Magazine Culture

Carnet de voyage i

Par Apolline Mariotte @ApollineAM

LE LONG DE L’ADRIATIQUE

VIII

Kotor

Nous arrivons sous des trombes d’eau à Kotor. La circulation est dense, nous roulons au pas pour accéder au parking situé à l’entrée de la vieille ville. Un gigantesque bateau de croisière est amarré au quai. On dirait un immeuble. Nous chaussons à nouveau nos tongs et enfilons en grimaçant nos kways humides. Nous prendrons notre barda plus tard. Si nous devions peiner pour trouver un hébergement, nous serons plus efficaces si nous sommes légers. Nous claquons les portières, et en quelques secondes, nous sommes trempés comme des soupes. Vivement une bonne douche au sec.

À Budva, lors de notre départ, l’homme qui nous avait reçus nous avait indiqué une auberge de jeunesse à Kotor. Nous fonçons vers notre objectif. Enfin, autant que le dédale de ruelles et le glissement des tongs sur les pavés ruisselants nous le permettent, et après quelques retours en arrière et demandes aux commerçants, nous trouvons l’entrée de l’auberge. Un jeune cool avachi sur un canapé nous reçoit. Dans la salle commune, deux espagnols en chaussettes regardent par la fenêtre la pluie tomber, les genoux repliés sur la banquette. Nous traversons une cuisine aux odeurs de colocation. On est loin du confort de nos apartments chez l’habitant mais l’on s’en contentera.

Le réceptionniste nous indique une rue gratuite pour garer la voiture. Prenant notre clé en main et notre courage à deux mains, nous retournons la déplacer. Nous trouvons une place et prenons tout ce qu’il nous faut pour deux jours, protégés du rideau de pluie qui s’abat par le coffre ouvert. Un dernier trajet et nous pourrons nous réfugier au sec.

Repos forcé, nous passons la fin de la journée à contempler de la fenêtre de notre chambre la muraille qui zèbre la montagne dont les nuages gris ont bien du mal à se décrocher. Quelques touristes, sans doute contraints par leur départ imminent, s’y sont aventurés équipés de ponchos. La balade a tout d’un pensum.

Nous nous réjouissons d’être enfin à l’abri et tâchons d’étendre nos vêtements pour les faire sécher. Ce soir, 24 avril, nous avons un anniversaire à fêter, un rayon de soleil dans cette journée pour le moins humide. Nous passons la soirée dans l’atmosphère feutrée et enfumée – ici point de loi Evin – d’un bar à vin qui nous donne à nouveau l’occasion d’apprécier les pépites viticoles du pays.

Le lendemain, l’orage est un lointain souvenir, le soleil sèche les pavés de l’enclave médiévale et brille sur la rivière Škurda. À notre tour d’entreprendre l’ascension du mont Saint-Jean, en longeant la muraille. Plus nous prenons de l’altitude et plus la vue sur les bouches de Kotor nous coupe le souffle. Reconstruite par les Vénitiens après le tremblement de terre et les invasions successives, la ville s’est façonnée de manière anarchique, sans souci d’alignement des bâtiments. L’eau d’un bleu sombre est lisse comme un miroir. À mi-chemin entre la première marche et la marche la plus haute, le campanile de Notre-Dame de Santé aux accents italiens nous accueille. Il se dresse, au-dessus de la ville, comme veillant sur elle. Un homme s’est posté sur le parvis, il est monté jusqu’ici avec une glacière de bouteilles d’eau à vendre.

Au sommet flotte l’étendard du Monténégro. Nous redescendons, tranquillement. Arrivés en bas, nous avons bien mérité une glace, au soleil sur une placette biscornue.

De retour à notre auberge, nous faisons la connaissance de nouveaux colocataires dont le récit allait nous laisser bouche bée. Deux couples, l’un français, l’autre allemand, ont garé leurs vélos tout terrain dans la cour. Ils semblent être à la pointe de la technologie. L’un s’affaire dans la cuisine, le deuxième sort de sa douche, le visage rougi par la vapeur et buriné par le grand air, le troisième lave des vêtements techniques dans le lavabo tandis que le quatrième engage la conversation. Partis pour un an avec pour tous bagages deux sacoches à l’arrière de leur vélo et un petit sac à dos, il traversent les pays, sur les routes et les chemins du monde. Ils rallieront bientôt l’Albanie, la Bulgarie, la Turquie, puis les pays en -stan pour enfin découvrir l’Asie. Partis avec quelques euros, ils passent la majeure partie de leurs nuits dehors mais ce soir, ils se sont offert un vrai lit. Ils nous racontent n’avoir fait face à aucune embuche jusqu’à aujourd’hui. Les deux couples ne se connaissent pas, c’est le hasard qui les fait se rencontrer, et demain, leurs routes se sépareront.

Ce soir là, personne ne fait long feu. Le lendemain, alors que les français partent visiter la ville, les allemands sont déjà prêts à repartir. Nous empaquetons nos effets et leur disons au revoir. En sortant de l’enceinte de la vieille ville, nous apercevons les sportifs, déjà juchés sur leurs selles. Nous nous demandons, effrayés, s’ils envisagent de prendre la route serpentine. Ils disparaissent et nous retrouvons Polo.

Un rapide coup d’œil à la carte et nous nous dirigeons vers l’embranchement de la route serpentine. Trente épingles à cheveux sur les flancs vertigineux du Lovcén, plus de mille mètres au-dessus du fjord, des panoramas extraordinaires sur le golfe à chaque virage, des nids de poule et des cailloux à chaque tour de roue. Il faut avoir le cœur bien accroché.

Alors que nous prenons le troisième virage et que Polo a bien du mal à se propulser en avant, nous apercevons, devant nous, les deux cyclistes allemands. Oui, ils le font.

À suivre.


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