Magazine Culture
Raymond Ravanel, Guide de haute montagne, 2013.
Ce
livre document est tout autant un témoignage qu’un hommage à la
profession de guide de haute montagne. On y retrace la vie de
plusieurs générations de guides de la célèbre famille Ravanel à
travers leur profession, en détaillant particulièrement l’existence
de Raymond, depuis son enfance à Argentière jusqu’aux jours
récents. On y découvre cet amour des cimes qui pousse les
montagnards à regarder vers le ciel, toujours plus haut, et cette
envie irrésistible qu’ils ont de grimper et de se dépasser, de
côtoyer les sommets et d’en redescendre pour les gravir à
nouveau. Une sorte d’obsession de l’altitude, un sacerdoce, la
dévotion de toute une vie à la montagne. On touche presque à la
religiosité, tant le respect pour le milieu naturel est grand.
Là-haut, l’homme n’est qu’un élément de plus, soumis aux
caprices et aux volontés de la nature qui demeure toujours la plus
forte. En témoigne la liste trop longue de ceux qui y sont restés.
Tout aguerris qu’ils puissent être, les montagnards grimpent en
connaissance de cause, en étant conscients du danger qui est
susceptible de les attendre à chaque tournant. D’où le coup de
gueule poussé en fin de livre par Raymond Ravanel, qui s’insurge
contre l’insolence de ceux qui grimpent sur les flancs des
montagnes comme on prend l’ascenseur ; contre ceux, pédants,
qui utilisent l’hélicoptère pour une petite balade au-dessus des
massifs, polluant encore plus les neiges éternelles, quand
l’utilisation d’engins volants devrait se cantonner au sauvetage
des cordées en péril. Ravanel peste aussi contre les constructions
laides et toujours plus envahissantes qui poussent comme des
champignons dans la vallée de Chamonix. En ayant tout cela en tête,
on peut alors reprendre le livre du début et relire avec un intérêt
et un respect grandis les aventures alpines du guide. Malgré une construction un peu anarchique, on peut y lire des passages qui célèbrent la montagne et la région d'Argentière, comme par exemple cet extrait qui décrit un endroit qui m'est particulièrement cher:
"Sur la cime du Dolent, nous nous trouvons dans trois pays à la fois. Les hommes de diverses nationalités en ont décidé ainsi.
Du haut de cette magnifique pyramide, la vue est inégalable sur le bassin d'Argentière, avec les faces nord qui le bordent sur la gauche. Plus loin, les Grandes Jorasses m'impressionnent pas leur ampleur et leur austérité. Le Mont Blanc trône majestueusement dans le fond. A droite de la barrière des Rouges, du Dolent et de l'Aiguille d'Argentière, le Valais aux multiples vallées incrustées entre d'innombrables sommets sort lentement de ses brumes."
On l'a compris, Raymond Ravanel prône une approche presque lyrique de la montagne, un engagement total, corps et âme, loin du "parisianisme" qu'il rejette et qui, selon lui, forme plus des "techniciens de la montagne" que de véritables guides. Le message est clair : soyons fiers de nos montagnes, transmettons nos savoirs et notre passion et ne laissons pas les technocrates prendre le pas sur nos savoirs empiriques. C'est dit !