Pourquoi une vouivre dans la Loire ? Créature féminine ambivalente, bienfaitrice tellurique récupérée par la christianisation pour incarner le mal, la femme et le serpent à la fois, elle est revendiquée par l’Est de la France; Marcel Aymé et Henri Vincenot nous ont régalé d’elle. Mais le Vouivre va plus loin: c’est le dragon vivant près de l’eau, qu’on terrasse quand on est un saint sauroctone. Ses avatars sont Morgane, Mélusine, le dragon de Wavel à Cracovie… Elle est tour à tour dragon cracheur de flammes, femme nue sortant de l’onde, à qui il faut ravir l’escarboucle; c’est la Vivre des lavandières, la Tarasque, la figure d’héraldique des Visconti – Milan et Alfa Romeo – la vivre, viver, viper ou bièvre… l’autre nom du castor.
Une figure d’ésotérisme ?
Depuis 45 ans, j’écris, surtout de la poésie, je peins; ainsi j’ai peuplé la Loire d’une Ligéria, nymphe amphibie, avatar humanoïde du fleuve. Au moment de prendre pied dans le roman, je me suis demandé de quoi il suffirait pour qu’elle soit humaine. Facile ! Un passé et un destin qui lui permette de vivre dans l’eau du fleuve mieux que personne, une incursion dans l’univers glauque de la recherche appliquée militaire – éternellement en amont de toutes les autres – avec un zeste de science-fiction (je m’en suis par trop nourri), et voici la Vouivre de Loire. Combattante de très haut niveau, marquée par un passé terrible pour sa chair, son cœur et sa dignité, belle à couper le souffle, juste, intelligente et sensible. Pudique dans son impudeur. La Loire est, davantage que son univers, sa cachette: elle est pourchassée… utilisée comme fusible par un maître sans scrupules. Son mari.
Maujard, le marginal, le libre penseur, l’Anarchiste qui ne mettrait jamais une bombe au Sacré-Cœur, veille.
La Vouivre de Loire est la femme: parvenue à la cinquantaine, elle sait encore vivre, aimer, comprendre, espérer… être. Elle devait mourir, elle va renaître.
Tout ceci est feuilleton, de ceux que la télévision nous a volés. Feuilleton de Loire.
Car le seul personnage authentique de cette saga au rythme trépidant, c’est précisément la Loire.
Vous allez aimer la Loire.