Précision importante et déterminante pour cette recette légendaire, historique, reconnue, codée, ritualisée, et qui ne se pratique que dans quelques restaurants équipés d’une presse. Le canard de Rouen n’est pas abattu et vidé de son sang mais il est étouffé. Ainsi, il garde tout son sang pour donner à sa chair rouge saveur, tendreté et délicatesse. Le choix du caneton accentue ces qualités.
Drôle de destin que celui du canard. Sûrement très consommé dans l’Antiquité gréco-romaine, il perd sa place dès que la cuisine et les cuisiniers sophistiquent leurs préparations. Il vit dans l’ombre de la poule, poulet et autres dindes en attendant son heur qui reviendra à la fin du XVIIIème siècle. Il devient la coqueluche des chefs simples ou de renoms et toutes les préparations lui conviennent. Celui de Rouen a une place de choix et considéré comme un des meilleurs. L’étouffage devient la mode incontournable d’un canard de bon goût mais il est bien difficile de tracer et déterminer comment et quand apparait la fameuse recette du canard à la rouennaise. Les sauces liées au sang sont vieilles comme le monde et ne sont pas l’apanage de la région normande. La renommée du canard au sang vient du chef Frédéric Delair de la Tour d’Argent qui, en 1890, pose les fondements de la recette mondialement connue et numérote ses canards (de Challans d’ailleurs).
La recette « à la Rouennaise » commence à Rouen et à Duclair, petite ville des environs, où le chef Henri Denise pose les fondements qui seront repris et améliorés par d’autres chefs comme celui de La Couronne (voir article dans ce dossier) à Rouen et surtout Michel Guéret, chef à l’hôtel de Dieppe, toujours à Rouen, qui la codifie dans le marbre en 1933. C’est au cours d’un dîner du Rotary Club du Havre sur le bateau « Le Félix Faure » dont son père Eugène avait la concession que le jeune cuisinier propose cette recette pour la première fois. Lorsqu’il reprend les cuisines de l’hôtel familial en 1939, il met cette recette à la carte et elle ne l’a plus quitté depuis. Encore aujourd’hui, au restaurant Les Quatre Saisons de l’hôtel de Dieppe (en face de la gare et au groupe Best Western), le rituel de cette recette unique est un rituel qu’il faut avoir vécu car le travail en salle est passionnant et dégusté pour le plaisir. En cuisine, le chef Jacky Folliot-Desmeulles, en salle Julien Maréchal-Guéret. Un vrai spectacle et un beau plat.
Le déroulé de la recette est complexe, s’effectue en deux temps en cuisine et se termine en salle. Difficile sinon impossible à faire chez soi. En résumé, il faut un caneton étouffé et cuit saignant (environ 20 minutes) à la broche, si possible verticalement pour que la graisse s’écoule le long du canard. Les aiguillettes doivent être levées, la carcasse pressée pour obtenir le sang nécessaire à la liaison de la sauce avec du vin rouge (Beaune rouge en général). On achève la cuisson au jus additionné de Porto, de Cognac et de beurre. La liaison au sang se fait sur réchaud, sans bouillir, on nappe les aiguillettes, les cuisses sont servies à part, on sert le tout sur des assiettes très chaudes, accompagné souvent d’un flanc ou d’une purée de céleri.
Hôtel de DieppeRestaurant Le 4 Saisons
place Bernard Tissot
76000 Rouen
Tél : 02 35 71 96 00
www.hotel-dieppe.fr
41 chambres de 95 € à 160 €
Petit-déjeuner : 13 €
Le 4 Saisons
Menus de 28 € (déjeuner) – 38 € – 46 €
Carte : 50 € environ
Caneton à la rouennaise (pour deux personnes minimum) : 48 € par personne
Fermé samedi midi & dimanche soir
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