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L’atelier des morts Daniel Conrot

Par Filou49 @blog_bazart
15 septembre 2015

atleier

 « Sur ton lit de mort je ne t’embrasse pas. Je te regarde fixement. Il me faut te le dire en face, je ne t’embrasserai pas, l’articuler d’une voix haute et claire. Etre face à toi l’homme que tu n’as jamais pensé que j’étais ni ne serais jamais. A tes yeux, sous tes yeux,  je n’étais pas un homme, cela ne se pouvait pas. Jeanne me dit, tu n’embrasses pas ton père ? Je lui réponds, non je n’embrasse pas mon père. Elle dit, il t’aimait tu sais ! Je réponds, peut-être. Elle n’insiste pas. Je reste debout. Mon esprit s’échappe. La pensée insistante que  je ne serais pas un homme selon toi… »

Une famille moyenne, près d’une ville moyenne, une famille française, le Jura, le siècle dernier. Le narrateur (1952-….) écrit des lettres à ses morts. Jean-Marie (1936-1986) le frère ainé à qui il parle comme il n’a jamais pu lui parler : une famille française autour d’un gâteau d’anniversaire alors que la mort est déjà à l’œuvre. Marie-Aimée (1908-1955), sa mère inconnue puisque disparue alors que lui, le petit dernier, n’avais pas trois ans, aimée et forcément idéalisée. Léon (1909-1988) le père, vite remarié, dieu des champs, diable de maison, décrit en quelques adjectifs : honnête et malheureux, atrabilaire et orgueilleux, injuste et pathétique, cruel et douloureux, un père mort et pourtant impossible à tuer.

René Jean-Marie (1913-1987) l’oncle prêtre appartenant à l’extrême droite française la plus radicale par haine des gens de peu, engagé dans l’armée allemande, collabo et escroc de la pire espèce qui finira ses jours tranquillement dans une maison de retraite, vieux monsieur respectable. Odile dite Iphigénie (1960-1960) lettre à la petite sœur qui n’aura pas vécu plus de huit heures, petite fille oubliée qui accompagnera le narrateur tout le long de sa vie.

Cinq lettres, cinq vies. « Le vrai tombeau des morts c’est le cœur des vivants » écrivait Cocteau, en ouvrant son cœur Daniel Conrod élève un mausolée à la France du XXe siècle. Véritable livre d’Histoire minimaliste ce formidable petit roman à l’écriture épurée vous poursuivra longtemps.

Michel D


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