"Edmond, un portrait de Baudoin" sort en salles le 30 septembre prochain. Grand fan de bande dessinée devant l'éternel, Michel a vu en avant première ce très beau documentaire à la gloire d'un des plus grands et méconnus illustrateurs vivants.
Ces deux-là était fait pour se rencontrer, à ma gauche, Laetitia Carton diplômée des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand, documentariste reconnue, son documentaire « la Pieuvre » sur la maladie de Huntington qui décime sa famille a été très remarquée et à ma droite, Edmond Baudoin que l’on ne présente plus aux amateurs de bande-dessinée, meilleur album à Angoulême en 1992, formidable illustrateur, sa bio-dessinée de Dali est une merveille, il a travaillé avec Le Clézio, Fred Vargas, L’abbé Pierre, Tahar Ben Jelloun entre autres et tout dernièrement avec le mathématicien Cédric Villani.
Oui, ces deux-là ne pouvaient que se rencontrer et les belles rencontres font souvent de bons films.
De son petit studio du XIVe arrondissement de Paris aux sentiers écrasés de soleil de l’arrière-pays Niçois, Laetitia Carton accroche le pas de Baudoin et ne le lâche plus. Il parle, Baudoin, il se raconte, à soixante-dix ans passés il semble faire un premier bilan et l’homme généreux se laisse filmer et se confie.
A plus de trente ans Baudoin décide de tout quitter pour faire du dessin, il ne voulait pas mourir comptable. Impossible de savoir si la comptabilité a beaucoup perdu, mais c’est sûr le monde de l’édition a gagné beaucoup plus qu’un dessinateur. Baudoin est un rêveur, pour lui choisir entre la gaité de l’ivrogne ou le sérieux du bigot est inadmissible. Baudoin sera dessinateur de bande-dessinée mais une bande dessinée connue de lui seule.
Il est le premier à introduire l’autobiographie dans cet art si codifié. Il se dessine enfant, adolescent, adulte et même anticipe sa vieillesse. Laetitia Carton, s’efface et d’une caméra aérienne, douce et légère, elle suit Edmond, elle suit les mains d’Edmond qui effleurent la page. Rarement l’image n’a restituée avec autant de grâce le travail d’un artiste,il faut dire que le sujet est en or.
Baudoin, artiste jusqu’au bout des ongles, est hédoniste, philanthrope et partageur, les cours qu’il donne à des enfants ou des adolescents dans les écoles sont d’une rare poésie. C’est simple, à l’écouter le spectateur n’a qu’une envie c’est de prendre un pinceau et donner libre cours à ses pensées (je viens d’essayer et de m’apercevoir avec amertume que je ne serais jamais Baudoin).
Filmer un artiste au travail est difficile, Laetitia Carton filme Baudoin amoureusement comme Truffaut filmait Deneuve ou Ardant, etBaudoin c’est aussi« L’homme qui aimait les femmes ». Baudoin, dans tous les plans, nous ramène à ses illustrations, ses dessins sont une part de lui-même.
Comme dans «Le mystère Picasso » de Clouzot chaque fois que l’on voit l’homme Picasso on perçoit à travers lui ses tableaux, on a la même sensation lorsque la réalisatrice filme Baudoin sur un sentier de montagne, Baudoin au pied d’un calvaire, assis sur un mur de pierres sèches ou se baignant nu dans un torrent. La caméra sait se faire Panthéiste.
Etre artiste c’est aller au plus profond de soi pour aller au plus profond des autres. Baudoin est un artiste, un chercheur, un musicien qui tente de composer sa vie avec les notes de musiques de l’humanité. Et puis il a aussi été le premier à donner un visage à Jean-Baptiste Adamsberg, pour cela tous les amateurs de Fred Vargas lui vouent une reconnaissance éternelle.
Bande-annonce : Edmond, un Portrait de Baudoin