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Un centenaire montévidéen fêté à Buenos Aires [à l'affiche]

Publié le 08 août 2015 par Jyj9icx6
Le Museo Casa Carlos Gardel fêtera ce jeudi 13 août 2015 à 18h30 le centenaire de la première du duo Gardel-Razzano à Montevideo avec une conférence de l'historien du tango Norberto Ignacio Reguiera, uruguayen de nationalité.
Entrée libre et gratuite au n° 435 de la rue Jean Jaurès dans le quartier dit El Abasto. Un centenaire montévidéen fêté à Buenos Aires [à l'affiche]
Cette première tournée hors de l'Argentine de Carlos Gardel est la racine de la querelle qui dure toujours entre Buenos Aires et Montevideo quant au lieu de naissance authentique de l'artiste. Né à Toulouse (les Uruguayens me pardonneront ! Enfin je l'espère...), le 11 décembre 1890, d'une mère célibataire qui dut s'exiler en Argentine pour fuir le destin peu enviable d'une fille mère à la fin du XIXe siècle, Carlos Gardel grandit en Argentine. De cœur, il était donc argentin et lorsque le consulat français appela à la mobilisation générale en août 1914, il ne se manifesta pas. Etait-il conscient de commettre un crime aux yeux de la loi française ? Rien n'est moins sûr. Il venait de décrocher un contrat fabuleux dans un restaurant très chic du nord de Buenos Aires, El Armenonville, et une carrière prometteuse s'ouvrait devant lui. Aussi, un an plus tard, lorsqu'il lui fallut préparer une tournée dans les pays limitrophes, il trouva plus que probablement de l'aide auprès d'une des personnalités bien placées qui fréquentaient le restaurant. L'une d'entre elles, probablement le maire de Barracas al Sur (aujourd'hui Avellaneda), dans la banlieue de Buenos Aires, lui fournit un faux passeport dont les données étaient vraiment trop peu vraisemblables pour que le chanteur le conserve après la fin de la Première Guerre mondiale (il y avait vingt de trop, était marié et père de deux enfants, ce qui en 1817 déjà n'était plus crédible, sa notoriété ayant grandi dans toute la région).
Carlos Gardel fut donc obligé de recourir à une supercherie encore plus compliquée, faire une fausse déclaration de naissance au consulat uruguayen, dont le pays n'avait pas d'accord d'extradition avec la France, puis doté de cet extrait de naissance farfelue demander la nationalité argentine qui lui fut accordée. Il put alors faire établir un vrai faux passeport avec lequel il sillonna tout l'Occident jusqu'à sa mort, le 24 juin 1935. C'est avec lui qu'il partit, en 1924 seulement, pour se rendre pour la première fois en Europe, d'abord en Espagne où il gagna assez d'argent pour pouvoir traverser la frontière, rejoindre sa mère en vacances dans sa famille à Toulouse, connaître sa grand-mère, ses oncles et tantes et ses cousins, puis tenter l'aventure de Paris, qui fut triomphante.
Après juin 1935, l'Uruguay tenta de faire rapatrier les restes du chanteur à Montevideo en s'appuyant sur les données de ce passeport et revendiquer l'honneur de l'avoir vu naître. En pure perte. Le corps repose au cimetière de la Chacarita à Buenos Aires.
On voit déjà poindre la revendication uruguayenne dans l'affiche de 1915 qui baptise national le duo formé par un Uruguayen, José Razzano, qui avait lui aussi grandi à Buenos Aires où il était surnommé El Oriental (ce qui authentifie sa nationalité de naissance), tandis qu'à la même époque, Carlos Gardel était surnommé El Morocho del Abasto (le beau Brun de l'Abasto), ce qui contredit complètement la théorie uruguayenniste (si Gardel avait été connu comme natif de l'autre côté du Río à cette époque-là, le duo aurait été surnommé Los dos Orientales et non pas, comme cela est attesté, El Morocho y el Oriental, ainsi qu'une chanson (1) en fait mémoire à jamais).
(1) El Morocho y el Oriental fait partie des 231 letras que j'ai incluses dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, paru en mai 2010 aux Editions du Jasmin.

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