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LoveStar, Andri Snær Magnason (2015) A priori, le titre d...

Par Quinquin @sionmettaitles1

LoveStar, Andri Snær Magnason (2015)

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A priori, le titre de ce livre pourrait quelque peu refroidir, le lecteur se demandant que serait susceptible de cacher un tel énoncé. Mais, lorsque l’on décide de s’y intéresser d’un peu plus près, nul regret ni désenchantement ne nous assaillent ; remarqué par Le Monde diplomatique, Andri Snær Magnason – écrivain islandais très inspiré –,  offre un premier roman d’anticipation aux arômes de science-fiction totalement déjanté, malicieux et qui abandonne à la fois euphorique – pour la forme – et dépité – par le fond –. Car l’écriture caustique et l’intrigue abracadabrante ouvrent la voie à bien plus qu’un simple cheminement humoristique sur l‘évolution de l’Homme et de la société, il ouvre surtout les vannes d’un écrit aux faux airs de pamphlet extrêmement intelligent, visionnaire et qui fait froid dans le dos…

Derrière le pseudonyme mégalomaniaque de LoveStar se dissimule un homme étrange,  assailli d’idées à la fois lumineuses et terrifiantes ; un homme qui souhaitait exister aux yeux du monde et qui parviendra à bouleverser celui-ci grâce à la création d’un nouvel environnement, celui de « l’homme sans fil ». Plus de câbles disgracieux et encombrants nulle part, dans l’univers de LoveStar chacun est désormais connecté grâce à une lentille ; ouverture totale et sans limite arguant un cruel revers de médaille, chaque individu se retrouvant dès lors contrôlé par des machines scrutant ses faits et gestes, s’ingérant dans ses pensées les plus intimes et autres zones langagières. LoveStar – génie pseudo omniscient – c’est aussi LoveMort,  ReGret et InLove : une nouvelle façon de mourir « dignement », un système qui « rembobine »  les enfants insupportables et récalcitrants, et une façon d’envisager les relations revêtant la pelisse de l’amour arithmétique, chacun étant un jour ou l’autre « calculé » afin de trouver l’âme sœur. En parallèle de ce nouvel univers connecté, Sigridur et Indridur, jeune couple énamouré, refuse de telles institutions dogmatiques et totalitaristes ; mis à part qu’un beau jour le couperet tombe : Sigridur  elle aussi a été calculée et la rencontre avec « son seul et unique » devra d’une manière ou d’une autre se faire. Harcèlement, manipulation, pression, tout sera mis en œuvre pour séparer les amoureux transis… L’inénarrable univers de LoveStar c’est aussi des aboyeurs et autres hébergeurs clandestins – manipulateurs aguerris capables de vous faire acheter n’importe quoi –, la faune et la flore qui se meurent, des loups transgéniques trop affectueux et des Mickey vivants – pas vraiment au point – assoiffés de sang et démoniaques qui remplaceront bientôt les animaux domestiques dans les foyers. LoveStar c’est la représentation d’une société ultra connectée et donc ultra surveillée, d’une société d’ultra consommation où l’on ne réfléchit plus, d’une froideur mécanique, où chaque jour qui passe de sombres personnages vous disent comment régler votre vie, vos envies, votre futur… Jusqu’où LoveStar, dont la matière grise volcanique et débridée déborde au-delà de l’entendement, pourra-t-il aller ?

Foncièrement ardu de résumer un tel roman, d’où s’envolent à chaque page de nouvelles réflexions, de nouveaux rebondissements, de nouvelles folies, de nouvelles dérives et divagations. Allégorie d’une société en pleine mutation au sein de laquelle une forme de capitalisme décérébrant et fascisant l’emporte sur la bonne marche de l’Humanité, cet écrit d’un humour noir jouissif, il y a 20 ans, aurait pu nous sembler simplement fantaisiste, sans que nous nous posions plus de questions. Aujourd‘hui un tel univers semble à nos portes et au-delà du rire (jaune) que cette œuvre provoque, elle inquiète et délivre en filigrane un message hautement anxiogène. Entre Roméo et Juliette, Soleil vert, 2001, L’Odyssée de l’espace et 1984 de George Orwell, Magnason, armé d’une plume électrique, tranchante, bouillonnante et sans concession, partage avec le lecteur ses tourments imaginatifs en pointant d’un stylo éclairé toutes les malformations et dysfonctionnements d’états à la dérive, qu’ils soient d’ordre économique, politique, écologique ou relationnel. LoveStar se révèle tel un conte grinçant et percutant où l’uniformisation de tout un peuple tend à effacer les individualités et où l’attraction mercantile l’emporte sur la réflexion et la spiritualité. Un roman ambitieux, captivant et satirique qui tourne autour d’un personnage central singulier et primordial : une simple graine…

Sous des airs comiques et absurdes, l’auteur islandais livre une réflexion philosophique des plus judicieuse sur l’avenir incertain d’un monde étrange et déshumanisé, qui un jour – ne le souhaitons pas – sera peut-être le nôtre.

À lire au plus vite…



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