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(anthologie permanente) Jacques Roubaud

Par Florence Trocmé


Imprévisible était leur surgissement, 
 
Imprévisible était leur surgissement, imprévisible, la terre sous elles avec toutes ses aspérités, ses collines et ses pierres sèches, ses incisions. Etoiles rouges absorbées, une fois pour toute, par le sol.  
 
 

Homothétie impossible, 
 
Homothétie impossible : dans la flaque le triangle de ces étoiles, bordé de ciel, bordé de blanc vaporeux, triangle brillant, homothétie impossible du gris de la colline nocturne au gris de l’herbe informe, dans la flaque, avalant la forme triangulaire nette de ces étoiles, levées par le ciel.  
 
 

Le ciel, ce ciel, 
 
Le ciel, ce ciel, austère 
et la distance 
transpercée d’étoiles 
 
transpercée d’étoiles et de vide 
Le ciel, ce ciel, 
austère. 
 
 
9. 
L’accord universel, pense-t-on, 
 
L’accord universel, pense-t-on, appartient à l’immensité. On la cherche en elle parce que, pense-t-on, elle doit être. Mais où ? Les étoiles n’y ont pas de limites apparentes (qui pourrait être assuré de leur dissolution effective, plus loin, culbutant dans l’après, dans le microcosme d’un point ?). Même quand leurs signes s’étaient arrêtés, accidentellement, dans mes yeux.  
 
 
10 
Il était on ne sait quel moment 
 
Il était on ne sait quel moment de la nuit. Le vide se singularisait, la courbe des sphères abrupte et vague, sérieuse. Il y avait de l’incertitude dans le ciel. Le ciel encombré d’étoiles. Les étoiles isolées par de longs silences. Les sentiers de constellations, ruisseaux tracés d’une lumière grégaire, d’une vapeur peu lumineuse, juste bougés par la respiration instrumentale : posées là, magnitudes.  
 
 
11 
Le ciel s’était empli 
 
Le ciel s’était empli de vagues. Les étoiles assuraient l’intelligence des formes. Ce n’était pas seulement l’oubli des origines mais aussi la minceur lente, absorbante, des trajectoires qui demandait cette autre géométrie. Les étoiles contenaient le présent, elles contenaient comme toujours le présent, étant passées par tant de passé ; elles faisaient autorité dans le ciel. Leur progression m’enveloppait et même, à certains moments, aurait pu changer pour moi, à volonté le sens des mondes.  
Leurs chemins, alors, ces lignes entrelacées chargées d’une clarté sans source ultime, s’éloignèrent jusqu’à l’indistinction.  
 
 
Jacques Roubaud, Octogone, livre de poésie quelquefois prose, Gallimard, 2014, pp. 43 à 46.  
 
Jacques Roubaud dans Poezibao :  
bio-bibliographie lecture Double Change (05), fiche lecture de l’essai de Véronique Montémont Jacques Roubaud ou l’amour du nombre, extrait 1, extrait 2, extrait 3 et parution Poésie/Gallimard La forme d'une ville…, extrait 4, extrait 5, autour du Cahier Critique de Poésie, extrait 6, extrait 7, Roubaud, rencontre avec JF Puff (parution), in Notes sur la poésie, Roubaud, rencontre avec JF Puff (par T. Hordé), extrait 8, ex. 9, ext. 10, note création, ext. 11, ext. 12, nc3, nc4, nc5


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