L'ouverture est confirmée. Ce sera pour ce soir. Et 120 personnes ont déjà réservé pour dîner au restaurant 750g la table.
Quel serait le mot juste ? Lancement ? Inauguration ? Damien Duquesne parle plus modestement de rodage jusque fin août, mais de "grand rodage" tout de même !
Avec un menu à 19, 50 € parce que ce n'est pas au client de payer les imperfections, justifie Damien. Et c'est la première fois que j'entends un chef parler ainsi.
Sur le coup de 16 heures les extérieurs me font franchement douter du pari. Le panneau affirmant crânement : c'est (presque) prêt me semble totalement relever de l'irréalité. Et pourtant oui, ce sera prêt.
La cuisine est en effervescence positive. Tout y est (presque, et cette fois le terme est approprié) en ordre. Les produits sont là, fraichement arrivés du Lot.
L'enthousiasme de Damien est communicatif, sans surprise pour moi qui le connais depuis ... je ne compte pas les années. Il prend le temps de couper une tomate de plein champ, bio cela va se soi pour lui, qui a poussé dans de la vraie terre alors que 95% de ce qu'on trouve a grandi sur de la laine de roche ou des substrats végétaux. Goûte-moi ça, impose-t-il en guettant ma réaction.
C'est bon, très bon. J'apprends que des tomates comme celle là contiennent 10 fois plus de lycopène, qui est un puissant antioxydant, efficace pour protéger contre le cancer, ou l'infarctus.Ce sera une des entrées proposées tout à l'heure, avec un granité de concombre qui amènera de la fraîcheur. ll y aura aussi un croûton avec du pesto et une portion de cabecou, lui aussi en provenance du Quercy. Mais de vache et pas de chèvre comme on en a l'habitude.Des courgettes jaunes et vertes sont (presque) prêtes à fondre dans un wok. Elles accompagneront le poisson. D'autres courgettes ont été préparées ce matin pour la crème et ses croutons aux amandes, qui composera la première entrée. La recette est une des préférées des internautes. Car, outre la qualité des produits, le principe de base consiste à mettre sur la table ce que les clients ont envie de manger, et surtout pas à les surprendre avec des plats chichiteux ou sophistiqués qu'ils ne pourront jamais reproduire.
Une grande marmite embaume et il est temps d'en transvaser le contenu pour le refroidir, ... à condition de mettre la main sur le contenant idoine.Un faitout semble convenir mais Damien le réfute au motif qu'il est en aluminium et qu'il vaut mieux éviter de conserver des légumes feuillus ou des aliments acides dans de l'aluminium. Décidément j'apprends des choses ce soir.Damien semble avoir dix bras. Il est partout. En cuisine où rien ne lui échappe. Où il travaille aussi avec énergie, sans jamais se départir de son sourire, toujours prompt à répondre aux interrogations de son équipe et à trouver des solutions aux problèmes posés.Lisez la suite du reportage et des coulisses de cette soirée exceptionnelle en cliquant sur "plus d'infos" :
Si Joffrey et Sarah sont à ses côtés en cuisine ce n'est pas un hasard. Le restaurant est la concrétisation d'amitiés professionnelles. Devant comme derrière les fourneaux, et jusqu'à la salle où l'on retrouve notamment Quentin.Damien est aussi sur le chantier, car il faut bien reconnaitre que la salle est encore "en devenir". Il sera également en extérieur, donnant la main au nettoyage de la terrasse tout en renseignant les passants intrigués.Et le voilà de retour auprès de sa brigade pour décider une évolution du concept de base. Finalement ce soir les convives ne choisiront pas entre 3 entrées, 3 plats et 3 desserts comme cela a pu être annoncé en avant-première. Ils auront droit à tout. Autrement dit un menu dégustation de 2 entrées, 2 plats et 1 dessert.L'ambiance est sereine. Rien de comparable avec l'excitation des Cauchemars en cuisine de Gordon Ramsay. Chacun goûte la sauce vierge qui dopera le cabillaud.Une verveine aux larges feuilles infuse doucement dans la crème. Cela sent diablement bon.S'il y a bien un endroit où il serait judicieux de donner un coup de main c'est ailleurs. Laissons les ouvriers terminer les finitions.L'urgence est de rapatrier les tables dans la véranda qui est le seul endroit à n'être pas encombré. Ce n'est pas une mince affaire. Le mobilier est à l'image des légumes : c'est du costaud.On suit le plan de l'architecte en alternant les couleurs des chaises, oranges ou vertes, qui sont les deux teintes du logo de 750g, et les matières, bois et métal. Pour faire joli et confortable on ajoute des coussins de couleurs vives sur les chaises en métal. Ce n'est pas fini. Restent encore les couverts à rouler dans des serviettes (orange ce soir, vertes un autre jour), les bougies et les verres à eau à disposer sur chaque table.On pourra pousser un ouf de soulagement vers 18 heures quand la terrasse est (presque) prête. Et songer à immortaliser l'avant-l'après ...Coté salle c'est encore inquiétant. Les allers et venues sont constantes. Voilà Christian Etchebest qui apporte son soutien et annonce une réservation pour demain 13 heures, 10 couverts, en pointant sur le plan la table de son choix.Nous sommes à 45 minutes de l'ouverture. Il ne faut rien lâcher ... mais la fatigue se fait sentir, enfin surtout pour moi. Un peu de rangement côté bar me reposera de la mise en place des tables. Ce sera l'occasion aussi de vérifier si la bière coule à flots ... Encore faudrait-il que les fûts soient branchés.N'en déplaise à Philippe Delerm, cette première gorgée de bière ne sera pas un plaisir minuscule et je ne pourrai plus jamais boire une Chouffe sans revivre cette soirée. Je la trouve fraiche à souhait, agréablement houblonnée et fruitée. C'est une bière blonde, non filtrée, et refermentée, ce qui explique son voile. Elle titre tout de même 8 degrés ... brassée au coeur des Ardennes belges où vivraient, selon le mythe, les lutins Chouffe.
Laurent met la musique. Je reconnais Chan Chan du Buena Vista Social Club. En fermant les yeux on se croirait subitement en vacances sur une plage cubaine. Avec la Brasserie d’Achouffe (et les bières Vedett), Damien a choisi délibérément de proposer à la pression trois bières inhabituelles même si celles-ci sont appréciées des connaisseurs.L'espace bar s'organise. Nous rangeons les verres (très jolis) et les publications, en particulier le dernier numéro de 750g le Mag qui a soufflé sa 1ère bougie en mai dernier.S'il y a un individu qui apprécie le nouveau emplacement c'est bien le poisson qui occupait précédemment un plan de travail de l'Atelier 750g, faubourg Poissonnière (cela ne s'invente pas).
Le nom du restaurant, 750g la table, s'inscrit dans la logique de développement du groupe 750 g. S'il est très connu sur Internet où il est probablement numéro 1 en terme de consultation de recettes (avec quelque chose comme 18 millions de visites mensuelles) c'est autre chose dans le quartier. Damien n'a donc pas hésité à y distribuer 3500 anciens numéros ces derniers jours. Car son ambition n'est pas tant de régaler les aficionados du site que de piloter un vrai restaurant populaire.
Le nom de 750g est désormais une marque. Peu de gens en connaissent l'origine. Jean-Baptiste Duquesne, le frère de Damien, avait créé à la fin des années 90 le site 75cl.com, dédié au vin. Au fur et à mesure qu'il a reçu des demandes de recettes pour accompagner les dégustations il a choisi d'initier un site parallèle, dédié à la cuisine. Ce sera 750 grammes, à peu près le poids du vin dans une bouteille de 75 cl.
Il s'est alors associé "naturellement" avec Damien, professeur à l’école hôtelière de Soissons. Les réseaux sociaux ont beaucoup soutenu le projet, à partir notamment de la création d'un Salon du blog culinaire, qui se déroule tous les ans à Soissons (8 ème édition en novembre prochain), doublé depuis 4 ans de rencontres parisiennes très animées (cf les articles). Le virtuel associé au réel en quelque sorte !
Les recettes qui sont mises en ligne proviennent de la communauté comme d'une équipe de professionnels et sont régulièrement mises ne ligne sur You tube. Régies par la simplicité, le respect des produits et le goût. Avec un autre secret pour expliquer le succès : du travail, du travail et encore du travail.
Et une imagination sans limites. Le restaurant n'a pas encore servi ses premiers hôtes et Damien me confie déjà d'autres projets autour du vin et du pain. D'ailleurs en voici, livré par le boulanger du quartier. Du vrai, du bon, cela se devine sur la photo.En cuisine, le granité de concombre devant accompagner la tomate se présente plutôt bien.Nous voilà à une demi heure de l'ouverture. Sarah et Joffrey peuvent "attaquer" la découpe des onglets et la cuisson des pommes de terre au romarin.
Coté salle, chacun a passé la quatrième. On a l'impression de voir un film en accéléré. On court. On se cogne. Un escabeau touche les fils électriques et les plombs sautent. Les dieux veillent. L'électricité est vite rétablie et on peut considérer que l'ouverture n'est plus un rêve. Pour moi qui sais combien Damien a dû patienter pour obtenir le permis de construire (bien plus d'une année) avant de commencer à entreprendre la rénovation je mesure pleinement la prouesse.19 heures et des miettes ... Première coupe de champagne et photo souvenir avec les artisans bâtisseurs. L'architecte peut être fier du résultat.
Damien est confiant, comme à son habitude, mais toujours à l'écoute : on construit ensemble un test avant de formaliser le concept.
Je ne doute pas de sa sincérité mais une petite voix intérieure me souffle que le restaurant sera toujours en évolution, que cela fait précisément partie du concept. Etre surpris c'est aussi ce que le client attend.
Tout est (presque) prêt. Encore quelques minutes, le temps d'un dernier coup de balai révélant le sigle jusque sur le sol.
Le temps aussi pour les premiers clients ou invités de profiter de la partie ouverte de la terrasse, si appréciable en région parisienne parce qu'elle donne sur une impasse, tout en étant très repérable avec son store vert laitue depuis la rue de Vaugirard, à quelques mètres de la porte de Versailles et du Parc des Expositions.
C'est prêt. La salle est désormais autant accueillante que la terrasse.Les premières assiettes vont bientôt sortir du passe-plat. La cuisine est semi-ouverte sur la salle. Les cuistots ont aussi un regard sur la terrasse. Tout est de plain-pied et facilite le service.
Oriane a tracé de sa belle écriture le menu sur des ardoises. Ce soir on ne choisira pas. On goûte tout. Rodage oblige, mais dans des portions un peu plus légères que dans le menu prévu pour les jours à venir. Ne vous fiez donc pas complètement aux photos.Crème de courgettes glacée, écume chorizoOn comprend que cette recette soit une des best-of du site. Le piment d'Espelette est dosé juste ce qu'il faut. Comme c'est agréable de commencer par quelque chose de si frais alors qu'il a fait une chaleur torride toute la journée. Mais où sont les croutons aux amandes dont Damien m'avait parlé dans l'après-midi ? L'équipe n'a pas eu le temps de les faire. C'est juste pour dire quelque chose parce que l'assiette se suffisait à elle-même. Et puis (coup d'oeil à l'ardoise) les croutons ne sont pas mentionnés.
A suivre la salade de tomate plein champ, granité concombreLa tartine de pesto est cachée sous le légume, quelques lamelles d'oignon et le fameux cabecou complètent cette généreuse entrée. On savoure.
Cabillaud wok sauce viergeJe tire à vue sur le premier qui aura le culot de faire un reproche à la cuisson. Juste parfaite, menée à 50°. Et si à première vue le coté gauche de l'assiette ressemble au coté droit la différence de goût est une symphonie.Le pain est aussi bon qu'il en avait l'air cette après-midi. Il a le goût des miches d'autrefois, faites au levain, preuve qu'on peut encore faire de la qualité dans une boulangerie de quartier.Onglet béarnaise pommes de terre romarinLa viande, fondante, est un délice. Les pommes de terre sont plus que bonnes. Je devrais préciser que la Béarnaise est une émulsion, très réussie par Sarah. On est face à une cuisine simple, mais qui a un petit plus que l'on n'est pas prêt de reproduire chez soi. Cela va sans doute un peu à l'encontre du concept du restaurant mais après tout, ce que j'aime quand je sors c'est précisément de me régaler avec autre chose que ce que je peux faire à la maison.
Nous avons hésité pour les vins. Un Morgon était bien tentant, mais peu convenable avec le poisson. Notre choix se porta sur un AOC Saint Chinian 2011 en provenance du Chateau de Prieuré des Mourgues, où l'on retrouve la chaleur du Grenache, l'arôme de violette de la Syrah, et (c'est ce que m'apprend Olivier qui assure le service en terrasse), et un peu de tanin et de parfums de sous-bois avec un cépage que je ne connaissais pas, le Mourvèdre.
On apprécie d'autant plus que l'on sait que la carte des vins n'est pas encore établie et que le stock n'est pas très conséquent. On ne doute pas cependant d'avoir d'autres belles surprises les prochaines fois. Quant à l'eau elle est servie en carafe. Le restaurant s'est doté d'une fontaine et ne propose pas d'eau "minérale" en bouteille.
Nectarines Melba glace vanilleJ'en conviens, le cliché est un peu flou. J'avais gouté les fruits l'après-midi avant leur cuisson. C'était déjà une belle promesse. On se surprend à être encore gourmand en fin de repas. La crème révèle une surprise ... je reconnais un goût de poivre. Damien me révélera le secret. Il a infusé le fameux voatsiperifery, le poivre à queue sauvage des forêts tropicales de Madagascar. J'aurais pu y penser ... sachant que le chef a vécu dans cette île.
Et comme on joue à fond le jeu du rodage je demande où sont passés les rochers à la noix de coco qui sont sortis du four dans l'après-midi. Ils sont restés ... mais nous sommes invités à nous servir.
Au final il n'y a pas l'ombre d'une (vraie) critique à faire. La satisfaction est à son comble. Le rapport qualité-prix n'est pas une vaine promesse. Il le sera encore au prix annoncé pour septembre à 24, 50 €, sans distinction d'horaire, le midi comme en soirée, 365 jours par an.
Le plébiscite est total. On s'attarde en terrasse, le temps de complimenter et de remercier toute l'équipe pour nous avoir tant bichonnés ce soir. On mesure leur niveau de fatigue. Et on sait que la nuit n'est pas finie parce qu'il va falloir laver, ranger, et recommencer demain. Mais pour le moment Damien a bien raison d'être heureux. Le pari est réussi haut la fourchette.
Vous ferez sans doute une expérience différente parce que la formule va évoluer, mais dans le sens d'une satisfaction toujours améliorée du client (même si on se demande comment on pourrait encore mieux faire). Il faut retenir qu'il n'y aura jamais de carte, au sens classique du terme. Peut-être un choix entre quelques plats, mais on n'hésitera pas entre des dizaines d'intitulés. Sans doute une proposition pour les végétariens. Et une déclinaison du menu adaptée aux enfants (avec un prix en conséquence).
Ce seront toujours des produits frais, directement arrivés d'une région où on les cultive dans l'amour du bon. Donc des légumes et des fruits de saison.
Le client devrait être sollicité pour achever la recette, faire quelque chose comme froisser, concasser, hacher un ingrédient qui donnera la touche finale au plat. En tout cas toujours pour donner son avis parce que la convivialité est de règle.
Les recettes seront données à la fin du repas (pour le moment le système n'est pas encore opérationnel) et vous pourrez les collationner sur un cahier qui vous sera remis pour l'occasion. Elles devraient être directement inspirées du best-of de 750g le site, mais rien n'empêchera jamais Damien, Joffrey et Sarah de jouer la nouveauté en s'adaptant aux livraisons. La réinterprétation est toujours de mise en cuisine.
Des lumières vertes, rouges et bleues sont prévues pour éclairer les soirées de septembre. Mais n'attendez pas jusque là. Allez-y en confiance et profitez du même coup des derniers jours d'Août pour visiter dans l'après-midi l'exposition Lascaux ou Lego au Parc des Expositions.
En théorie l'accès au restaurant se fait sur réservation pendant l'opération rodage, par mail à l'adresse [email protected] mais si vous arrivez en début de service vous ne serez pas rejeté,. Il reste aussi l'option coup de fil au 01 45 30 18 47.
Vous rencontrerez sûrement Damien. Il n'a pas l'intention d'être un chef "présent-absent" comme la plupart de ceux qui multiplient les activités. Il va continuer à enseigner au lycée hôtelier de Soissons et hormis les lundis et vendredis soirs il sera toujours ici en cuisine, en salle et à l'écoute des clients. Même des avis négatifs, parce que c'est comme ça qu'on progresse, dit-il avec simplicité.
Vous serez peut-être filmé et votre point de vue posté sur la page FB du restaurant.Le restaurant 750g la table est ouvert tous les jours de 11h30 à 23h397 rue de Vaugirard, 75015 Paris. Menu entrée, plat et dessert à 19,50 € jusqu'au 31 août 2015 pendant le grand rodage, puis à 24 € dès le mois de septembre.Réservations à [email protected] ou par téléphone au 01 45 30 18 47.