'est un cauchemar, que fait notre ministre ! Nous voilà soulagés. Mais cette scène est bizarre, n'apporte rien, et demeure incompréhensible et inutile à moins d'avoir un doctorat ès-Freud. Et puis là, alors même qu'on est tout content que ce soit passé, paf nous revoilà avec une musique super zarbi, dans des bureaux à dorures, encore, où deux hommes embrassent à bouche-que-veux-tu une jolie collaboratrice. Encore un cauchemar sexuel ?! Et bien non. Cette fois, l'un des deux hommes répond au téléphone et le film démarre pour de bon. Etrange. Si le réalisateur voulait nous montrer que les politiques sont branchés sexe, d'une part c'est idiot parce que franchement il n'y a pas qu'eux, et d'autre part la scène aurait été plus significative à un autre moment du film.

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A part ce début raté, rien à dire, parce que c'est vraiment passionnant. Les personnages n'incarnent pas des politiques existants et font plutôt un mix de diverses personnalités. Ainsi le président évoque à la fois Hollande et Mitterrand. Les faits non plus ne sont pas réels mais font penser à des situations qu'on a pu voir (la colère des ouvriers d'Arcelor Mittal, les premières émeutes en Grèce) ou que l'on subodore (intervention de l'état pour la nomination des dirigeant de grosses sociétés privées, soumission du directeur SNCF devant l'Etat...). Reconstitution habile, donc ; caustique, mais sans attaque gratuite. L'enjeu est de montrer "comment ça se passe" et non juste la lutte des égos. Un peu comme dans une entreprise lambda.

Par exemple cette histoire de privatisation des gares, qui pourrait bien être à l'ordre du jour à moyen terme. D'ailleurs une réplique fait mouche : "On ne fait rien ! De toutes façons, avec l'Europe, on sera obligé d'y passer dans quelques années, et là c'est la droite qui s'en dépatouillera !"

Au final, on voit comment tout le monde fait semblant de décider des trucs... alors que, de toutes façons, il faudra que ce soit validé par Bruxelles, mais aussi pourquoi tout le monde se la pète tout de même, juste pour le plaisir de "briller", d'être un puissant.

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Sans porter aucun jugement, le réalisateur nous montre la politique telle qu'elle est, à la fois terriblement inhumaine par ses manipulations, et terriblement humaines par les failles, les égos, les sensibilités de chacun. A la fois on salue le courage de ces hommes, qui bossent comme des dingues, jour et nuit, et on est dégoûté par leurs petits arrangements avec l'éthique. Et en même temps, on leur pardonne presque parce que "ce ne sont que des hommes". Le paradoxe est magistralement démontré.

Unanimité de la presse pour louer le film, sauf Les Cahiers qui semblent le trouver trop partial, en empathie totale avec le pouvoir. Même enthousiasme chez les spectateurs (500.000 entrées), au moins pour ceux qui s'intéressent à la politique ; les autres ont évidemment, normal, trouvé ça très ennuyeux !

Le film a reçu, entre autres récompenses, trois Césars.


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