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[Rétro mais pas trop] Sinister & Sinister 2, un dialogue réussi entre classicisme et idée neuve

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

[Rétro mais pas trop] Sinister & Sinister 2, un dialogue réussi entre classicisme et idée neuve

On avait parlé du pari quitte ou double d’aller voir un film produit par Blumhouse Production, les compères étant responsables du réussi Insidious, du magnifique Whiplash mais également des pitoyables Paranormal Activity ou du navrant Jessabelle que nous avions chroniqué, il y a un mois, pour sa sortie directement en DVD. Avec le diptyque Sinister, que nous avons eu la chance de voir en salle le même jour, la boite de production offre deux volets complémentaires, se répondant parfaitement. Le premier de Scott Derrickson (dont on a vu l’année dernière Délivre-nous du mal) œuvre dans un classicisme parfait et le second, qui vient de sortir, perpétue la série avec respect bien que Ciarán Foy prenne le partie d’inverser les points de vues. Un pari réussi qui évite au spectateur la déception d’une suite sans âme et sans saveur.

Dans Sinister, Ellisson Oswalt (Ethan Hawke, vraiment émouvant dans Boyhood), un écrivain à succès en manque d’inspiration, décide de s’installer dans une maison théâtre d’un crime atroce, avec l’espoir qu’il y trouvera l’inspiration pour son nouveau roman macabre. Peu à peu des événements inquiétant se produisent à mesure que l’enquête de l’auteur, secondé par un officier de police (James Ransone), porte ses fruits.Dans Sinister 2, l’agent de police poursuit seul ses investigations. Il fait la rencontre d’une jeune mère célibataire, Courtney (Shannyn Sossamon) et de ses deux enfants Dylan (Robert Daniel Sloan) et Zach (Dartanian Sloan) qu’il pense en danger. Ils décident de leur venir en aide.

[Rétro mais pas trop] Sinister & Sinister 2, un dialogue réussi entre classicisme et idée neuve
Ellison Oswalt (Ethan Hawke)

S’il est vrai que le premier volet de la saga ne révolutionne pas le genre, on sent tout de même la volonté de Derrickson de livrer un film sincère. S’il adopte une mise en scène très classique et reprend quelques schémas usités, cela ne l’empêche pas d’avoir fait beaucoup de travail pour instaurer une ambiance, à juste titre, sinistre. De la même manière, la caractérisation des personnages n’est pas bâclée, le scénario s’attarde longuement, par touche, sur le passé de la famille et du héros. On peut également affirmer que, contrairement à la plupart des œuvres horrifiques récentes, la volonté affichée de ne pas combler le vide du scénario par d’incessant saut de peur est indéniablement un très bon point. Bien qu’on s’éloigne du sujet, Sinister pioche davantage du côté de La part des ténèbres de George A. Romero que des insipides et interminables moutures à base de « found footage ». Véritablement, la frontière est ici très fine entre le fantastique s’immisçant dans la vie du héros et les propres démons de ce dernier. Il y a deux écoles majeurs dans le genre horrifique, l’épouvante, celle qui privilégie l’instauration d’une ambiance inquiétante, qui fera appel à votre imagination, et celle qui vous mâchera le travail en surenchérissant dans le gore vous dégoûtant plus qu’elle vous fera peur. C’est sans conteste cette dernière école qui a le vent en poupe à Hollywood. Considérant qu’on l’a de plus vidé de ses atours politiques originels, on y voit plus trop d’intérêts. Et des films comme Sinister deviennent presque des ovnis.

[Rétro mais pas trop] Sinister & Sinister 2, un dialogue réussi entre classicisme et idée neuve
Zach (Dartanian Sloan) et Dylan (Robert Daniel Sloan)

Les scénaristes ont la mauvaise habitude de répéter les mêmes recettes en changeant uniquement le lieu et les noms des personnages lorsqu’il s’agit d’enclencher une suite. C’est la raison pour laquelle, malgré l’attente parfois fébrile, l’irritation, la sensation d’être pris pour une vache à lait, est souvent en embuscade à la sortie des salles. Et bien, ça ne sera pas le cas avec Sinister 2. Alors que le premier volet abordait sa problématique d’un point de vue purement mystique, le mal étant caractérisé par un dieu ancien dont la volonté semblait implacable, le second éclaire d’un jour tout à fait nouveau, et de manière fort agréable, les éléments scénaristiques du premier. Il s’agit alors d’adopter le point de vue des enfants. Ceux-ci, en première place, apporte à l’histoire une lumière inédite. Sinister 2 dépasse ainsi la traditionnelle caution de l’intellectuel universitaire, d’ailleurs utilisée dans le premier Sinister. Parce qu’ils sont davantage capable d’imagination, voyant ce que les adultes refusent de voir, ils donnent aux spectateurs, à travers leurs interactions avec l’entité maléfique et ses suppôts, à comprendre le fonctionnement rituel du monstre. De plus, Sinister 2 maintient l’ambiance glauque du premier volet tout en réussissant à lui donner une tout autre optique philosophique. Là ou Sinister montrait le mal comme inéluctable et intimement lié aux errances des adultes, Sinister 2 donne la parole aux enfants et leur laisse le choix d’être plus sages que leurs aînés.

[Rétro mais pas trop] Sinister & Sinister 2, un dialogue réussi entre classicisme et idée neuve
Courtney Collins (Shannyn Sossamon)

En conséquent, on peut dire que l’on vous conseille d’aller voir Sinister 2 et même, chose rare, nous vous conseillerions de revoir le premier avant de ce faire. Parce que pour une fois qu’une suite répond intelligemment à son original, c’est assez rare pour être appréciable. Au milieu des pâles copies, on peut dire que Ciarán Foy confirme son talent de conteur. Citadel, son premier film avait été une très bonne surprise, Sinister 2 prouve qu’il arrive également à donner de l’âme à un film de commande. Une qualité rare.

Boeringer Rémy

Pour voir les bandes-annonces, c’est ici :

Sinister :

Sinister 2 :


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