La société que nous avons construit fonctionne principalement sur le court terme. De façon erronée et malgré les désastres que cela amènent. En tant qu’espèce, nous pourrions raisonner sur le long terme et assurer à nos enfants un avenir plus radieux. Mais qu’en est-il de nous en tant qu’individualité ? Qu’en est-il de nous quand la maladie nous ramène à ce que nous sommes fondamentalement : une source éphémère de vie, périssable et bientôt pourrissante. Et maintenant ?, sachant cela, que faire ? Quel sens donner à sa vie ? Voilà la question que se pose Joaquim Pinto dans ce documentaire autobiographique où il fait le point sur l’avancement de sa thérapie contre l’Hépatite C et le VIH ainsi que sur les questions que celle-ci soulève. Sorti directement en DVD, le 23 juin, Et maintenant ?, édité par Épicentre Films, fait l’effet d’un ovni parmi les documentaires en 2015 par son aspect égocentrique qui ouvre pourtant à la réflexion.
Ingénieur du son, Joaquim Pinto a travaillé avec les plus grands tels Manoel de Oliveira ou André Téchiné. Il a également été le producteur de João César Monteiro. Et maintenant ?, journal filmé de la dernière thérapie qu’il a entamé contre l’Hépatite C en 2007 le suit dans son intimité au côté de son compagnon Nuno Leonel. Il y parle de la maladie, bien sur, mais aussi de la vie, de l’amour, du travail de cinéaste, des problèmes d’intolérance lié à l’homosexualité, du combat pour les droits civiques, du rapport de l’homme à la nature et de la crise économique.
Joaquim Pinto et Nuno LeonelLa première fois que l’on débute le visionnage de Et maintenant ?, le risque de décrochage n’est pas loin. Il faut dire que Joaquim Pinto attaque de front en filmant à brûle-pourpoint une séquence relativement longue où il se plaint des douleurs occasionnées par son traitement. On a bien peur de devoir partager pendant deux heures quarante cinq, l’agonie de l’homme. On s’inquiète que le film garde ce ton trop longtemps. Nous n’avons rien contre les films contemplatifs mais il leur faut prendre garde de ne pas remplacer la poésie par l’angoisse. Ces moments se répètent à intervalles réguliers durant le long-métrage mais finissent par prendre du sens dans une réflexion plus profonde que l’égotrip malsain consistant à se regarder mourir qui apparaît au premier abord. Finalement, Pinto met en perspective la peur incontrôlable de notre propre mort et les grandes questions non résolus qui nous effraie tout autant. Athée, il cherche néanmoins à comprendre Nuno, son petit ami agnostique qu’il remet en question tout en croyant voir dans son mysticisme quelques réponses, finalement bien incertaines. Tout autant que ses lectures marxistes ou psychanalytiques. C’est que si elles ont un sens d’un point de vue collectif, aucune de ces solutions ne peux réellement combler nos besoins métaphysiques. La conclusion de ces pérégrinations intellectuelles reste ouverte à la réflexion.
Joaquim PintoDans leur maison, à la campagne, Joaquim et Nuno mènent une vie de cocagne. Ils expérimentent un retour à la terre, accompagnés des conseils de leur voisine, paysanne du nord, qui ne s’est jamais acclimatée à sa terre d’adoption et regrette que la jeunesse se perde entre chômage et ennui. Ici, il contemple, même loin d’elle, la folie de la civilisation. Des criminels mettent le feu à la forêt avoisinante menaçant les maigres récoltes dans un pays où la main d’œuvre agricole survit sur une maigre pitance. Pinto fait le lien entre la crise économique qui ravage surtout les classes les plus faibles et la perte des valeurs de solidarité qui liait les populations. Militant homosexuel de la première heure, il rappelle comment la communauté LGBT a longtemps été et demeure la proie des discriminations les plus féroces au Portugal. Il récuse la main-mise de l’Église qui transforment les questions d’amour en question de mœurs. Âgé de cinquante-huit ans, Pinto avait dix-sept lors de la révolution des œillets. Il raconte l’effervescence intellectuelle dans laquelle il put alors débuter ses études. Décidant de les poursuivre en RDA où on la parachuta en économie alors qu’ils voulait étudier les lettres, il mit à profit ses études pour développer des amitiés avec les jeunes vietnamiens communistes qui venaient alors étudier en république démocratique et développa à leur contact sa fibre militante. A Porto, il avait eu l’occasion de voir Théorème de Pier Paolo Pasolini qu’il considère encore comme l’une des plus envoûtantes représentations du divin.
Nuno LeonelEt maintenant ? Que faire ? A la suite de Paul Valéry, nous serions amené de dire, malgré le sursis que l’on nous accorde : « Il faut tenter de vivre ! ».
Boeringer Rémy
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