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Gilles Barbier à Marseille: des pions qui raflent l'attention

Publié le 07 septembre 2015 par Alexia Guggémos @alexia_guggemos

Gilles Barbier à Marseille: des pions qui raflent l'attention

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Gilles Barbier à Marseille: des pions qui raflent l'attentionGilles Barbier à Marseille: des pions qui raflent l'attention

CULTURE - C'est une scène bien particulière qui se joue sur le toit de la Friche la Belle de Mai à Marseille. L'artiste Gilles Barbier y a initié une partie de checkers (variante du jeu de dames), une cadence au long-cours qui prend fin le 3 janvier. L'une des pièces maîtresses de l'exposition introspective intitulée "écho-système".

Que se trame t-il à Marseille au dernier étage de l'ancienne manufacture des tabacs ? Deux bandes de personnages haut en couleur disposés sur un plateau se font face. Alignés en 3 rangées de 4 pions, dans un certain ordre assemblés, ils se saluent. Mais qui sont-ils ? Des pions réalisés en résine d'après le corps moulé de l'artiste lui-même, comme autant de clones dérisoires. "Les premiers avaient une poignée dans le dos. Une manipulation un peu trop ostentatoire!", précise l'artiste.

Gilles Barbier à Marseille: des pions qui raflent l'attention

Taille réduite, yeux fermés. Tous sont engagés dans une partie qui se joue à l'aveugle car les règles sont préétablies. En effet, Gilles Barbier a lancé un programme informatique dont chaque coup est déterminé à l'avance. L'artiste s'inspire ici librement du travail sur les automates cellulaires du Britannique John Conway. Dans le "jeu de la vie", le mathématicien -lui-même inspiré par les recherches du génial John Von Neumann, père de l'intelligence artificielle- avait créé dans les années 1970 une grille dans laquelle chaque case représente une cellule. L'ensemble formant un écosystème se reconfigurant en permanence selon des règles pouvant conduire à l'apparition, la disparition ou le changement d'état des cellules.

Gilles Barbier se pose en sculpteur conceptuel. A chaque coup, il enlève de la matière, induisant une nouvelle scène. Dans ce démonstrateur marqué de fiction, le visiteur d'un jour ne peut entrevoir l'intensité dramatique qui se noue dans la promotion du pion. Impossible d'observer le changement d'état, de percevoir le point culminant du jeu où la parade ne sera plus possible. Situé un peu en retrait, dans un camouflé végétal, un pion refuse de jouer. Son destin n'est pas d'être éliminé ou transformé en dame. Bras ouverts, amplitude maximale. Portrait de l'artiste rebelle en prise avec le monde!

"J'ai commencé à travailler en jouant au damier au sol, se souvient Gilles Barbier. Le sol plutôt que le mur... En 1992, ce sont ainsi 740 énoncés de travail prédéterminés qui ont été consignés", explique l'artiste qui souligne privilégier le "et" au "ou" dans une logique de production automatisée. Avec humour, depuis toujours -c'est-à-dire depuis qu'il a quitté son Vanuatu natal à l'âge de 20 ans- Gilles Barbier bannit le choix: l'artiste suit un programme. Il s'est d'ailleurs fait connaître à travers l'entreprise titanesque de reproduction des pages du dictionnaire illustré. "J'en suis à la lettre M", a affirmé l'artiste en ouverture de l'exposition qui lui est consacrée à la Belle de Mai où les visiteurs peuvent d'ailleurs retrouver l'une de ces planches et son errata.

"La partie de checkers" participe de cet engagement artistique. Elle est le point d'orgue d'une production protéiforme présentée en 150 pièces, remarquablement mises en jeu par le commissaire de l'exposition Gaël Charbau. Autres lignes et autres traces. Dans la partie Panorama, baignée de lumière, l'installation est associée à la "Boîte noire", un assemblage de 96 dessins placés dans 4 tourniquets géants. Le mouvement rotatif s'opère en 4 cycles. On y retrouve l'univers de Barbier constitué de bulles et de trous, tous les éléments d'un "Terrier" introspectif. "Avec les souvenirs, la mémoire se construit et se déconstruit", commente l'artiste passé maître en permutations. Le seul moyen de dévoiler une boîte noire, c'est de jouer. Ce n'est pas tant l'issue du jeu qui importe mais sa dimension initiatique. Dans son "Faire n'importe quoi avec n'importe quoi", il y a le mot "faire".

> En savoir plus sur Gilles Barbier représenté par la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois à Paris

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