J’ai trouvé ces trois poèmes dans L’anthologie de la poésie contemporaine du Cherche Midi éditeur, un livre dont j’ai déjà eu l’occasion de parler le mois dernier.
Liliane Wouters est une poétesse belge née en 1930.
On s’en vient seul
On s’en vient seul et l’on s’en va de même.
On s’endort seul dans un lit partagé.
On mange seul le pain de ses poèmes.
Seul avec soi on se trouve étranger.
Seul à rêver que gravite l’espace,
Seul à sentir son moi de chair, de sang,
Seul à vouloir garder l’instant qui passe,
Seul à passer sans se vouloir passant.
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Pour vivre, il faut planter un arbre, il faut
faire un enfant, bâtir une maison.
J’ai seulement regardé l’eau
qui passe en nous disant que tout s’écoule.
J’ai seulement cherché le feu
qui brûle en nous disant que tout s’éteint.
J’ai seulement suivi le vent
qui fuit en nous disant que tout se perd.
Je n’ai rien semé dans la terre
qui reste en nous disant : je vous attends.
***
Lorsque tu regardes
Lorsque tu regardes dans la glace
En te disant « c’est moi », il vient toujours
un moment de panique. Es-tu en face,
Es-tu ici ? Quid de ce moi venu un jour,
Dont il ne restera plus rien. Oui, des douzaines
De photos, une voix. Cire et papier. Moi, là-dedans ?
Que saura-t-on de mes amours et de mes peines ?
Plus de faims, plus de peurs, pas même un mal de dents.
Silencieux le sang, morte à jamais l’haleine,
Douce haleine brouillant aujourd’hui le miroir
Où mon être apparent a cessé de se voir.
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