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La belle saison, printemps d’amour et de lutte

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

La belle saison, printemps d’amour et de lutte

La belle saison, un titre simple mais évocateur pour un bien beau film. Catherine Corsini, qui signe son quatorzième long-métrage, réalise une ode à la liberté sous toutes ses formes. Dans la France des années Giscard, elle dépeint une campagne arriérée et une ville qui ne l’est pas moins. De cette société rétrograde va éclore, comme au printemps, un amour intense et lumineux bercé par ses illusions et néanmoins porté par de hautes ambitions.

En 1971, Delphine (Izia Higelin que l’on a vu dans Samba), fille d’agriculteurs, monte à Paris pour s’émanciper de sa famille et devenir indépendante. Par hasard, elle va y rencontrer Carole (Cécile de France dont on avait parlé dans Casse-tête chinois) qui milite au Mouvement de Libération des Femmes. Leur histoire d’amour naissante va faire basculer leurs vies.

La belle saison, printemps d’amour et de lutte
Delphine (Izia Higelin) et Antoine (Kévin Azaïs)

Première chose très importante qui permet d’emblée de séparer le bon grain de l’ivraie en matière de romance, Catherine Corsini fait preuve d’une grande sensibilité dans le traitement de la relation entre ses deux héroïnes. Ici, on laisse une grande place à la complexité de sentiments qui ne peuvent devenir émouvant que s’ils s’expriment pleinement dans toutes leurs contradictions. On oserait presque affirmer que les histoires d’amours se prêtent davantage au sérieux que les affaires de guerres et de testostérones. L’époque charnière en terme de mœurs et de libération sexuel se prête à merveille à cette histoire d’amour à la fois assumée et contrariée. Bien que le spectre de cette vieille France ressurgit sporadiquement, avec « La manif pour tous » notamment, on a sûrement oublié un peu vite ce que fut la situation des femmes dans nos campagnes jusqu’à récemment et qui perdure parfois encore. Travaillant à part égale aux côtés de leur maris, les femmes des champs continuaient à vivre sous leur coupe et ne pouvaient généralement ne disposait d’aucune finance propre. Ce sont des problématiques que les féministes parisiennes mirent du temps à associer à leur démarche, oubliant parfois la différence entre législation et application de celle-ci. Résolument engagé, La belle saison se saisit des thématiques les plus contestées du MLF pour en donner l’explication avant-même que des questions ne viennent. Intelligemment, la non-mixité ou l’absence de toutes convergences des luttes sont replacés dans le contexte historique d’un mouvement naissant. Vient se greffer à ce combat, celui pour les droits des homosexuels, qui n’a alors rien d’une évidence, même dans ce milieu.

La belle saison, printemps d’amour et de lutte

Mais trêve de politique car si le sujet irrigue le film de part en part, il s’agit surtout d’une magnifique histoire d’amour. Le travail de lumière de Jeanne Lapoirie ne doit pas être étranger à cela mais Catherine Corsini filme les corps amourachés d’Izia Higelin et de Cécile de France avec une délicatesse exacerbée. Cette belle saison, elle s’exprime pleinement à chaque lever de soleil sur les corps enlacés ou dans le vent relevant délicatement leurs cheveux baignés dans la clarté du soleil. Dans des instants simples, couchées dans l’herbe, les deux héroïnes nous rappellent que la beauté est immanente, naturelle et apparente dans les choses les plus banales. Le désir affiché de donner vie à l’environnement autant qu’au personnage permet de remettre à leur place cette multitude d’instant de grâce que l’on finit par ignorer, bercés dans notre morne quotidien. Et puis, comme on le dit souvent, au risque de radoter, mais une romance réussie prend forcément en compte les sentiments des autres protagonistes. Ainsi, le jeune journaliste révolutionnaire Manuel (Benjamin Bellecour aperçu dans Prêt à tout) tente de concilier ses idéaux de liberté avec son ressenti, finalement assez dur, face à la tromperie de Carole et, de son côté, Antoine (Kévin Azaïs, incroyable dans Les combattants), l’amoureux transi fait preuve d’une tendresse sans faille à l’égard de Delphine en respectant son choix malgré le poids des traditions. Il y a de l’Amour sincère, aussi, dans le destin de ces hommes-là. On s’éloigne bien des standards de superficialité de la plupart des romances cinématographiques cultivant davantage la niaiserie que la profondeur complexe de ce sentiment fondateur.

La belle saison, printemps d’amour et de lutte
Delphine (Izia Higelin) et Carole (Cécile de France)

La belle saison a effectivement ce parfum de printemps dont elle porte le nom. Catherine Corsini y revient sur la naissance d’une lutte qui n’a pas encore portée ses fruits et sur les espoirs qu’elle suscita et suscite encore. Le féminisme militant a ouvert la voie à la contraception universelle, au droit à l’avortement et à la fin de ségrégations qui ne disaient pas leurs noms. Cette belle saison, c’est un printemps révolutionnaire. Et en plus, d’être thématiquement très riche, La belle saison est une très émouvante histoire d’amour portée par un casting époustouflant. Nous ne pouvons que vous conseillez de vous plongez dans les salles obscures pour profiter de ce moment agréable.

Boeringer Rémy

Retrouvez ici la bande-annonce : [youtube=


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