Magazine Culture

Démons à petit feu

Publié le 27 septembre 2015 par Morduedetheatre @_MDT_

Untitled-design-26

Critique de Démons de Lars Norén, vu le 19 septembre 2015 au Théâtre du Rond-Point
Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Marina Foïs et Gaspard Ulliel, dans une mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo

La distribution est impressionnante : Marcial Di Fonzo Bo a réuni de grands acteurs. On connaît le travail commun de Romain Duris et Anaïs Demoustier, notamment dans Une nouvelle amie de Ozon. Gaspard Ulliel, qui intervient rarement au théâtre, avait fait une apparition remarquée aux côtés de Michel Fau dans Que faire de Mr Sloan ? On ne présente plus Marina Foïs, toujours impeccable dans ses rôles au cinéma, qu’elle soit dirigée par Maïwenn ou par Christophe Honoré. Tous ces acteurs de talent réunis sur une même scène, cela ne pouvait que faire des étincelles. Certes, quelques flammèches apparaissent, mais j’aurais apprécié un feu encore plus fourni, une véritable explosion.

La situation rapelle Le Dieu du carnage de Yasmina Reza : deux couples se retrouvent un soir autour d’un verre. L’un d’eux, formé de Frank et Katarina, est en position dominante : ils sont clairement les démons de la pièce. Leur relation, étrange, malsaine, oscillant entre violence et tendresse soudaine, va petit à petit détruire la relation de leurs voisins, Jenna et Tomas, simplement venus passer un moment entre voisins. Une certaine forme de pudeur ressort de leur couple, leurs liens sont clairement moins enragés, plus calme ; ils laisse une sorte de distance entre eux qui n’existe pas entre Frank et Katarina, comme une sorte de gêne.

J’adore ce genre de pièce. Voir les relations poisons qui atteignent des êtres candides, voir l’effet qu’elles peuvent avoir sur eux et l’évolution de leur caractère en conséquence est quelque chose de très intéressant au théâtre. Cela peut être prenant, tendu, inquiétant, et on prend forcément parti pour l’un ou l’autre des personnages, espérant sans cesse qu’il prenne la bonne décision, qu’il agisse de la bonne manière. Un tel thème se doit d’être absolument poignant, absorbant. Si les personnages sont effectivement des démons, chacune de leurs actions devrait nous indigner, nous soulever du plus profond de nous-même. Tel n’est pas le cas ici. Il manque quelque chose, une tension, une atmosphère qui aurait quelque chose d’envoutant.

A qui la faute ? Au texte tout d’abord, qui ne va probablement pas au bout des choses. Lorsqu’on veut faire dans le trash, on y va carrément, car s’arrêter dans ce chemin là ne peut qu’être frustrant. Mais faute également à la mise en scène, qui s’arrête gentiment derrière le texte, là où on aurait pu lui demander de le surpasser en cruauté. Face à un texte qui n’en dit pas assez, j’aurais apprécié que la mise en scène en fasse presque trop, histoire de nous retourner carrément l’estomac. Mais elle « n’envoie » pas assez, et produit moins d’effet qu’attendu. A titre d’exemple, cette scène où Franck déverse les cendres de sa mère sur Katarina aurait dû me tordre le coeur. Or le sentiment d’horreur que j’ai ressenti était uniquement dans ma raison, et non dans mes sens. Pourtant, les acteurs concernés sont auteurs d’interprétations impressionnantes, Marina Foïs en tête. Tour à tour victime et dominatrice, elle forme avec Romain Duris un duo poignant. Lui, de sa démarche droite et précise, prend des allures effrayantes et son regard noir m’a fait baisser plus d’une fois la tête. Je ne peux parler du deuxième duo avec le même enthousiasme. Si Anaïs Demoustier prend les traits de son personnage sur scène, gênée, la voix faible, mal posée, et légèrement niaise, c’est d’après moi plus dû à son manque d’expérience qu’à une réelle composition de sa part. Mais le doute subsiste. En revanche, j’accuse clairement le manque d’expérience de son partenaire, Gaspard Ulliel, qui a raison de son jeu : il se tient mal sur scène, n’articule pas assez, et ne porte pas la voix, si bien qu’on perd des bouts de sa partition. Enfin, il est celui qui donne le moins de contenance à son personnage, qui semble perdu sur scène, et dont les sautes d’humeur sont bien trop brutales pour être crédibles.

C’est dommage : un tel sujet et de tels acteurs auraient pu donner lieu à un grand spectacle. Mais je reste sur ma faim♥ 

1156336_demons-a-petit-feu-au-theatre-du-rond-point-web-tete-021330899440



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Morduedetheatre 2245 partages Voir son profil
Voir son blog