Titre original : Fear The Walking Dead
Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : Robert Kirkman, Dave Erickson
Réalisateurs : Adam Davidson, Kari Skoglang, Stefan Schwartz.
Distribution : Kim Dickens, Cliff Curtis, Frank Dillane, Alycia Debnam-Carey, Elizabeth Rodriguez, Mercedes Masohn, Lorenzo James Henrie, Rubén Blades…
Genre : Épouvante/Horreur/Spin-Of/Adaptation
Diffusion en France : Canal + Séries
Nombre d’épisodes : 6
Le Pitch :
À Los Angeles, Nick se réveille pour une énième fois complètement drogué, dans un squat. Rapidement, il s’aperçoit, malgré sa torpeur, que quelque chose ne va pas et découvre l’horreur qui bientôt deviendra son quotidien. Quand il rejoint sa mère, sa sœur, son beau-père et le fils de ce dernier, l’épidémie qui réveille les morts en les transformant en zombies a largement eu le temps de progresser. Les autorités sont complètement débordées et l’opinion publique se soulève lors d’émeutes difficilement canalisables. Le cauchemar ne fait que commencer…
La Critique :
La frénésie des suites, remakes et autres reboots qui sévit actuellement du côté du cinéma américain ne se limite justement pas au cinéma. La télévision aussi est touchée de plein fouet par ce phénomène. Quand un truc cartonne, vous pouvez être sûrs que le filon est exploité jusqu’à plus soif, et rares sont les sages qui se contentent de ce qu’ils ont et qui n’essayent pas de grappiller toujours plus en lançant des projets dispensables.
En matière de séries, The Walking Dead est ce qu’on peut appeler un triomphe. Régulièrement, des records d’audience sont battus, le nombre de téléchargements est stratosphérique et les coffrets DVD/Blu-Ray se vendent comme des petits pains. Pour ce qui est de la qualité, c’est moins évident tant le show s’est depuis longtemps maintenant, engagé sur une pente douce, voyant peu à peu son intrigue et ses personnages s’empêtrer dans des sables mouvants. S’écartant toujours plus de la base, à savoir le comic book, pour explorer des pistes étranges donnant lieu à des scènes outrancières ou carrément, à l’opposé, soporifiques, The Walking Dead dénote surtout d’un désir d’étaler au maximum l’intrigue afin de faire durer la pluie de dollars qui s’abat tous les ans sur la tête des producteurs. Et non content de jouir de ce succès, les voilà qui nous offrent Fear The Walking Dead, soit un spin-off centré sur le début de l’épidémie zombie. Une histoire absente des bandes-dessinées, dans laquelle une famille dysfonctionnelle voit d’un jour à l’autre son quotidien partir méchamment en live alors que les morts se relèvent pour manger les vivants.
Dès l’annonce du projet, les choses sentaient le roussi. Pourquoi ne pas se concentrer sur The Walking Dead et tâcher de redresser la barre, au lieu d’aller s’éparpiller sur un projet dispensable ? Avions-nous besoin de savoir comment l’épidémie avait commencé ? Non. La première saison de The Walking Dead avait plus ou moins bien traité ce détail, et la web-série qui avait suivi (et qui est passée un peu inaperçu), s’était chargée de combler les trous. Surtout au vu du résultat…
Parce que oui, Fear The Walking Dead ne raconte rien qui méritait d’être à nouveau raconté. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que sa façon d’introduire le fléau des morts-vivants ne se distingue en rien de tout ce que le cinéma nous a montré jusqu’à maintenant. On a vu la même chose ailleurs, et souvent en mieux. Au lieu d’essayer de justifier son existence, la série se limite dès le début à un ramassis de clichés embarrassants car vus et revus et surtout, traités ici par-dessus la jambe, par une bande d’opportunistes qui n’a pas souhaité y mettre un minimum de formes. Résultat des courses : l’histoire se traîne à la vitesse d’un zombie unijambiste. Le show semble oublier que nous savons déjà ce qu’il s’est passé. Après 5 saisons de The Walking Dead et un nombre incalculable d’explosions de tronches en putréfaction, nous sommes au jus, merci bien. Pas besoin de rembobiner et de nous montrer encore une fois des personnages stéréotypés, confrontés à quelque chose qu’ils ne comprennent pas, tout ça car ils vivent dans un monde où jamais aucun film de zombie n’est sorti. Le mot « zombie » n’est d’ailleurs pas plus prononcé ici que dans The Walking Dead. Autant le petit stratagème fonctionnait jadis, autant là, plus du tout. La sauce que Robert Kirkman et Dave Erickson nous servent sent le moisi dès l’épisode pilote, et malheureusement, ce ne sont pas les cinq autres qui constituent cette première saison, qui redressent la barre.
Néanmoins, parfois, l’envie d’y croire est bien présente. Le second épisode est mieux ficelé. Le troisième encore plus. Quand le show se fait brutal et sans concession, l’intérêt est un peu ravivé et l’espoir pointe le bout de son nez. Mais comme conscients qu’ils ont fourni un travail un peu trop chiadé, les showrunners retombent dans l’excès. Le mot « excès » signifiant ici clairement profusion de dialogues inintéressants au possible et de situations au diapason. Le quatrième épisode va dans ce sens. Aucun zombie dans celui-là. Rien que des gens qui se causent de trucs dont on se fout, parce qu’il ne faut pas oublier que dans Fear The Walking Dead, les protagonistes ne valent pas tripette. Ok pour les voir exploser du bouffeur de cervelle, mais pas ok du tout quand il s’agit de se farcir leurs problèmes de famille. Enlevez le sang et les tripes à la série et vous obtenez une sorte de version viciée des Feux de l’Amour, dans laquelle tout le monde agit en dépit du bon sens et prend un malin plaisir à raconter n’importe quoi.
Quand pointe le dénouement de ce premier acte, les choses rentrent un petit peu dans l’ordre. Les morts-vivants sont de retour en nombre, le sang gicle un peu, etc… De toute façon, nous connaissons la chanson et rien ne vient jamais (JAMAIS) bousculer un ordre établi franchement barbant. Propulsé par un désir avoué de nous raconter enfin les origines de l’épidémie, Fear The Walking Dead se contente, dans les faits, d’appliquer la même bonne vieille recette, sans faire d’effort particulier. Un vrai projet d’opportuniste. Et si vous en doutez, sachez qu’une nouvelle web-série vient d’être lancée par la production afin d’introduire un nouveau personnage, amené à rejoindre la saison 2 de Fear The Walking Dead. Le but étant probablement de nous fournir en zombies toute l’année.
Et puis c’est aussi une question de contexte. Il y a 6 ans, quand a déboulé The Walking Dead, les zombies n’étaient pas aussi présents au cinéma ou à la télévision. Depuis, le sujet a été traité en long, en large et en travers. Même George A. Romero, celui qui les a plus ou moins inventé (du moins, dans leur forme la plus connue), s’est pris les pieds dans le tapis à force de ressasser. Avec ses personnages solides et son fil rouge prenant, la série matricielle de Kirkman et Frank Darabont avait quoi qu’il en soit fait souffler un vent frais sur le genre, tout en en respectant les codes. Pour le spin-off, c’est différent. Entre temps, Kirkman a vu que le public était prêt à accepter n’importe quoi, tant que de temps à autre, un mort-vivant se faisait bousiller la tronche. Il a donc écrit un truc à l’arrache prétextant vouloir nous conter les origines. Typique ! Contrairement à Rick, Michonne, Daryl et les autres, les héros de Fear The Walking Dead ne sont ni vraiment charismatiques, ni orignaux, ni même iconiques sur un plan strictement visuel. Oui, les acteurs sont bons, mais la partition que l’on a mis à leur disposition ne tient pas la route sur la longueur. Tous les clichés sont là. Le fils drogué, la fille sexy, le père aimant mais un peu à la ramasse et la mère courage. Personne ne manque à l’appel et tous évoluent dans un monde où les ficelles sont grosses comme des cordes de marins et où tout est beaucoup trop prévisible pour surprendre, ou même procurer les quelques frissons que nous étions en droit d’attendre…
Cette première saison de Fear The Walking Dead trahit un cruel manque d’inspiration et -surtout- de motivation. Rien ne vient déranger une routine bien établie. Si on fait exception du lieu (Los Angeles au lieu d’Atlanta), la série n’apporte strictement rien de neuf. Poussive, certes gore, mais seulement pas intermittence, porté par de solides comédiens, mais desservi par un script de feignasse, le show se laisse gentiment regarder mais ne s’avère jamais passionnant. Son seul vrai mérite ? Nous amener à reconsidérer les défauts de son aînée, qui a certes vraiment perdu de sa puissance et de sa pertinence mais qui, au moins, envoie régulièrement du lourd et s’avère suffisamment bourrine pour maintenir l’attention à un niveau acceptable.
L’univers partagé qui est en train de se construire sous nos yeux possède de bien fragiles fondations. L’édifice n’est même pas terminé qu’il est déjà constellé de méchantes fissures. On voit mal comment la barre pourra être redressée. Une chose est sûre : il ne sera pas difficile de patienter plusieurs mois pour connaître la suite, car au fond, la suite, nous la connaissons déjà…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : AMC/Canal + Séries