En cette rentrée cinéma 2015, ce n'est pas que dans les salles mais aussi sur les présentoirs des DVDS que les bons films affluent. La preuve avec la sortie très récente de trois films que j'avais (beaucoup) aimé en salles et qui viennent de sortir dans de belles éditions DVD :
1. Spartacus & Cassandra
Sorti en salles en février dernier, ce documentaire vient de sortir en DVD chez Blaqout depuis le 2 septembre, et comme je l'avais déjà clamé haut et fort de sa sortie, il faut absolument voir ce film.
Spartacus et Cassandra est en effet un documentaire mêlant images prises sur le vif et voix-off très écrites qui pporte un contrepoint poétique et lyrique à une histoire doté d'enjeux dramatiques forts, et qui surtout donne une autre vision à une communauté souvent stigmatisée et caricaturée dans le débat publique, celle des roms.
A la frontière du documentaire et de la fiction, le cinéaste Ioanis Nuguet suit à la fois le parcours cahotique de deux adolescents de la communauté rom arrivés en France quand ils étaient petits, dans leur quotidien le plus prosaïque (démarches chez le juge, vie auprès de leurs parents, à l'école...) sans oublier d'y inclure de belles envolées de réalisation plus lyriques et notamment des voix off qui confèrent au film de Nuguet un vrai élan et une vraie profondeur psychologique par rapport aux documentaires traditionnels.
Car Spartacus et Cassandra sont avant tout de magnifiques héros, tout aussi ( plus?) beaux que des héros de fiction.On comprend aisément pourquoi Ioanis Nuguet, (qui s'est immergé pendant trois années dans la communauté rom) a eu immédiatement envie de les filmer, alors même qu'il travaillait à l'origine sur un projet de long métrage de fiction situé dans la communauté rom et ql a rencontré ceux qui allaient devenir les deux protagonistes de son film.
Sans jamais enjoliver les faits, la caméra à l'épaule de Nuguet nous montre une réalité brute d'un contexte familial qui dysfonctionne. Une réalité certes éprouvante mais que le cinéaste parvient à rendre jamais pesante, d'une part grâce à de belles idées de mise en scène qui amène de la poésie au récit, et d'autre part en posant un regard plein d'humanité sur ses personnages, les jeunes ados roms bien sur, mais aussi cette Camille qui n'aura de cesse de donner à ces enfants en souffrance un repère, un cadre, et une autorité parentale dont les enfants sont dépourvus.
Bref, un très beau documentaire, fort, intelligent, touchant et en fin de compte assez optimiste à ne pas rater
Bande-annonce : Spartacus & Cassandra
Bonus :
- Entretien avec Ioanis Nuguet (13 mn)
- Atelier slam (19 mn)
- Sélection de photos de Dominique Secher
Autour de Spartacus & Cassandra :
- Cours de trapèze (4 mn)
- La poule trapéziste (2 mn)
- Est-ce qu’on se souviendra de moi ? (2 mn)
- Attrape-rêve (4 mn)
2. Jamais de la vie
Sortie également le 2 setembre dernier chez Ad Vitam de "Jamais de la vie" que j'avais adoré lors du dernier Festival du film Policier de Beaune.
Moins un thriller ou un film policier qu'une chronique sociale et le portrait d'un homme fatigué qui renait à la vie, Jamais de la vie est ce récit d'apprentissage qui nous raconte- en prenant son temps et avec un souci de véracité évident- comment un homme retrouve sa dignité qu'il avait perdu en cours de route, "Jamais de la vie" montre aussi à quel point, à partir de petits gestes de courage individuels a priori anodins, on peut tenter de repartir à la reconquête de la solidarité et du bien être collectif.
Pour camper ce homme ordinaire qui va tenter de l'être un peu moins, le choix d'Olivier Gourmet pour l'incarner est absolument judicieux tant l'acteur donne une formidable épaisseur et une belle sincérité à un personnage qu'il a visiblement énormément apprécié (on n'est pas très loin du cinéma qui l'a fait connaitre, celui des frères Dardenne), et comme ce personnage est de tous les plans du film, sa prestation impeccable donne beaucoup de crédit au film de Jolivet.
Bref, "Jamais de la vie" est une très belle chronique sociale pleine d'humanité, qui confirme tout le talent de cinéaste de Pierre Jolivet , pour un film qu'on aurait tort de bouder
JAMAIS DE LA VIE de Pierre Jolivet - Bande annonce HD - AD VITAM
En Bonus le Making Of et surtout une passionnante masterclass du realisateur avec le journaliste Pascal Mérigeau qui revient avec énormément d'intelligence et de précision sur toute la filmographie d'un de nos plus interessants cinéastes français en exercice .
3. Journal d'une femme de chambre
Ce film là, il est sorti en DVD un peu avant ( le 19 aout chez AB Vidéo, une toute nouvelle boite sur le marché de la distribution vidéo) et si ma critique de sa sortie salles était un tout petit peu plus mitigée que les autres, ce Journal d'une femme de chambre est une oeuvre de très bonne tenue, soignée, très bien photographié et aux propos intelligent et qui pousse assurément à la réflexion..
En adaptant le roman d’Octave Mirbeau, Benoît Jacquot, familier des beaux textes et des grands films, livre, après Renoir et Bunuel ( deux films qui manquent à mon palmarès) sa propre interprétation de la lutte des classes et de l’implacable loi de la domination. Jacquot parvient quand même à retranscrire avec une pertinence saisissante ce monde alors en pleine mutation , et d'avoir su s'emparer de cette esprit de révolte, encore feutré, mais déjà suintant, que l'on sent partout dans l'air ambiant.
Un monde dans lequel les domestiques acquièrent des droits, et ou leur classe commence à s’effriter, pour accéder à une sorte dl'indépendance qu’ils ne sont pas très surs de bien vouloir.
Cette question si pertinente, et même si dérangeante de l’asservissement volontaire ( que le personnage de célestine exprime d’ailleurs en voix off ) fait tout le sel du roman et du film de Jacquot. Comment s'affranchir de sa condition sociale, et en fait, le désire t- on vraiment au fond de nous? Cette question, souvent présente dans les films de Jacquot est ici traitée avec pertinence et acuité, avec évidemment ce magnifique personnage de Celestine.
Et ces questions de la lutte des classes, et du rapport entre les sexes, reste encore d’actualité, plus d’un siècle après l’ouvrage de Mirbeau et c’est tout le talent de jacquot de réussir à montrer la modernité de cette histoire, avec une mise en scène, parfois onirique, souvent dynamique , doté d' une propension à multiplier des zooms qui continuent des travellings en tout cas jamais académique et ampoulée comme le sont souvent les films ou téléfilms d’époque.
Journal d'une femme de chambre - bande-annonce
En plus de la bande-annonce, le DVD propose un making of de 18 minutes, qui nous montre un Benoit Jacquot comme à son habitude très précis et très pertinent dans sa réflexion et son analyse technique.