C'est le Barong et la sorcière de Bali qui nous accueillent dans cette belle expo du musée Guimet. Ces costumes et ces masques, utilisés lors de danses sacrées, nous introduisent à l'extraordinaire richesse des mythes asiatiques et à leur extraordinaire mise en scène par le théâtre. Les formes variées du théâtre sont explorées à travers des peintures, des masques, des marionnettes, des costumes, des gravures qui nous en mettent plein les yeux.
On débute avec les masques et les traditions indiennes. Les mythes les plus souvent représentés sont liés aux grandes épopées, le Mahabharata et le Ramayana. Ces récits épiques abreuvent aussi toute l'Asie du sud est. On retrouve ainsi des costumes de Rama, très différents selon qu'il s'agit de Kuttiyatam, de Khon ou de Wayang (pour les origines et les distinctions, je vous renvoie au site de l'expo). Pourquoi tant de couleurs et de masques ? Pourquoi ces maquillages si prononcés ? Pour l'identification des personnages bien sûr, très codifiée, mais aussi pour créer une sorte de décor. On notera que ces mythes ont aussi été très féconds à l'écran où l'on compte des milliers d'adaptations.
On passe ensuite au théâtre d'ombre avec ses personnages aux découpes fantomatiques avant de découvrir le théâtre chinois. Ces ombres de cuir, articulées et brodées, sont véritablement saisissantes, qu'il s'agisse des petites pièces chinoises ou des plus grandes du Sbek thom au Cambodge.
Pour la Chine, on remonte dans le temps avec les petites figurines (minqui) d'acrobates avant de croiser de superbes marionnettes. Mais le clou de l'expo vous attend quelques pas plus loin avec les magnifiques costumes de l'opéra de Pékin, sauvés de la destruction par l'acteur Shi Pei Pu. Ces rescapés de la Révolution culturelle chinoise sont des coiffes très travaillées et des robes à motifs brodés, enrichies de plumes, de pompons, de perles et de fils métalliques... Une vidéo (publicitaire pour l'UNESCO !) permet ensuite de mieux comprendre ce qu'est cet opéra : les mouvements des acteurs, leur maquillage, leurs expressions rendent tous ces accessoires bien plus parlants. Je regrette que tous les objets exposés relatant une forme théâtrale toujours pratiquée n'aient pas été accompagnés de courtes vidéos. Le déploiement des corps dans l'espace, le mouvement, changent véritablement la perception ces œuvres. La scénographie pallie en partie ce manque mais une vidéo systématique aurait bien complété tout ça.
La dernière partie de l'expo (pour ce niveau) est dédiée au théâtre japonais, notamment l'étonnant Bunkaru avec ses marionnettes de taille humaine, actionnées par plusieurs personnes, et bien entendu le Nô. C'est là que vous pourrez découvrir la splendeur des kimonos peints d'Itchiku Kubota. C'est véritablement mon coup de cœur de la visite : ces kimonos aux couleurs vives posées sur la soie, formant des paysages. Entre ceux du Mont Fuji, qui le dévoilent selon diverses lumières et ceux de la symphonie de lumière, aux mouvements dynamiques, on ne peut qu'être ébloui !
La toute fin de l'expo est située dans la bibliothèque où nous sont dits quelques mots sur Mata Hari et ses fameuses danses javanaises (strip-tease en réalité), présentées justement pour la première fois dans ce lieu. Prétexte pour rendre le titre plus vendeur ou façon de rattacher le théâtre à l'histoire du musée ? En tous cas, ce n'est pas la salle la plus intéressante...
Une exposition véritablement éblouissante, notamment grâce à de très beaux prêts de la Fondation Oriente à Lisbonne et de collections privées. Je me répète mais je trouve dommage que les mouvements et danses n'aient pas été montrées sur des vidéos tout au long du parcours ou sur le site web de l'expo.
Il me semble que c'est le genre d'événement accessible aux familles (il y a des cartels avec un petit panda pour les enfants et la variété des costumes et des masques les fascine) mais tout aussi intéressant pour des amateurs déjà un peu renseignés.