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[Critique] THE PROGRAM

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] THE PROGRAM

Titre original : The Program

Note:

★
★
★
★
☆

Origine : Grande-Bretagne/France
Réalisateur : Stephen Frears
Distribution : Ben Foster, Chris O’Dowd, Guillaume Canet, Jesse Plemons, Lee Pace, Edward Hogg, Denis Ménochet, Dustin Hoffman, Elaine Cassidy…
Genre : Biopic/Drame/Adaptation
Date de sortie : 16 septembre 2015

Le Pitch :
Lance Armstrong a remporté 7 fois le Tour de France. 7 victoires d’affilées qui ont entraîné beaucoup de questions et d’accusations au sujet du dopage. Accusations que le champion a réfuté à chaque fois, en ayant de son côté des contrôles toujours négatifs. Jusqu’au jour où la vérité éclata… Retour sur le parcours d’un homme revenu de loin, à l’origine de l’un des plus grands scandales ayant jamais secoué le monde du sport moderne…

La Critique :
Lance Armstrong fut un authentique héros pendant 7 ans. Dès sa première victoire au Tour de France, son incroyable histoire le transforma aux yeux du public en une sorte de sur-homme capable de l’impossible. On parle tout de même d’un type qui a vaincu le cancer et qui ensuite, s’est entêté à poursuivre son rêve, sur son vélo, pour finir par battre tous les records lors de l’épreuve sportive la plus difficile du monde. Il est devenu le chouchou du public, une figure majeure de son pays qui lui déroula le tapis rouge, le porte-parole des marques qui se bousculèrent à sa porte pour lui faire signer de juteux contrats, et l’ami des stars. Sa fondation en faveur de la lutte contre le cancer lui conféra également le statut de généreux philanthrope, et plusieurs années durant, personne n’osa remettre en cause sa suprématie. Personne sauf David Walsh, un journaliste depuis le début suspicieux quant aux performances subitement extraordinaires de cet ancien coureur cycliste abonné au milieu des classements. C’est lui qui, à force d’acharnement, finit par faire tomber le roi de son trône…

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À plusieurs reprises pendant le film, Lance Armstrong évoque le désir d’Hollywood de porter sa fantastique existence sur grand écran. Il affirme que Matt Damon a failli tenir son rôle, pour finir par être remplacé par Jake Gyllenhaal. Au final, il y eut bien un long-métrage, mais pas celui qui était prévu initialement. En lieu et place de Gyllenhaal, Ben Foster. Un comédien viscéral habitué aux seconds rôles solides, cette fois-ci au premier plan, en tête de peloton. Foster qui s’est fondu littéralement, en un temps record (6 semaines de préparation seulement) dans la peau d’Armstrong. Physiquement très ressemblant, intense, il crève l’écran. Le champion permet à l’acteur d’exploser. De trouver son meilleur rôle. Sans en faire des tonnes, il brosse le portrait d’un homme complexe, autrefois salué, aujourd’hui conspué, et porte ce biopic en forme de thriller, avec une aisance apparente, propre aux grands. Rien que pour lui, The Program vaut largement le détour.
Derrière la caméra, Stephen Frears, l’homme des Liaisons Dangereuses, mène une danse elle-même riche en liaisons plutôt dangereuses. Loin de se focaliser seulement sur le vélo et de risquer de s’aliéner ceux que le cyclisme n’intéresse pas, il s’attarde dans les vestiaires. Colle de près à Armstrong. À ce personnage fort, à l’influence néfaste et au caractère ombrageux. À ce menteur prêt à tout pour arriver à ses fins, qui voulait sa part du rêve américain, qu’il trouva en France. Pendant les courses, au son des Ramones ou de Radiohead, Frears continue de faire progresser l’intrigue, insère des images d’archives, fait preuve d’une jolie virtuosité et colle de près aux roues du TGV yankee. D’abord focalisé sur l’ascension, puis sur la chute, avec l’étau qui se resserre sur le pivot de son long-métrage, il fait de ce dernier le héros d’une tragédie moderne dont il est à la fois la victime et l’instigateur.
Adapté du livre du journaliste David Walsh, le film s’appuie aussi largement sur les rapports qui dévoilèrent la vérité sur le stupéfiant plan d’action d’Armstrong, élaboré en collaboration avec un toubib italien aux faux airs de savant-fou. Frears et son équipe n’ont pas voulu romancer l’histoire. Ils préfèrent se concentrer sur une réalité déjà bien assez forte. Raconter comment le champion a enfumé tout le monde. Comment il a ouvertement menti, y compris à lui-même. Parfois, The Program montre Armstrong comme une sorte de tyran, forçant les membres de son équipe à se shooter pour pouvoir correctement appuyer ses performances sur la route. À d’autres moments, il souligne le courage de celui qui a quoi qu’il en soit triomphé d’un cancer des testicules métastasé. Sans manichéisme, Stephen Frears, bien servi par le remarquable script de John Hodge (on reconnaît la plume de l’homme derrière le scénario de Transpotting) ne fait que relater des faits inhérents à un personnage très complexe. Il décrit avec une acuité extraordinaire l’addiction à la victoire d’Armstrong et sa volonté farouche. The Program n’est pas une histoire de rédemption mais celle d’une destruction. D’un énorme gâchis…

Passionnant, le long-métrage s’avère de plus très immersif. Monté comme un pur thriller, porté par des acteurs géniaux (Ben Foster donc, mais aussi le pugnace et décidément surdoué Chris O’Dowd, Lee Pace, Jesse Plemons, l’excellent Denis Ménochet, Dustin Hoffman et Guillaume Canet, qui campe avec conviction le fameux docteur italien avec un accent un peu étrange), rock and roll grâce à un montage nerveux et à une B.O. franchement galvanisante, il monte régulièrement au créneau, respecte son sujet, et ne joue pas les moralisateurs. Un franche réussite qui prouve que l’angle choisi pour attaquer cette histoire était le bon. Stephen Frears, dont la présence derrière le projet pouvait en premier lieu déconcerter, est parfait, car il traite Armstrong comme le héros d’une vaste tragédie et confère à son parcours, à ses actes et à ses trahisons et autres mensonges une portée très cinématographique. Sans se laisser écraser par la « fraîcheur » des faits relatés, il fait preuve de recul, analyse et retranscrit, l’œil affûté et les sens aiguisés. Pas sûr que le vrai Lance Armstrong apprécie, mais il est permis de penser que le film qui aurait vu le jour du temps de sa gloire n’aurait pas eu la même force évocatrice que celui-ci. En suivant celui qui a peut-être le plus sali ce sport, le film rend hommage à ceux qui se refusent à suivre la même voie. Aux visions nobles et à ceux qui regrettent, à l’instar de Floyd Landis (formidable Jesse Plemons). Et au passage, jamais le vélo et à plus forte raison le Tour de France, n’ont eu autant de gueule sur un écran de cinéma.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : StudioCanal


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