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Il y a 300 ans : La mort de Louis XIV le Grand

Publié le 01 septembre 2015 par Vindex @BloggActualite

Bonjour à tous,

Aujourd'hui c'est la rentrée, et nous ne perdrons pas de temps pour nous remettre dans le bain car nous commémorons aujourd'hui le décès du Roi de France le plus célèbre : Louis XIV dit "Le Grand" ou encore surnommé le Roi Soleil.
De quoi faire quelques rappels, mais surtout de se poser quelques questions : comment est-il mort ?D'où vient la célébrité mémorielle d'un seul Louis parmi tant d'autres ?

Il y a 300 ans : La mort de Louis XIV le Grand

-Le convoi funéraire de Louis XIV-

Le Roi est mort, vive le Roi !

" A ce moment-là, Louis XIV se souvient que son peuple a souffert par sa faute. Il regrette d'avoir fait trop souvent la guerre, et dépensé trop d'argent en construisant des châteaux et en donnant des fêtes. [...] Ainsi Louis Quatorze confessa les grandes fautes qu'il avait commises et mourut avec un beau courage."

C'est ainsi que se finit le chapitre dédié dans le manuel d'Histoire d'Ernest Lavisse (Cours Elémentaire) de 1913. Par ces lignes l'on remarque bien l'ambivalence passionnée de la vision de Louis XIV par l'Histoire de France : une conscience d'un Roi absolu teintée d'une certaines admiration pour un Grand Roi ayant marqué la France du plus long règne de son histoire.

Presque rien n'est pourtant dit sur la mort d'un Roi qui a tant fait, mis à part qu'elle fut préparée. Il faut dire que si elle intervint le 1er septembre 1715 à 8h15 du matin, elle mit près d'un mois à se confirmer, précisément à partir du 10 août de la même année. En effet, alors âgé de presque 77 ans, le Roi ressent une douleur à la jambe en revenant de la chasse. Le diagnostique (une sciatique) ne révèle pas la gravité réelle du mal du Prince, atteint en fait d'une gangrène sénile, comme en témoignent les tâches apparaissant rapidement.

Malgré tout, le Roi se veut fidèle à sa fonction et à son devoir. Mais en 15 jours, son état s'aggrave si bien qu'il passe ses derniers jours (du 25 août au 1er septembre) au lit. Une mort attendue donc si bien qu'on règle déjà la question de la succession : on amène le successeur (et futur Louis XV) au chevet de son arrière-grand-père dès le 26 août afin que le vieux soleil le conseille sur la marche à suivre notamment concernant les guerres, qu'il faut éviter.

La préparation de la succession est un élément qui existe déjà depuis la dynastie Carolingienne. Mais c'est à partir de Philippe Auguste que la succession automatique du fils aîné est de fait entérinée. Elle rend la fonction de Roi quasi-éternelle : quelque soit la personne, la France a un Roi, le successeur devient presque naturellement Roi une fois son père (ou parent) décédé. C'est à partir de 1498 que l'on réduit cela à une formule : "Le Roi est Mort, vive le Roi", crié aux funérailles de Charles VIII.

Malgré cette succession toute naturelle, la mort se faisant plus longue que prévu (le Roi est tenace et semble même se remettre pendant un temps) et le successeur étant encore jeune, une régence est assurée par Philippe, duc d'Orléans et neveu de Louis le Grand. Louis XIV aussitôt parti, le successeur est placé aux Tuileries à Paris et Versailles n'est plus la capitale du Royaume. La tendance est à la nouveauté alors que la fin de règne du Roi Soleil s'était déroulée dans l'ennui de la cour.

Les funérailles royales

Si la formule précédemment évoquée résume à elle-seule la théorie selon laquelle la fonction Royale ne meurt jamais, elle ne suffit pas à le démontrer et s'accompagne d'un apparat impressionnant visant à assurer la transmission d'un pouvoir royal intact malgré la mort de son détenteur. Ce sont les funérailles royales qui ont pour objectif de mettre en scène une dernière fois le roi défunt, de lui rendre hommage et lui faire ses adieux pour tout un peuple.

Au départ, les funérailles des Roi de France sont celles d'une grande famille de noble mais ne sont pas dignes de la fonction royale. Mais cette cérémonie tire ses lettres de noblesse de l'augmentation de la puissance du Roi (avec apparition progressive des regalia) et surtout de la légitimation et de la codification de celle-ci par le sacrement, qui est pleinement établi au milieu du Moyen Age (vers le XIIème-XIIIème siècle). Si un Roi est sacré dans le faste, pourquoi ne pas non plus lui rendre hommage dans le faste ? La démarche est la même : renforcer un pouvoir royal déjà devenu héréditaire (grâce à la pratique répétée de l'association du fils aîné au sacre). En tout cas le corps du Roi fait l'objet d'une attention de plus en plus soignée à la fin du "Beau XIIIème siècle" puisqu'on l'embaume et qu'on l'éviscère afin de retarder la décomposition pour prolonger l'exposition et gagner un temps précieux permettant de l'amener sur le lieu d'ensevelissement, le plus souvent l'Abbaye de Saint-Denis. Cette logique de grandes funérailles amena même à utiliser une effigie du Roi à partir de 1422 (mort de Charles VI dit "Le fol") comme le faisaient les anglais, afin de l'exposer à la place du cadavre décomposé. D'abord en bois, celle-ci fut rapidement en cire et précieusement mise en valeur, la rendant plus réaliste. Selon Ralph Giesey, cette effigie illustrerait la formule "Le Roi est Mort, vive le Roi" et montrerait la continuité de la fonction royale.

Si le prédécesseur de Louis XIV, Louis XIII, reçut des funérailles plus simples et solennelles qu'Henri IV, le Roi Soleil eut de nouveaux des funérailles plus fournies, ce qui peut faire écho à l'absolutisme déployé par ce-dernier. Il ne pouvait en être autrement pour un Roi ayant autant domestiqué sa noblesse par une étiquette rigourissime. Les funérailles de sa défunte femme Marie-Thérèse (en 1683) témoignent de cette tendance avant même son décès. C'est donc de funérailles dignes de lui dont a "bénéficié" Louis XIV, avec tous les Grands du Royaume, la famille, le Dais, le long cortège, les ambassadeurs, le Clergé,... L'accueil de l'abbaye de Saint-Denis fut certes moins prestigieux (le Grand Prieur au lieu de l'Abbé), mais l'hommage fut tout de même vibrant et le corps fut pris en charge avec soin par les moines :

" Savants et saints religieux, nous venons déposer ce qui nous reste d'un des plus grands rois qui aient gouverné cette puissante monarchie. Nous venons, par l'abaissement et par l'anéantissement des grandeurs les plus éclatantes, rendre hommage à Celui qui est, a été et sera éternellement. La postérité la plus reculée conservera la mémoire de Louis le Grand, le victorieux, le pacifique, l'asile et le protecteur des rois. Appliqué depuis longtemps aux exercices d'une piété pure et sincère, occupé tout entier des devoirs de la religion, ne songeant qu'aux moyens de soulager ses peuples abattus sous le poids d'une guerre aussi longue et pénible qu'elle fut nécessaire, ce grand prince a consommé sa course avec une fermeté et une religion dont il est peu d'exemples. Nous en avons été les tristes témoins. Loin de s'écrier, dans ses dernier moments : " O mort, que ton souvenir est amer à l'homme qui jouit paisiblement de ses richesses ", il ne pleura jamais sur lui-même ; s'il versa quelques larmes, il ne les donna qu'à la douleur de ceux qui l'environnaient ; doux et tranquille, mais sans faiblesse ".

Après quoi 40 jours de dépôt mortuaire eurent lieu, non autour d'une effigie mais plus stoïquement autour du cercueil. On enchaîna ensuite avec la messe des morts, l'inhumation et le sacrement du successeur. La continuité royale et dynastique était assurée.

Histoire et Mémoire de Louis XIV

Nous le savons, le Roi Louis XIV est d'un point de vue mémoriel un des fondements du Roman National Français et de la mémoire collective. Le tricentenaire de sa mort est donc l'occasion à la fois d'une commémoration (par exemple les médias comme France 2 y consacrent des reportages et articles) et d'une réévaluation historiographique, comme en atteste notamment un colloque ayant eu lieu début juin dernier : "Penser l'après Louis XIV. Histoire, mémoire, représentations (1715-2015)".

Et si Louis XIV est plus resté à la postérité pour sa grandeur que pour son "côté sombre" et ses guerres, c'est aussi parce qu'il y a contribué en mettant une grande énergie à son image et sa représentation : cérémonies, théâtre, poésie, peinture, sculpture,...les arts furent presque autant domestiqués que la noblesse, ce qui ne fut pas étranger à la grande fertilité culturelle française de l'époque. Un ouvrage fut important pour le démontrer : c'est celui de Peter Burke, permettent d'étudier la vision de Louis XIV en passant non seulement par le début de la construction de l'image (avec le voyage dans le sud de la France entre 1659 et 1660), mais aussi par les goûts [artistiques] du Roi. Mais le contrôle ne put être total et l'image se construisit aussi par d'autres intermédiaires ( Louis XIV : Les stratégies de la gloire. Il permet d'expliquer en bonne partie la vision glorieuse que l'on a du Roi Soleil, mais aussi d'en relativiser la portée : il s'agit plus d'une image, d'une représentation, que d'une réalité objective. Ainsi, les années 1660-70, à travers la représentation du Roi en Guerre (Guerre de Dévolution, Guerre de Hollande), ont permis son affirmation, quand la décennie suivant 1678 fut celle de l'apogée et de l'élaboration du système versaillais. Dans la même lignée, les actes de colloque Louis XIV : l'image et le mytheLa Gazette, les étrangers et ambassadeurs, les parlementaires... et leurs écrits). Cela mena même à une contre-image accentuant son penchant belliciste et ses aventures amoureuses, contre-image qui s'est amplifiée à partir de sa mort puis au XIXème siècle.


La vision actuelle de Louis XIV doit aussi, comme le rappelle Joël Cornette, à l'historiographie qui jusqu'aux années 1930 a été marquée par des études presque exclusivement politiques et identitaires (royalistes ou républicaines). Étonnant pour le souverain le plus emblématique de l'absolutisme de rester aussi ancré dans les mentalités collectives alors que la Révolution Française est passée par là. Il faut dire que le règne de Louis XV, puis le XIXème siècle, furent des périodes clémentes à l'égard de Louis XIV. La Restauration et la Monarchie de Juillet ont ainsi travaillé dans le sens d'une réhabilitation du plus grand des souverains. Même la IIIème République et son "historien officiel" Ernest Lavisse ne fut pas si sévère avec "Le plus grand roi du monde", justifiant sa grandeur par le besoin pour les hommes de se constituer des "êtres supérieurs d'humanité". L'influence de l'Ecole des Annales confisqua ensuite pour une cinquantaine d'année cette période à l'histoire politique pour la consacrer au temps long, aux grandes structures et à leurs évolutions, aux "20 millions de français" plutôt qu'à leur souverain, aux chiffres accablant ce dernier. Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Le politique fit à partir des années 1980 son grand retour, rattrapant même des "Annalistes purs" comme Emmanuel Le Roy Ladurie ou Pierre Goubert. Quoi de plus normal pour un souverain incarnant la puissance de l'Etat ? Cependant ce retour s'accompagne d'un renouvellement en concordance avec les mentalités et questionnement des années 1980 : la mise en question de la place de l'Etat permet d'en réévaluer l'histoire : études des budgets d'Etat, des réseaux, des patronages et clientèles, de l'opinion et de la culture. On réévalue également le concept théorique d'absolutisme au regard des pratiques institutionnelles réelles.

On le voit donc, s'il apparaît comme un personnage indéboulonnable de notre histoire, Louis XIV est toutefois un objet de recherche foisonnant qui sort de son image mémorielle figée pour bénéficier des renouvellements historiques... et celui-ci a peut-être encore beaucoup à nous apprendre.

Vin DEX


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