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Deux poids, deux mesures

Publié le 21 septembre 2015 par Laurentnoel

Il n’aura pas fait de bruit, même en partant. La presse est jusqu’à maintenant plutôt avare d’articles sur ce grand artiste silencieux qu’était Fred Deux. Elle préfère titrer gros sur Kapoor, ses provocations et ses revirements, ce que ses provocations provoquent, etc. Et puis il est à  Versailles, au grand jour, pas au fin profond du pays, comme du côté d’Issoudun. Deux démarches artistiques opposées : l’une, celle de Kapoor, reposant sur l’impact qu’aura son œuvre sur les spectateurs, évoluant en pleine lumière médiatique, avec des moyens énormes, dans des milieux officiels et internationaux, s’entourant d’assistants, de techniques lourdes, alignant les chiffres des performances, du poids et de la taille de l’œuvre, des 500 tonnes de ceci, 1000 tonnes de cela, des grues et des plaques de roulement, tout la démesure des moyens de fabrication et d’installation. L’autre, celle de Deux, introspective, lente, besogneuse, obsessionnelle peut-être, partant de quelques taches sur un papier que le crayon ou la plume vont habiter (à propos, si l’on se mettait à compter les traits, on serait sidéré, autant que par les tonnes de Kapoor), tisser, pour peindre par le dessin un chemin vers l’intérieur. Du monumental au second degré. Un travail tourné en soi, ne se préoccupant jamais du futur regard de l’autre, sauf de celui de sa compagne, artiste elle aussi, indissociable.  Je suis persuadé que son œuvre sera plus impérissable que celle de Kapoor, qu’elle s’installera plus solidement dans le temps.  Peut-elle parce qu’elle nous concerne davantage, qu’elle va toucher au fond de chacun, qu’elle est teintée d’une humanité hantée et assombrie de ses couleurs intenses. Les simples papiers griffés serrés tramés sur les masses colorées restent en moi définitivement. Pas besoin de police pour protéger l’œuvre, le temps s’en chargera. Ce que me laissera l’intervention de Kapoor à Versailles, c’est le tapage et rien d’autre.   Parions aussi que lorsque Kapoor cassera sa pipe, la presse en fera aussi ses choux et ses titres gras. Le contraire du trait de Deux.


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