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Millénium 4 Ce qui ne me tue pas, David Lagercrantz

Par Soukee

imageCe qui ne me tue pas est le quatrième tome de la série Millénium, dont la paternité revient au regretté Stieg Larsson, disparu en 2004, et qui en écrivit les trois premiers chapitres. Ce quatrième volet de la saga, dont la sortie a tant échauffé les esprits, a été écrit par le journaliste suédois David Lagercrantz, qui a récupéré l'intrigue et les personnages de Larsson et a imaginé une nouvelle aventure de Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander. La sortie mondiale le 27 août - dix ans jour pour jour après la parution du premier opus - a enflammé le milieu littéraire, et c'est bien entendu dans la collection Actes Noirs de chez Actes Sud que les lecteurs français peuvent retrouver ce texte.

Mikael Blomkvist est fatigué. Considéré par beaucoup comme un journaliste de la vieille école, celui qui s'est donné corps et âme pour la revue Millenium, a perdu le goût de son métier, tandis que la revue, détraquée de toute part, peine à trouver des financeurs. Mais lorsque le professeur Frans Balder l'appelle au milieu de la nuit et lui demande de venir le voir dans l'instant, la curiosité de Mikael est titillée. Car Balder est bien connu pour ses recherches sur l'intelligence artificielle et prétend détenir des informations sensibles sur le service de renseignement américain grâce à une hakeuse qui ressemble étrangement à Lisbeth Salander. Mikael n'a pas le temps d'arriver que le professeur est assassiné, laissant comme témoin de son meurtre August, son fils autiste. 

Il n'est pas dans mon habitude de me ruer sur des textes qui font polémique lors de leur sortie pour participer à un soit-disant élan général. Je préfère de loin me tenir à l'écart de ce genre d'engouement et marcher sur mon propre chemin de lectrice, butinant çà et là au gré de mes découvertes. Mais cette fois-ci, ma curiosité a été piquée. Car entre Millénium et moi, c'est une histoire d'amour ancienne, qui date d'avant l'ouverture de ce blog (c'est dire...). Et quand j'ai appris la récupération des personnages de Larsson par un autre, j'ai été curieuse du résultat. Car voyez-vous, ma lecture de la trilogie originelle a commencé il y a dix ans, lorsque je découvrais par hasard le premier tome dans la bibliothèque toulousaine de mon quartier. S'ensuivirent trois jours de lecture intense, où j'ai plongé aux côtés de Mikael et Lisbeth dans cette Suède qui me fascinait tant et que je découvrais quatre ans plus tard. On était en 2006. J'étais alors une jeune étudiante en lettres qui ne buvait pas de café mais adorait les descriptions de Mikael, exilé dans ce petit bourg suédois pour mener son enquête, enchaînant cafés et sandwichs pour tenir le rythme.

Alors peut-être est-ce par nostalgie de cette époque que j'ai ouvert ce quatrième tome, curieuse de savoir si David Lagercrantz allait réussir là où Stieg Larsson avait excellé ? Par envie de frissons et d'addiction ? Allez savoir... Je ne m'attarderais pas ici sur les détails peu reluisants de la sortie de ce tome - opposant la veuve de Larsson et le père et le frère de ce dernier, chacun se battant pour l'héritage de celui qui a vendu 82 millions d'exemplaires de sa trilogie - mais plutôt sur mon ressenti de lecture. Contrairement à d'autres, les textes de Larsson sont assez loin dans mon parcours de lectrice puisque les ayant lus lors de leur sortie française, je n'y suis plus revenue depuis 2007. Mes souvenirs ne sont donc pas des plus frais, mais j'ai en mémoire néanmoins leur effet sur moi. Si le premier tome m'avait littéralement kidnappée dans un acte de lecture nécessaire et irrépressible, les tomes suivants m'avaient certes séduite mais déçue par leur tournure invraisemblable. J'avais néanmoins été au bout de ma lecture et avais apprécié les valeurs chères à Larsson et qu'il défendait dans ses romans : la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'extrême-droite.

Venons-en maintenant à proprement parler à ce quatrième tome (ce n'est pas trop tôt, diront certains !). Si l'intrigue est intéressante et s'inscrit dans la droite lignée de ce qu'aurait pu défendre Stieg Larsson, il n'en demeure pas moins qu'il lui manque le punchy de Larsson, justement. Mikael Blomkvist est confronté à la question de l'intelligence articifielle et de l'espionnage industriel et s'érige en défenseur des libertés individuelles, aidée d'une Lisbeth aussi bougon et insaisissable que d'ordinaire, mais le rythme manque cruellement de régularité et de souffle. Je ne nie pas que David Lagercrantz parvienne à faire monter le suspense dans son intrigue, mais plutôt que celle-ci se révèle fade et déjà vue, bien loin des romans de Larsson. L'impression qui ressort est de lire un énième thriller vaguement haletant, qui se déroule en Suède, sur fond d'intrigue politique et de passé peu reluisant.

David Lagercrantz essaie d'injecter une once d'émotion dans cette intrigue - qui ressemble presque à celle d'un James Bond - grâce au personnage d'August, le fils autiste et surdoué du professeur Balder. Mais justement, c'est là que le bât blesse : d'émotion, il n'y en a pas dans ce roman. Aucune. Pas d'empathie pour les personnages, ni de peur qui surgit face au danger. Rien. La narration ne permet pas aux émotions d'émerger et l'auteur semble tenir son lecteur à distance. Et c'est un brin agaçant, cette impression d'être privé du plaisir de la lecture.

En revanche, l'invraisemblance est toujours là, comme chez Larsson et donne à l'ensemble un goût de film d'action un peu bâclé. Le timing est toujours parfait pour Mikael et Lisbeth qui se sortent de situations invraisemblables en un rien de temps, malgré de violentes blessures (Lisbeth se fait traverser par une balle mais continue sa mission malgré tout) et des assaillants de tous côtés. C'est ce que je déplorais chez Larsson. C'est dommage de le retrouver ici. 

En définitive, il est certes appréciable de retrouver les personnages de Mikael et Lisbeth, mais la nostalgie ne fait pas tout et l'ensemble demeure bancal. Comme si David Lagercrantz essayait de porter des chaussures qui ne lui vont pas. Ca ressemble à Stieg Larsson, mais ce n'est pas Stieg Larsson et ça se sent très nettement. David Lagercrantz qui s'est pourtant imprégné des personnages de Larsson pour se faire habiter par eux et mieux les faire revivre sous sa plume n'a pas réussi son challenge, un challenge de taille, il est vrai. Il n'en demeure pas moins que l'ensemble se lit rapidement, et si on passe outre des personnages secondaires caricaturaux, le rythme irrégulier et certaines scènes clairement bâclées - notamment les combats et autres affrontements -, l'expérience de lecture reste dans l'ensemble agréable, sans plus, mais laisse en bouche le goût d'opération commerciale (même si les bénéfices seront reversés à Expo, revue antiraciste créee en 1995 par Larsson). David Lagercrantz, qui dit avoir perdu le sommeil lors de l'écriture de ce roman, devrait à l'avenir imaginer ses propres personnages et retourner à ce qu'il sait faire de mieux, écrire des biographies comme celle de Zlatan Ibrahimovic.

Donc, cher lecteur, si tu n'as pas eu envie de lire en entier mon billet  (ce que je comprends dans ce monde où chaque seconde compte tant nos vies sont fascinantes et remplies...), je vais te faire un résumé en mode Twitter :  lis Millénium 4 si tu veux replonger en Suède aux côtés de Mikael et Lisbeth mais ne t'attends pas à retrouver Larsson à travers ces pages.


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