D.T. Suzuki évoque ici l'expérience d'éveil dans le zen, appelée Satori.
"La terminologie peut différer d'une religion à l'autre, mais il y a toujours dans le satori ce qu'on peut appeler un sens de l'au-delà (bien que ce terme ne relève pas de la terminologie du zen). L’expérience est bien la mienne, mais je sens qu'elle a ses racines hors de moi. La coquille en laquelle mon individualité est si solidement enfermée explose au moment du satori. Non que je sois nécessairement uni à un être plus grand que moi ou absorbé en lui, mais mon individualité, qui se trouvait rigidement maintenue et nettement séparée des autres existences individuelles, relâche en quelque sorte les attaches qui l'enserraient et se fond en quelque chose d'indescriptible, d'un ordre tout à fait différent de celui auquel je suis accoutumé.
Le sentiment qui s'ensuit est celui d'une délivrance complète ou d'un repos parfait, le sentiment d'être finalement arrivé à destination. « Arriver chez soi et se reposer tranquillement » est l'expression généralement employée par les adeptes du Zen. L'histoire du fils prodigue, dans le Saddharma-pundarîka, dans le Vajra-samâdhi et aussi dans le Nouveau Testament, exprime ce même sentiment que l'on éprouve au moment d'un satori.
Si l'on s'en tient à la psychologie du satori, tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il comporte le sentiment d'un « au-delà ». Appeler cela l'Au-delà, l'Absolu, ou Dieu, ou une Personne, c'est aller plus loin que l'expérience elle-même et plonger dans la théologie ou la métaphysique. Même « l'Au-delà » dit un peu trop. »"
D.T. Suzuki