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Chimamanda Ngozi Adichie – Americanah

Par Yvantilleuil

Chimamanda Ngozi Adichie - Americanah« Americanah » raconte l’histoire d’Ifemelu, l’auteure d’un blog à succès sur les relations raciales, intitulé Observations diverses sur les Noirs par une Noire non-américaine, qui décide de rentrer au Nigeria après un long séjour aux États-Unis, afin d’y retrouver Obinze, son amour de jeunesse.

« Il y avait des Nigérians, des Ougandais, des Kényans, des Ghanéens, des Sud-Africains, des Tanzaniens, des Zimbabwéens, un Congolais et une Guinéenne; tous assis autour de la table, ils mangeaient, bavardaient, entretenaient la bonne humeur, et leurs différents accents formaient un tohu-bohu rassurant. Ils parodiaient ce que leur disaient les Américains: Vous parlez un si bon anglais. Est-ce que vous avez un grave problème de sida dans votre pays? C’est tellement triste que des gens vivent avec moins d’un dollar par jour en Afrique. Et eux-mêmes se moquaient de l’Afrique, échangeant des histoires d’absurdité, de stupidité, et ils se sentaient libres de se moquer, parce que leur dérision était née du regret et du désir désespéré de retrouver un endroit qui leur appartienne. »

Ce troisième roman de l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, , après « l’Hibiscus pourpre » (Anne Carrière) et « l’Autre Moitié du soleil » (Gallimard), est une histoire d’amour et d’immigration, racontée à travers le regard désenchanté d’une africaine qui a découvert les travers du « rêve américain ».

« Alexa, et les autres invités comprenaient tous la fuite devant la guerre, devant la pauvreté qui broyait l’âme humaine, mais ils étaient incapables de comprendre le besoin d’échapper à la léthargie pesante du manque de choix. Ils ne comprenaient pas que des gens comme lui, qui avaient été bien nourris, qui n’avaient pas manqué d’eau, mais étaient englués dans l’insatisfaction, conditionnés depuis leur naissance à regarder ailleurs, éternellement convaincus que la vie véritable se déroulait dans cet ailleurs, étaient aujourd’hui prêts à commettre des actes dangereux, des actes illégaux, pour pouvoir partir. »

Au fil des pages, le roman revient tout d’abord sur le parcours américain de cette nigériane devenue Noire en quittant son pays d’origine. En suivant les pas de cette femme qui se plie en quatre pour s’intégrer dans ce pays qui la faisait tant rêver, Chimamanda Ngozi Adichie brosse le portrait d’une société où la couleur de peau est encore beaucoup trop déterminante et où perdre son accent africain et se lisser les cheveux ne suffit malheureusement pas à s’intégrer.

« Si vous dites que la race n’a jamais été un problème, c’est uniquement parce que vous souhaitez qu’il n’y ait pas de problème. Moi-même je ne me sentais pas noire , je suis devenue noire qu’en arrivant en Amérique. Quand vous êtes noire en Amérique et que vous tombez amoureuse d’un Blanc, la race ne compte pas tant que vous êtes seuls car il s’agit seulement de vous, et de celui que vous aimez. Mais dès l’instant où vous mettez le pied dehors, la race compte. Seulement nous n’en parlons pas. Nous ne mentionnons même pas devant nos partenaires blancs les petites choses qui nous choquent et que nous voudrions qu’ils comprennent mieux, parce que nous craignons qu’ils jugent notre réaction exagérée ou nous trouvent trop sensibles. »

En parallèle, le lecteur découvre également le parcours encore moins reluisant d’Obinze, qui a émigré au Royaume-Uni. Si le rêve américain d’Ifemelu est plein de désillusions, le séjours londonien de son amour de jeunesse a tout d’un véritable cauchemar. Le roman contient également de nombreux passages se déroulant dans le pays d’origine d’Ifemelu et dépeignant une société nigériane corrompue au possible.

« Le plus gros problème dans ce pays, ce n’est pas la corruption. C’est qu’il y a une quantité de gens qualifiés qui ne sont pas où ils devraient être, parce qu’ils refusent de lécher le cul de qui que ce soit, ou qu’ils ne savent pas quel cul lécher, ou encore qu’ils ne savent pas lécher un cul. J’ai eu la chance de lécher le cul qu’il faut ! »

« Les Nigérians n’achètent pas une maison parce qu’elle est vieille. Une grange rénovée de deux cents ans, par exemple, le genre de chose qui plaît aux Européens, cela ne marche pas du tout ici. Mais il y a une raison : nous appartenons au tiers monde et nous sommes par conséquent tournés vers l’avenir, nous aimons ce qui est nouveau, parce que le meilleur est encore devant nous, tandis que pour les Occidentaux le meilleur appartient au passé et c’est pourquoi ils ont le culte du passé. »

Ces allers-retours constants entre passé, présents, émigrés et personnes restées/revenues au pays sont parfois difficiles à suivre, malgré une histoire d’amour entre Ifemelu et Obinze qui constitue le fil rouge du roman. Si j’ai apprécie le ton ironique du récit, ainsi que le ressenti de ce racisme latent d’un point de vue noir, j’ai trouvé certains passages un peu trop longs, voire inintéressants. Le style de l’auteure est pourtant agréable et moderne, mais je n’ai par exemple pas accroché aux passages dédiés au tressage des cheveux ou aux couleurs des extensions et des vernis à ongles. Déjà que j’ai dû me farcir une histoire d’amour durant 500 pages…

«Le racisme n’aurait jamais dû naître, par conséquent n’espérez pas recevoir une médaille pour l’avoir réduit.»

Si j’ai eu du mal avec les transitions brutales qui accompagnent les nombreux allers-retours, j’ai également eu du mal avec la richesse des surnoms africains, surtout que les personnages secondaires sont assez nombreux et qu’ils n’apportent pas forcément tous grand-chose au récit. Je suis du coup un peu moins enthousiaste que les autres lecteurs…

Ils en parlent également: Jérôme


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