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Faustino

Publié le 14 septembre 2015 par Montagnessavoie
Gianni Bigot, Faustino, 2010. Faustino
Professeur de français, Gianni Bigot nous livre ici une œuvre mi-fiction, mi-autobiographie (où se situe la limite ? mais est-ce bien nécessaire de le savoir ?) qui nous plonge dans l’ambiance pittoresque et terrible d’une cité. Entre rires et frayeurs, entre identification et rejet, on ne peut rester indifférent à l’histoire de Faustino. Ambitieux, le projet consiste à raconter l’amour qu’un garçon a pour la littérature dans un lieu qui résonne plutôt des phrases du rap. Sans tomber dans le manichéisme. Sans sombrer dans les clichés. Juste en suivant la trajectoire tortueuse, montagneuse façon ravins et sommets inaccessibles, de Faustino, entouré de Proust et de Mahomet, du Coran et de madame Bovary. Ou comment avoir le cul entre deux chaises, être tiraillé entre l’envie de s’instruire et les amitiés contestables mais vraies, entre le shit et la lecture comme une drogue, sans devenir schizophrène, sans exploser en vol. Le langage est cru, mais c’est celui de la rue. Les faits sont glauques, mais c’est la réalité. C’est dit, on ne taira rien de ce qu’il se passe dans les halls et dans les caves. On ne taira rien de la violence et du désespoir. Mais on ne taira rien non plus de la réflexion sur l’origine, sur l’accès à la culture, sur la solitude dans laquelle on maintient les habitants des cités et sur une certaine idée de la fraternité et de la solidarité qui y règne pourtant. On ne peut pas fermer les yeux quand on se retrouve face à nos peurs injustifiées, à nos idées fausses et à nos préjugés. De quoi clouer le bec aux donneurs de leçons, à ceux qui croient savoir et à ceux qui cherchent à nous faire peur. La réalité en pleine figure. Brute, sans polissage, telle qu’elle est. Une réussite, en ce qui concerne le message à faire passer. Ensuite, sur un autre plan mais qui s’entremêle étroitement au premier, la littérature, et l’écriture comme une cause et une conséquence de celle-ci. L’auteur nous propose, sans complexe, de mettre à nu sa relation avec l’écriture, de la décortiquer sous nos yeux, d’écrire devant nous comme un peintre devant un public, comme un happening, une improvisation inspirée. De là, la structure originale et révolutionnaire (dans tous les sens du terme, novatrice et circulaire), la possibilité de commencer le livre du début, de manière classique, ou de prendre l’histoire en plein milieu, suivant où l’on considère que se situe le commencement. Le début, la fin, toute l’histoire de la subjectivité et des cycles. Dans une lecture linéaire, la conclusion semble abrupte. Plus du tout si l’on suit la logique qui nous pousse à reprendre au premier chapitre. Qui s’appelle en fait chapitre 2. Impossible de sortir du cercle. Non pas que le roman nous fasse tourner en rond. Plutôt, il perturbe toutes nos perceptions et, si l’on accepte de déposer à l’entrée du monde que Gianni crée en direct nos réticences à aller vers l’inconnu, il fait tournoyer nos cerveaux bousculés pendant et bien après la lecture.  

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