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Chaque vie compte #AylanKurdi

Par Ellettres @Ellettres
(c) Koz et photographe dont je ne connais pas le nom

(c) Koz et photographe dont je ne connais pas le nom

Aujourd’hui je ne peux plus me taire. Longtemps ce blog dédié aux loisirs de l’esprit, principalement les livres, m’a bâillonnée sur les autres sujets qui agitent ma cervelle, notamment politiques. Car il doit y avoir cette vieille idée qui traîne quelque part que la politique, c’est sale, alors que la lecture, c’est pur et élevé. Mais comment faire semblant de ne songer qu’à mes prochaines lectures, aux livres que je convoite, aux challenges que je souhaite remporter, aux nombres de visites sur mon blog, aux commentaires qui titillent mon ego ? Toutes choses respectables de la part d’un petit blog littéraire, dont je tire satisfaction, mais qui semblent bien insignifiantes face à la mort d’un petit enfant de trois ans.

Aylan Kurdi n’est pas le premier, ni le seul enfant à mourir d’une mort tragique depuis le début de la crise syrienne, et le début de la crise des réfugiés conséquente qui endeuille presque journellement la Méditerranée. Son grand frère, à peine plus âgé, est mort lui aussi. Sa maman aussi. Des milliers d’autres. On a beau jeu de rapporter sa mort aux milliers, aux millions d’autres, des incalculables conflits qui ont secoué l’histoire. Se rappeler des terribles égarements du passé grâce à la littérature.

Mais agiter des chiffres à plusieurs zéros ne nous aide pas à prendre mesure de l’horreur ; cela nous projette au contraire dans un sentiment de sidération qui n’engendre qu’apathie, indifférence, impuissance, aquoibonisme. Tandis que mettre un nom, un visage, à l’un d’entre eux rend à tous les autres leur humanité singulière, leur dignité de personnes humaines.

Quand je pleure Aylan Kurdi, je pleure aussi sur toutes les autres personnes mortes tragiquement en tentant de fuir l’horreur de leur pays en guerre, en dictature (cf. Érythrée) ou en proie à un groupe terroriste maléfique. Je pleure ces chrétiens et ces yézidis de la plaine de Ninive (région de Mossoul en Irak) qui ont été chassés ou tués par le prétendu « Etat Islamique » l’été dernier (déjà). Je laisse couler toutes ces larmes qui auraient dû couler depuis un certain moment déjà. Comment ai-je pu me laisser murer à ce point dans le cocon de l’indifférence et du matérialisme ? Ces larmes sont salutaires, je les souhaite à beaucoup d’entre nous, car elles préparent notre sursaut moral, et celui de l’Europe.

Et face à ces tragédies quotidiennes, qui commencent à tutoyer le niveau, en termes de déplacés, de la Seconde Guerre mondiale, l’espérance me tenaille le ventre. Grâce à des associations comme « Fraternité en Irak » qui aident inlassablement les chrétiens et yézidis irakiens réfugiés dans le Kurdistan irakien. Grâce à des mouvements spontanés comme le « AirBnB pour réfugiés » qui a éclos en Allemagne, et maintenant en France. Grâce à cette ONG privée, MOAS, fondé par un couple de millionnaires italo-américains, qui sillonne la mer Méditerranée à bord d’un navire spécial pour recueillir les réfugiés en pleine mer.

Bonne humeur et jeux avec les enfants déplacés de la plaine de Ninive dans un petit village du nord de l’#Irak ! pic.twitter.com/LomBk8x0l9

— Fraternité en Irak (@FraterniteIrak) 19 Août 2015

Que faire, face à ces drames insoutenables ? A mon niveau, je discerne trois pistes. La première, prier. Je n’en dis pas plus là-dessus, car la prière est propre à chacun, même à ceux qui ne croient pas en Dieu.

La deuxième va peut-être vous surprendre, mais elle a déjà été évoquée dans le mouvement d’opinion mondiale qui s’ébauche autour de la protection de l’environnement, dans le sillage des préparatifs de la COP21. Mais je trouve que c’est aussi un signal fort à l’adresse de tous ces migrants qui ne mangent pas parfois pendant des jours au cours de leur traversée. Il s’agit du jeûne, c’est-à-dire de la privation volontaire et momentanée de nourriture. Personnellement, j’essaie bien humblement de faire, un jour par semaine, deux repas composés uniquement de (très bon) pain, et de me priver de café (dur, dur !) deux jours par semaine. Outre l’aspect salutaire pour notre corps, le jeûne nous apprend à nous détacher un petit peu des biens matériels et de nos habitudes de consommation effrénée. C’est un geste de solidarité, infime, certes, avec ceux qui ont parfois tout perdu dans leur pays et qui arrivent les mains vides sur les rivages de l’Europe. Au-delà, on peut aussi limiter nos budgets shopping/loisirs et en consacrer une partie aux associations qui œuvrent pour sauver les migrants. Ce qui m’amène à ma troisième piste.

Ce n’est pas pour rien que les migrants du Moyen-Orient et d’Afrique se tournent vers l’Europe et non, au hasard, vers les Etats du Golfe pourtant parfois bien plus proches géographiquement. Quoi que l’on puisse dire, l’Europe a une tradition d’accueil universaliste. Elle est la terre de naissance des droits de l’homme. Engoncés que nous sommes depuis des décennies dans une prospérité que les crises économiques n’ont pas encore totalement mise à mal, nous avons peut-être oublié les affres de notre passé (si proche : 1945, c’était il y a à peine 70 ans !) et ce que nous devons à nos frères en humanité, dont beaucoup proviennent de pays jadis occupés par les Européens. L’heure a sonné de revenir vers les valeurs humaines fondamentales : compassion, entraide, charité. Donc, troisième piste que je n’oublie pas : pourquoi ne pas commencer à faire un don à une association qui oeuvre vraiment sur le terrain. Pas forcément une méga-ONG. Mais une association engagée en qui vous avez confiance.

Laissons-nous toucher, mais que notre émotion ne demeure pas stérile !

Et notre compassion peut bien sûr se tourner vers des causes plus discrètes au sein même de notre pays, comme la fondation Espérance Banlieue parrainée par Harry Roselmack, qui a déjà créé un super collège à Montfermeil, le cours Alexandre Dumas.


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